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Intervention de Daniel Fidelin

Réunion du 7 décembre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fidelin, rapporteur :

Il est vrai que le temps qui m'a été imparti pour instruire ce texte était plutôt court. C'est pourquoi je n'ai pu me rendre, comme je l'aurais pourtant souhaité, dans les ports concernés de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane et de la Réunion. J'en aurai peut-être l'occasion dans le cadre du contrôle de l'application de la loi (sourires).

Le présent projet de loi vise à transformer en « grands ports maritimes » les quatre ports d'outre-mer relevant de l'État que je viens de citer.

Plus précisément, nous allons aligner le statut des ports ultramarins sur le droit commun métropolitain. Les grands ports maritimes – les GPM – ont été créés par la réforme portuaire discutée, au cours du premier semestre 2008, au sein de ce qui était encore la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale. Nous disposons maintenant du recul suffisant pour en appréhender l'impact en métropole. La modernisation de la gouvernance, par l'institution d'un directoire et d'un conseil de surveillance, donne de très bons résultats : en témoigne l'augmentation de 20 % du chiffre d'affaires des GPM métropolitains. Je puis en témoigner en tant que membre du conseil de surveillance de celui du Havre. En outre, la réunion de toutes les parties prenantes au sein du conseil de développement permet de neutraliser nombre de conflits grâce à un dialogue renforcé : mettre en présence les usagers, les personnels, les associations et les collectivités limite les incompréhensions. Cela a facilité l'élaboration de projets stratégiques performants et une meilleure activité des ports français, en dépit du contexte négatif induit par la crise économique.

Nous dressons donc un bilan positif de la réforme portuaire, comme l'a également fait le Sénat dans son rapport de contrôle d'application de la loi, publié il y a quelques mois.

Certes, s'agissant du transfert au secteur privé des outillages et des personnels de manutention, nous n'avons pu échapper à des conflits sociaux, avivés par la réforme concomitante des retraites. Cette difficulté ne se présentera pas outre-mer car le même volet n'y sera pas appliqué. En effet, la situation concurrentielle sur place se limite à un petit groupe d'opérateurs. Je sais que cette assemblée bruit souvent de débats sur les mérites comparés de la concurrence privée et du monopole public, mais nul n'y a jamais défendu les avantages des monopoles privés et des cartels. La situation des outillages et des personnels demeurera donc en l'état.

En outre, la convention collective nationale unifiée du secteur portuaire (CCNU), conclue au printemps dernier, entrera en vigueur dans les ports d'outre-mer une fois la loi votée. Elle comporte des dispositions particulièrement attendues par les personnels, notamment sur la question de la pénibilité. De fait, mes discussions avec les syndicats se sont-elles déroulées dans une atmosphère inhabituelle, qui ne manquera pas de faire des envieux parmi vous. Tous mes interlocuteurs ont manifesté une opinion très favorable à l'égard du projet de loi. Mieux : la seule demande qui m'a été adressée est de tout mettre en oeuvre en vue de son adoption rapide !

J'en profite pour faire état du soutien dont bénéficie le projet de loi de la part de tous les autres acteurs portuaires ultramarins : les chambres de commerce et d'industrie, les directeurs de port et les collectivités territoriales. Les usagers regrettent, certes, de ne pouvoir siéger au conseil de surveillance. Mais il semble normal de ne pas les inviter à définir la politique tarifaire à laquelle ils seront eux-mêmes soumis.

Les chambres de commerce de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion admettent le changement de statut des ports, qui sortent ainsi de leurs prérogatives. Le Gouvernement s'est engagé à ce que des dédommagements leur soient apportés, afin de ne pas déséquilibrer leur activité. De plus, trois des personnalités qualifiées siégeant au conseil de surveillance seront des élus des chambres de commerce. En Guadeloupe, l'évolution sera encore plus facile car il s'agit déjà d'un port autonome. Les instances portuaires anticipent déjà cette réforme particulièrement attendue.

Reste la position des collectivités territoriales, que j'évoque volontairement en dernier lieu. Je me suis entretenu avec des élus locaux ultramarins et j'ai échangé, hier, avec nos collègues des territoires concernés. Ils veulent éviter une recentralisation et favoriser une gestion au plus près du terrain. Sur le plan philosophique, je comprends leur démarche ; j'irai même jusqu'à dire que je la soutiens… mais jusqu'à un certain point.

Si le présent projet de loi vise, je le rappelle encore, à aligner les statuts des ports d'outre-mer sur ceux de la métropole, il n'entend pas pour autant réaliser un décalque bête et méchant d'un régime sur l'autre : un port d'outre-mer n'est pas l'équivalent d'un port de métropole ; c'est aussi un poumon économique essentiel, une voie d'approvisionnement sans substitut, une infrastructure irremplaçable sans laquelle tout le territoire s'arrêterait.

Aussi le projet de loi adapte-t-il aux situations locales le droit applicable en métropole, où les collectivités territoriales disposent de quatre représentants au conseil de surveillance. Ce même chiffre est retenu pour Port-Réunion et pour Fort-de-France, qui ne comptent chacun qu'un seul port. Pour la Guyane et la Guadeloupe, où un grand port maritime réunira plusieurs sites distincts, il y aura cinq représentants des collectivités. C'est en raison de cette particularité géographique que le Conseil d'État a accepté l'adaptation du droit commun. Si nous accroissions encore le nombre d'élus locaux au conseil de surveillance, comme certains amendements le demandent, nous créerions une nouvelle catégorie d'établissement public. Or tel n'est pas notre objectif : l'appellation de « grand port maritime » est essentielle pour la notoriété et la crédibilité des ports ultramarins. S'il est souhaitable d'associer les collectivités à l'exercice des prérogatives de l'État, il ne faut pas aller jusqu'à associer l'État à l'exercice de ses prérogatives par les collectivités. Je serai donc hostile à une modification de la composition du conseil de surveillance : comme en métropole, le nombre de ses membres doit demeurer fixé à 17.

Le vote de cette réforme consensuelle implique de privilégier une démarche de consensus. Mes travaux ont fait apparaître la cohérence d'une coopération interportuaire entre la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. J'ai rédigé un amendement en ce sens. Nos collègues de l'opposition ayant fait de même, je me réjouis qu'il ait été ainsi ouvert à la co-signature. Sans interdire les désaccords, cette méthode favorise un examen efficace et serein de la réforme que je vous proposerai d'adopter.

Enfin, l'article 3 du projet de loi ne présente manifestement aucun lien avec le reste du texte : il s'agit d'une batterie d'habilitations à légiférer par ordonnance dans le domaine des transports aérien, maritime et routier. Le Gouvernement avait déjà procédé de la sorte l'an dernier, à l'occasion d'un texte rapporté par notre collègue Martial Saddier. Il serait malvenu de repousser cette demande puisque, sur certains textes, la Commission européenne a déjà mis la France en demeure et que nous nous trouvons au bord de la condamnation par la Cour de Justice. Pour autant, si j'admets l'intérêt d'une ordonnance pour agir dans l'urgence, je ne comprends plus cet argument lorsque l'habilitation court sur un délai de dix-huit mois. C'est un véritable défi à la logique car, en un an et demi, le gouvernement aurait largement le temps d'entamer une procédure législative classique. Je vous proposerai donc de scinder l'article 3 en plusieurs habilitations et d'assortir chacune d'un délai plus ou moins long en fonction du temps qu'il reste pour opérer la transposition ou, plus fréquemment, du temps écoulé depuis que nous aurions dû procéder à celle-ci.

Ce projet de loi comporte donc deux faces : d'une part, une réforme portuaire outre-mer bien conçue, bien préparée, bien construite et bien acceptée ; d'autre part, des habilitations de circonstance, moins heureuses. Dans les deux cas, je vous demanderai néanmoins de les adopter.

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