Je suis très heureux d'évoquer ce matin devant vous le travail en cours de mise à jour de l'analyse du contexte stratégique qui sous-tend le Livre blanc de 2008. Rappelons-le, le précédent Livre blanc datait de 1994 – c'était avant la professionnalisation des armées. Treize ans s'étaient donc écoulés entre les deux exercices. La commission du Livre blanc a considéré en 2007 qu'il fallait éviter que ne se reproduise une telle situation, qui conduirait à ce que des travaux de fond, notamment dans le cadre de l'élaboration des lois de programmation militaire, reposent sur un document qui ne soit plus à jour. Elle a donc recommandé une mise à jour régulière du Livre blanc, ce qui a été acté par le Parlement. Une périodicité de quatre années a été prévue : le Livre blanc doit donc être mis à jour en 2012.
Compte tenu de l'importance de ce document, extrêmement structurant pour notre politique de défense et de sécurité nationale, il serait inconcevable que sa mise à jour s'effectue avant les échéances électorales majeures de 2012 – élections présidentielle et législatives. C'est donc au second semestre de 2012 que sera effectuée la révision proprement dite du Livre blanc, celle qui permettra de déterminer les grandes orientations de notre politique de défense et de sécurité nationale. Au cours de cette même période, il faudra en principe élaborer aussi un budget triennal pour les années 2013 à 2015 en matière de défense et, surtout, une loi de programmation militaire pour les années 2013-2018 puisque les LPM, établies pour six ans, doivent désormais être révisées tous les quatre ans.
Vous le voyez, le calendrier est très chargé. Ceux qui ont travaillé au sein de la commission du Livre blanc le savent, l'exercice est compliqué : en 2007-2008, neuf mois ont été nécessaires à la rédaction du document. Sa mise à jour demandera également un certain temps. C'est dans ce contexte-là qu'est née l'idée d'essayer d'anticiper le travail de 2012 en traitant des points objectifs sur lesquels, a priori, tout le monde peut être d'accord. Nous avions à l'esprit l'expérience des Britanniques qui, avant les élections générales au Royaume-Uni, avaient entrepris de rédiger un green paper sur le contexte international. Nous avons ainsi décidé de travailler sur l'actualisation de l'évaluation du contexte international effectuée en 2008 afin de planter le décor et de fournir ainsi une base de travail à ceux qui s'attacheront à la révision du Livre blanc après les élections de 2012. Tel est le sens de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République.
Compte tenu de cet objectif et des délais fixés, il a été décidé que notre travail aurait un caractère purement administratif, en tout cas à ce stade, et qu'en conséquence, n'allait pas être reconstituée une commission du Livre blanc. Comme coordonnateur interministériel sur les questions de défense et de sécurité nationale, j'ai réuni les ministères directement concernés par l'exercice – défense, affaires étrangères, intérieur, économie et finances – pour discuter avec eux de la méthode et pour constituer une sorte de comité directeur nous permettant d'examiner, point par point, comment les travaux peuvent avancer et doivent être structurés.
Concrètement, nous avons formé, dans un premier temps, quatre groupes de travail consacrés l'un aux recompositions géostratégiques en cours, l'autre aux architectures de sécurité collective et aux outils de gestion de crise, le troisième aux risques et menaces auxquels sont confrontées nos sociétés, le quatrième, enfin, aux enjeux économiques et sociétaux. Ces groupes étaient respectivement présidés par un directeur en fonction au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), par un diplomate du ministère des affaires étrangères, par un général de l'armée de l'air, et par un inspecteur des finances venu de Bercy. Une palette assez large de sensibilités, de compétences et d'expériences a ainsi été réunie. Les groupes de travail étaient eux-mêmes constitués de représentants des administrations concernées, y compris de services qui n'étaient peut-être pas directement en prise avec l'objet principal du travail. Si certains membres étaient permanents, d'autres n'étaient sollicités que pour certains sujets. En outre, ces groupes ont pu auditionner, à leur convenance, les experts qu'il leur paraissait utile d'entendre. Ils ont travaillé jusqu'au début du mois de novembre.
Fin octobre, nous avons organisé un séminaire fermé auquel nous avons convié un certain nombre d'experts internationaux, de manière à avoir un point de vue qui ne soit pas seulement français. Nous voulions être sûrs de ne pas omettre des éléments importants et de ne pas être restés trop focalisés sur des points qui peuvent paraître déterminants parce qu'ils occupent les médias en France. Nous souhaitions une vision plus large et plus en profondeur de ce que doit être l'évaluation du contexte stratégique.
J'ai décidé en outre de compléter ce dispositif par des consultations de partenaires internationaux très proches. J'ai ainsi choisi de consulter nos collègues britanniques et allemands. Nous leur avons envoyé un questionnaire reprenant certaines des problématiques qui s'étaient dégagées des réflexions des groupes de travail. Puis, nous avons discuté avec eux des thématiques qui nous paraissaient importantes. Nous avons en quelque sorte comparé nos notes et vérifié si nos visions coïncidaient ou divergeaient. Ce travail est très récent, mes rencontres avec nos homologues datant d'une semaine.
La lettre du Président de la République vous ayant été communiquée, vous avez pu constater que les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat devaient être consultées dans le cadre de nos travaux. Je suis aujourd'hui devant vous et je serai auditionné la semaine prochaine par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et par la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat. Lors de ces auditions, il ne s'agit pas seulement pour moi de vous informer sur le travail effectué, mais aussi de recueillir vos commentaires de manière qu'ils puissent être pris en compte dans le document que nous rédigerons.
Ensuite, nous finaliserons notre copie dans le cadre du comité directeur réunissant tous les ministères concernés, sous l'égide de la Présidence de la République et du cabinet du Premier ministre. Ce travail a vocation à être soumis à un conseil de défense et de sécurité nationale, d'ici à la fin de l'année ou au tout début de la suivante. Nous avons l'intention de produire in fine un document public. Il sera examiné non seulement par tous les partenaires français appelés à travailler sur la révision du Livre blanc mais également lu à l'étranger. Sur un exercice concernant le contexte stratégique, cela a son importance. Lorsque nous avions élaboré le Livre blanc en 2008, il avait fallu, de même, nous montrer prudents dans la façon de décrire le contexte international. S'il est des choses que l'on peut dire ou écrire sous le sceau de la confidentialité, il en est d'autres que l'on peut plus difficilement afficher. Ce sont les limites du document public.
J'en viens à l'analyse de nos réflexions. Première conclusion provisoire, l'analyse stratégique de 2008 est largement confirmée sur plusieurs points. Le document de 2008 avait été présenté comme le Livre blanc de la mondialisation : cette orientation reste totalement pertinente. La mondialisation reste un paramètre central de la donne stratégique mondiale. Le phénomène s'est même accéléré depuis 2007-2008. Nous devons aujourd'hui prendre en compte les bénéfices de la mondialisation mais aussi ses revers, ces derniers induisant des incertitudes stratégiques qui peuvent parfois être inquiétantes pour nous et nombre de nos partenaires, notamment du monde occidental.
Deuxièmement, le Livre blanc de 2008 avait identifié quatre zones critiques pour la France, où des conflits majeurs se déroulaient ou pouvaient se dérouler : il s'agissait d'un arc de crise allant de l'Atlantique à l'Océan indien, de l'Afrique subsaharienne, du continent européen, et de l'Asie. Cette analyse reste fondée. Il avait également identifié des vulnérabilités nouvelles pour le territoire et pour les citoyens français et européens. Celles-ci avaient pour nom terrorisme, menaces balistiques, menaces « cyber », espionnage, grands trafics, risques naturels et sanitaires, risques technologiques. Aucun de ces risques n'a disparu aujourd'hui. Nous n'avions pas été alarmistes en 2008.
Troisièmement, le Livre blanc avait souligné la continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure et l'interconnexion croissante des menaces et des risques : cette analyse-là, non plus, n'est pas remise en question. Nous en avons eu de nombreuses illustrations ces dernières années. Le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), que vous avez récemment auditionné, a sûrement tenu des propos qui allaient en ce sens.
Quatrièmement, la pertinence du concept de sécurité nationale qui avait été présenté dans le Livre blanc de 2008 est confirmée. La stratégie de sécurité nationale paraît devoir rester le cadre structurant de notre politique de défense et de sécurité. Les finalités de ce concept – défendre la population, le territoire ainsi que les valeurs du pacte républicain, et contribuer à la sécurité internationale – constituent aujourd'hui les lignes de force de notre action en matière de défense et de sécurité. À première vue, rien ne justifie que nous les remettions en cause.
Cela étant, depuis 2008, le panorama stratégique a évolué sur plusieurs points. En l'état actuel de nos travaux, nous en avons identifié quelques-uns. Tout d'abord, il nous semble que la reconfiguration de l'équilibre des puissances s'est accélérée sous l'effet de la crise économique et financière. On observe en particulier une consolidation de la dynamique chinoise, et l'affirmation de nouvelles puissances, dont l'Inde et le Brésil. Alors que l'Europe et les États-Unis sont frappés par la crise – qui a commencé en 2008, peu après la rédaction du Livre blanc – et que la croissance est en berne dans une grande partie du monde occidental, on trouve encore en Asie et dans les pays dits émergents des taux croissance à deux chiffres. Ce phénomène n'est pas seulement économique et financier : il a des répercussions sur la donne stratégique. De même, au-delà des fragilités structurelles qui continuent à l'affecter, l'Afrique connaît une dynamique politique, économique et démographique qui pourrait repositionner ce continent sur la scène internationale. Ce point sera vraisemblablement abordé dans l'analyse du contexte stratégique.
Je veux insister ensuite sur ce que j'appellerai la séquence stratégique américaine. Celle-ci a été marquée par une décennie d'interventions militaires sur un mode contre-insurrectionnel et semble aujourd'hui se terminer. L'Amérique, qui subit elle aussi les effets de la crise économique et financière, se tourne à présent résolument vers le Pacifique. Elle se désengagera dès la fin de cette année d'Irak et, en 2014, d'Afghanistan. Dans le même temps, la guerre contre le terrorisme qui était un peu la marque de fabrique de l'administration Bush, notamment après les événements du 11 septembre 2001, a été officiellement déclarée terminée par l'administration Obama, qui ne s'est plus reconnue dans la terminologie employée. Cette évolution importante n'est pas sans conséquence sur la France et l'Europe : l'Amérique est ainsi davantage recentrée sur elle-même et sur le Pacifique, et réduit ses budgets de défense. La réduction sera très substantielle : les estimations vont de 500 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars sur dix ans. Cela aura évidemment une incidence sur notre positionnement dans le contexte stratégique.
Par ailleurs, il faut évoquer ici le monde arabe. Ce qu'on a appelé le printemps arabe constitue un phénomène majeur et nous sommes vraisemblablement entrés dans un cycle de recomposition politique du monde arabe. Il est porteur d'espoirs, certes, puisque des tyrannies ont été renversées par ces mouvements, mais il est aussi source d'incertitudes. J'évoquerai deux points. Premièrement, comment les équilibres régionaux vont-ils se reconfigurer ? Je pense notamment à la situation au Proche-Orient et aux accords de paix entre Israël et l'Égypte, et entre Israël et la Jordanie. Deuxièmement, comment les relations des pays arabes avec les puissances occidentales vont-elles évoluer ? Il faut attendre le résultat des urnes. Les éléments provenant de Tunisie et d'Égypte sont pour l'instant très partiels. En outre, de grandes incertitudes pèsent sur la Libye, la Syrie et peut-être d'autre pays de la zone. Cette recomposition du paysage stratégique, qui se déroule sous nos yeux, est extrêmement importante pour la France du fait de la proximité géographique et des liens très étroits qui nous unissent à certains de ces pays.
Enfin, si le concept de guerre contre le terrorisme n'est plus la clé de voûte de la politique américaine, le phénomène a évolué depuis 2007-2008 mais n'a pas disparu. Lorsque nous avons élaboré le Livre blanc sur le terrorisme, en 2006, nous avions qualifié la menace djihadiste de menace stratégique. Cette analyse a été reprise dans le Livre blanc de 2008. Depuis cette date, le terrorisme est toujours aussi dangereux. Dans certains cas, et s'agissant des intérêts français, il est encore plus dangereux, je pense en particulier au Sahel et aux risques que fait peser Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) sur nos ressortissants et nos intérêts dans la région et peut-être sur notre territoire. Nos services de renseignement prennent quotidiennement ce risque en compte. Le même problème se pose dans la péninsule arabique où est apparue cette filiale d'Al-Qaïda dénommée AQPA, Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Al-Qaïda continue de jouer un rôle en Irak, même si cette filiale a été largement affaiblie par les actions menées par les États-Unis dans ce pays, et reste présente dans la zone afghano-pakistanaise même si les interventions de la coalition lui ont largement porté atteinte.
Cela étant, on a observé aussi des changements importants. La mort de Ben Laden constitue ainsi un phénomène symbolique considérable puisque sa traque était un des leitmotive de la guerre contre le terrorisme. Il était d'une certaine manière l'incarnation de ce terrorisme djihadiste global qui avait pour projet de mener la guerre des civilisations et d'aller combattre l'occident sur son propre terrain. Avec la mort de Ben Laden, le rôle d'Al-Qaïda centrale s'est largement affaibli. On assiste aujourd'hui à un éclatement du mouvement qui est davantage présent sur certains territoires, le Sahel, la péninsule arabique, l'Irak, la zone pakistanaise. Cela pose la question de la centralité stratégique du terrorisme, point que nous aborderons dans le cadre de nos travaux.
Tous ces éléments montrent bien que l'analyse de l'arc de crise du Livre blanc est confirmée.
D'autre part, nous nous sommes demandé comment il importait de traiter l'accident nucléaire de Fukushima, conséquence de catastrophes naturelles exceptionnelles. C'est un événement marquant de la période pour deux motifs : l'un tient à l'énergie et en particulier au nucléaire, l'autre à la gestion de crise. Je commencerai par le second. Le Japon, pays très bien préparé et qui a l'habitude des catastrophes naturelles, s'est pourtant trouvé dans une situation extrêmement difficile. Il a ainsi fallu mobiliser 100 000 membres des forces d'autodéfense japonaises. En matière de gestion de crise, même si nous avons beaucoup progressé depuis la publication du Livre blanc, le sujet reste important pour le dimensionnement des dispositifs, la planification et les moyens nécessaires pour faire face aux situations de crise.
S'agissant du nucléaire, tant la dimension énergétique que la dimension militaire sont concernées. L'émotion suscitée par Fukushima est un peu retombée et je ne suis pas certain que l'on retiendra cette catastrophe comme un élément majeur au même titre que ceux évoqués précédemment. Mais nous lui ferons une place dans l'analyse du contexte stratégique car elle aura des répercussions à long terme en matière d'énergie. Par exemple, lorsque l'Allemagne décide de renoncer au nucléaire, cela signifie qu'il lui faudra trouver d'autres sources d'approvisionnement énergétique. Ce sera le gaz, au moins à moyen terme, ce qui aura un impact sur la relation entre l'Allemagne et la Russie.
À partir de là, il faut déterminer ce que pourraient être les paramètres dimensionnants en termes de contexte stratégique. Nous avons d'ores et déjà dégagé les points suivants. D'abord, nous avons une conscience plus aiguë qu'en 2007-2008 des paramètres économiques, industriels et financiers. L'internationalisation des marchés fait peser sur nous de nouvelles vulnérabilités. J'évoque ici l'effet sur nos décisions de l'appréciation de certains acteurs des marchés et la problématique de l'équilibre entre l'attractivité de la France pour des capitaux étrangers susceptibles de soutenir notre croissance économique et le nécessaire maintien de notre autonomie dans les domaines de souveraineté.
Ensuite, les dépenses de défense et de sécurité comportent une dimension stratégique. On note à cet égard la diminution en valeur relative et absolue de l'effort de défense des pays européens par rapport aux États-Unis et aux pays émergents alors même que l'industrie de défense constitue un outil fondamental pour une politique industrielle sélective et ciblée. En France, 4 000 entreprises emploient 165 000 personnes dans ce secteur fortement exportateur. C'est donc un enjeu important. Les secteurs de la défense, de l'aéronautique et du spatial font partie de ceux qui portent l'industrie de notre pays alors même que d'autres secteurs industriels sont en recul.
Voilà quelques éléments liés à la situation économique et financière qui sont dimensionnants pour la suite.
Il faut également avoir à l'esprit que notre politique doit être en cohérence avec un cadre multilatéral qui est en transformation. J'ai évoqué l'émergence de nouvelles puissances qui influe sur le fonctionnement des instances multilatérales. Le G20 a ainsi été créé et on voit aux Nations unies un mouvement continu, que d'ailleurs nous soutenons, visant à réformer le Conseil de sécurité et à lui permettre d'avoir en son sein les nouveaux États qui comptent dans le monde afin de lui donner plus de légitimité encore. On l'a vu, la situation actuelle conduit à certains blocages : cela a été le cas avec la Libye, cela se produit à nouveau avec la Syrie. Certains pays émergents font entendre leur voix et celle-ci n'est pas toujours identique à celle de la France ou d'autres pays occidentaux. Dans un monde incertain, il importe d'avoir des bases solides. À cet égard, le rôle central du Conseil de sécurité comme source de légitimité, que soutient la France, nous semble devoir être préservé.
Par ailleurs, nous savons les efforts que notre pays a consentis pour relancer l'Union européenne, notamment lors de la présidence en 2008. Nous n'ignorons rien non plus des difficultés rencontrées, en particulier ces derniers mois. Les initiatives prises dans le cadre du Triangle de Weimar qui réunit la France, l'Allemagne et la Pologne, visent à essayer d'avancer dans la voie de la défense européenne. Le partenariat franco-britannique va dans le même sens. Dans notre esprit, en tout cas, ce n'est en aucune manière un substitut à la défense européenne. C'est un partenariat pragmatique entre deux pays voisins, qui ont été amis dans l'histoire, qui sont aujourd'hui alliés et qui ont des moyens comparables en termes de défense et des ambitions communes. Ils essaient donc d'avancer ensemble pour procurer une base solide aux pays européens en matière de défense. Le partenariat franco-britannique s'est d'ailleurs traduit dans l'affaire libyenne où il a joué un rôle fondamental.
S'agissant toujours des enjeux, si le terrorisme a peut-être perdu sa centralité stratégique, il demeure une préoccupation constante. Cela implique que la fonction de connaissance et d'anticipation soit maintenue au rang de priorité. Cette remarque vaut aussi pour la menace balistique que peut faire peser un pays comme l'Iran sur la sécurité de notre pays.
Il faut également renforcer les dispositifs de protection du territoire et des populations. Le Livre blanc l'avait déjà recommandé : il faut poursuivre dans le même sens. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit à propos de Fukushima. Il y a aussi la cybermenace qui, déjà identifiée en 2008, est aujourd'hui plus que confirmée. Elle s'est d'ailleurs manifestée à de très nombreuses reprises et sous plusieurs formes. La cybercriminalité, extrêmement gênante pour les particuliers qui en sont victimes, n'est pas la plus grave. L'État, plusieurs entreprises ont été touchés par des formes de cyberespionnage – Bercy a ainsi fait l'objet d'une attaque informatique. L'espionnage par l'utilisation des moyens de l'internet est un phénomène notable, croissant et dangereux que nous prenons en compte.
Il faut aussi avoir à l'esprit le risque de sabotage. Nombre de processus industriels sont pilotés aujourd'hui par les systèmes de contrôle et d'acquisition de données – supervisoring control and data aquisition, SCADA – : ces systèmes informatisés sont mis en réseau, souvent reliés par internet et, de ce fait, vulnérables. Une organisation terroriste qui en prendrait le contrôle pourrait avoir une action directe sur le fonctionnement de certains processus industriels. On ne peut ignorer non plus la menace stratégique : un État pourrait ainsi être tenté d'utiliser ce biais pour mener une attaque contre un autre État. Le Livre blanc de 2008, et c'était une grande innovation, avait souligné que la France prenait en compte tous les aspects de la cyberdéfense, y compris la lutte informatique offensive.
Enfin, en matière de prévention des conflits et d'intervention, je soulignerai deux points essentiels : d'une part, tout le travail effectué depuis 2008 sur la réorganisation du dispositif militaire français déployé à l'étranger avec toute la renégociation – quasiment terminée – des accords de défense, initiée à la suite du Livre blanc de 2008, et, d'autre part, le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN. À ce stade, celui-ci fait l'objet d'une appréciation positive. Nous avons pu observer combien il avait été utile, notamment dans le cadre du conflit en Libye. Cela nous permet de peser sur l'organisation de l'alliance ainsi que sur les réformes à mener. Ces points seront discutés notamment lors du sommet de Chicago l'année prochaine.