À la notion de parcours de soins, nous préférons celle de parcours de santé, qui est plus large.
On est trop enclin, en France, à une vision pessimiste des choses. Or, comme vous l'avez rappelé, la Cour des comptes a donné une estimation des dépenses de prévention comprise dans une fourchette de un à dix milliards d'euros. En tant que médecins généralistes, nous consacrons entre 25 % et 30 % de notre activité à des actes relevant de la prévention primaire ou secondaire. Les consultations de nourrissons, les consultations prénatales pour des grossesses physiologiques, les consultations de surveillance de l'hypertension sont essentiellement consacrées à de la prévention primaire. On ne peut donc affirmer qu'on ne fait pas de prévention en France, ni que le budget qui lui est consacré n'est pas suffisant !
En revanche, tous les experts insistent sur la nécessité de mieux intégrer, à côté du soin, la prévention, le dépistage et l'éducation thérapeutique dans l'organisation sanitaire.
Vous avez défini dans la loi le médecin traitant comme l'initiateur du parcours de santé de la population. Nous essayons de faire qu'il en soit ainsi en pratique : c'est tout le sens de la démarche conventionnelle, au sein de laquelle j'ai cherché pour ma part à introduire des objectifs de santé publique. Mais, quand on lance un plan Cancer en annonçant que le médecin généraliste doit en être partie prenante, il est regrettable qu'on ne dise rien des mesures concrètes retenues à cet effet ! MG France propose donc d'organiser les dispositifs de soin, de prévention et de dépistage autour de la fonction de médecin traitant. Il faut en outre considérer que celui-ci ne travaille pas de façon isolée et que nous nous orientons vers un travail en équipe de soins de premier recours, dans lequel il conserve la responsabilité de la coordination et du parcours de santé – et quand vous accepterez, comme nous le souhaitons, d'étendre la compétence du médecin traitant aux enfants dès leur naissance, nous partagerons une partie de ce rôle avec la pédiatrie, si elle existe encore en tant que telle hors de l'hôpital.
Il ne faut pas non plus oublier la coordination médico-sociale, nécessaire à une politique de prévention des maladies sexuellement transmissibles chez les adolescents. L'accès de ceux-ci aux cabinets médicaux doit être facilité, de même que leur accès à la contraception – les généralistes pourraient ainsi délivrer des boîtes de Norlevo aux adolescentes ayant eu des rapports sexuels non protégés.
Les Britanniques ont des structures centrées, non sur le médecin, mais sur des populations et sur des territoires. Or la loi du 21 juillet 2009 précitée a introduit la notion de territorialisation qui a suscité des craintes chez les médecins libéraux mais qui vous donne un outil politique permettant d'affirmer que nous ne sommes plus seulement des médecins ou des pharmaciens, mais des acteurs libéraux dans un territoire donné, et que nous devons vous proposer des modes d'organisation efficaces.
Le médecin traitant généraliste doit donc être chargé in fine de l'application des politiques voulues par le législateur ou par le Gouvernement, sachant, encore une fois, que celles-ci doivent être adaptées en fonction des risques propres à chaque patient.
S'agissant des modes de rémunération, il faut prévoir un temps de consultation consacré à l'explication du système, ainsi qu'un temps pour l'organiser. En effet, il nous manque aujourd'hui la production de données. Aujourd'hui, on n'en élabore pas autrement que par les procédures de liquidation de l'assurance maladie. Nous devons donc éditer des données, ce qui est un des objectifs sous-jacents de la rémunération sur objectifs de santé publique. Il s'agit de dire aux médecins : soit l'assurance maladie produit vos données – de façon d'ailleurs plus ou moins juste –, soit vous le faites vous-mêmes. Il faut ensuite confronter celles-ci à un référentiel préalablement fixé, puis prendre les mesures d'adaptation qui s'imposent.
C'est ainsi que nous allons travailler dans le cadre de la convention médicale, en nous appuyant sur des indicateurs – et si ces indicateurs ne sont pas adéquats, nous les modifierons. Ainsi en est-il pour la mammographie : l'objectif de santé publique doit être modifié parce que les références internationales changent et il faut adapter les indicateurs en conséquence. C'est sur le fondement de ce travail que nous pourrons ensuite nous préoccuper des « niches » de population restées à l'écart des actions de prévention.
Par ailleurs, il serait pertinent de laisser les partenaires conventionnels déterminer si cette consultation de prévention doit être rémunérée à l'acte, au forfait ou en fonction d'objectifs. Nous cernerons les besoins des médecins et nous nous mettrons d'accord sur la manière de procéder. Pour MG France, l'intérêt de la forfaitisation serait de tenir compte du travail effectué en dehors de la présence du patient. L'un des principaux objectifs stratégiques de la convention est en effet que le médecin ne soit pas seulement dans une relation binaire avec le patient : il faut qu'il prenne le temps d'examiner la situation de l'ensemble de sa patientèle au regard de la vaccination ou des dépistages, ce qui produira des données dont l'agrégation devrait, à une échéance que j'espère proche, nous permettre d'adapter nos pratiques.
C'est à un problème d'organisation générale que nous sommes aujourd'hui confrontés en France. Je ne suis pas sûr que nous ayons vraiment besoin d'une haute autorité interministérielle : il existe assez de directions au ministère de la santé pour définir les politiques et, même si la direction générale de la santé était chargée de les coordonner, il resterait l'essentiel, à savoir déterminer le moyen de les traduire sur le terrain. Actuellement, aux termes de la loi, cet instrument est la contractualisation, sous les auspices de la convention médicale. Nous aurons toute possibilité de conclure, avec les autres acteurs du système de soins, des conventions interprofessionnelles, car la politique de santé publique doit être confiée au réseau territorial de proximité qui est constitué par les acteurs de soins de premier recours. En revanche, si d'autres acteurs interviennent sans cesse, nous serons dans une situation d'inefficacité permanente.
L'articulation avec la politique de la ville est nécessaire à ce que j'appelle la coordination médico-sociale. C'est un peu moins vrai pour la médecine scolaire, en raison de l'absence de politique du Gouvernement en ce domaine, mais si celle-ci était réactivée, il faudrait veiller avant tout à son articulation avec la fonction de médecin traitant et avec les équipes de soins de premier recours.