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Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 29 novembre 2011 à 18h15
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges, rapporteur :

Le problème des renégociations, avec Dexia mais aussi avec d'autres banques, françaises et étrangères, est en effet le montant des soultes. La proposition classique consiste à refinancer le capital restant dû majoré de la soulte, de 40 % du montant du prêt par exemple, à des taux plus normaux et plus sûrs. Mais aujourd'hui, une collectivité locale ne peut accepter ces conditions. Notre objectif est de trouver une issue à ce problème. Les responsabilités sont partagées. D'une part, certains ont volontiers acheté de l'argent bon marché ; d'ailleurs, la majorité des emprunts bénéficient encore de ces taux bonifiés, mais plus pour longtemps.

D'autre part, les produits en question n'auraient peut-être pas dû être sur le marché. La charte Gissler les exclut aujourd'hui, mais, dès cette époque, les techniques de présentation et de vente n'ont-elles pas servi à Dexia, qui se présentait comme la banque des collectivités, à commercialiser des produits qui n'avaient rien à faire dans une collectivité territoriale ? Puis, à partir de produits fabriqués sur mesure pour les grandes collectivités gérant de grandes masses financières, on est peu à peu passé à du prêt-à-porter. On nous a juré que les communes de moins de 10 000 habitants n'étaient pas visées ; pourtant, aujourd'hui, quelque 1 800 communes de moins de 10 000 habitants ont les mêmes types de produits que les grandes communes. Bref, une vaste opération commerciale a pris pour cible un stock de dette dormant qui représentait quelque 160 milliards d'euros, et jusqu'à 270 milliards si l'on inclut les établissements de santé et les offices d'habitat, et on a ainsi transformé des prêts à 4 ou 5 % en prêts structurés. La dette est dynamisée, les emprunteurs gagnent de l'argent, les banquiers dégagent des marges beaucoup plus importantes – même si, vous l'avez dit, une collectivité n'est pas rentable car elle n'effectue pas de dépôts –, mais sur des produits tels qu'un accident, de la parité euro-franc suisse par exemple, est lourd de conséquences.

Enfin, l'État a lui aussi ses responsabilités : le recours à ces produits était-il suffisamment encadré par la circulaire de 1992 ? Les organes de contrôle exerçaient-ils une véritable surveillance ?

Les emprunts structurés problématiques représentent 15 à 18 milliards d'euros. Le capital est dû, tout le monde en est d'accord. Quant aux intérêts, il est normal d'en payer quand on emprunte de l'argent. De l'avis de tous, la bonification initiale – 1 %, voire 0 % pendant dix ans ! – n'est pas tout à fait normale ; mais ce qui nous attend n'est pas normal non plus ! Est toxique ce qui dépasse le capital et le montant normal des intérêts. Cette partie toxique est souvent exposée à des retournements de cycle : ainsi, le taux de change euro-franc suisse, qui est aujourd'hui de 1,2 du fait des interventions de la Banque nationale suisse, pourrait évoluer favorablement au cours des six mois à venir, ce qui résoudrait tous les problèmes. Mais les collectivités ne connaissent pas l'évolution de ces paramètres à long terme alors qu'elles sont tenues par la règle d'or budgétaire de présenter chaque année des comptes équilibrés.

Que faire de cette partie toxique en attendant des jours meilleurs ? Les banques et les collectivités pourraient se mettre d'accord pour revenir à des emprunts « normaux », à taux fixe ou à taux variable de type « Euribor + x », en renvoyant le paiement du surcoût à une période plus favorable. La Caisse des dépôts pourrait-elle accompagner les collectivités dans l'intervalle ? Aujourd'hui, les renégociations portent sur le capital et sur une soulte que l'on transforme et que l'on refinance. Cette solution, qui consiste à reculer l'échéance, est présentée au motif que la conjoncture va se retourner dans deux ans, mais elle est incompatible avec le mode de gestion des collectivités, qui doivent présenter des comptes sincères.

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