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Intervention de Augustin de Romanet

Réunion du 29 novembre 2011 à 18h15
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Lors de la crise de 2008, le Gouvernement a décidé de débloquer en urgence, pour remédier à la pénurie du crédit, une enveloppe de 5 milliards d'euros destinée aux collectivités locales, également répartie entre la Caisse des dépôts, d'une part, et les banques commerciales, de l'autre. La Caisse a distribué 1,7 milliard de prêts ; les banques commerciales 800 millions.

Puis l'on a pris conscience du fait que le secteur des prêts aux collectivités locales connaîtrait en 2011 de nouvelles tensions. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, a sollicité le Premier ministre à ce sujet en juin et juillet ; j'ai moi-même été appelé par des maires de grandes villes dont les demandes de prêt restaient sans réponse. Nous avons alors envisagé une nouvelle enveloppe, initialement fixée à 3 milliards d'euros au motif que la crise était moins dure qu'en 2008. En réalité, 2011 est une année beaucoup plus propice à la dépense locale, car il s'agit d'une phase du cycle municipal où de nombreux projets sont engagés ; en outre, la capacité d'intervention de la Caisse est mieux connue qu'en 2008. De fait, dès l'octroi de l'enveloppe, le montant des demandes a parfois atteint cinq fois celui de l'offre, selon nos estimations initiales. De plus, les établissements de santé sont cette fois également concernés, pour 500 millions d'euros, ce qui n'était pas le cas en 2008. Le Premier ministre a donc porté l'enveloppe à 5 milliards. La question de savoir si les 2 milliards supplémentaires seront attribués par la Caisse des dépôts ou par les banques n'est pas encore tranchée. Quoi qu'il en soit, la Caisse se tient prête à les distribuer directement.

Pourquoi les collectivités locales se sont-elles tournées vers nous ? Vous l'avez suggéré, les banques ne leur proposent spontanément rien ou presque rien – ainsi le maire de l'une des cinq plus grandes villes de France m'a-t-il confié qu'on ne lui avait fait aucune offre de prêt – ou pratiquent des taux dissuasifs, de 7 % par exemple. Cette réticence des banques à aller sur le marché des prêts aux collectivités, qu'elles admettent explicitement, vient essentiellement du fait que cette activité n'est pas rentable, et ce pour trois raisons. Premièrement, une banque hésite à accorder des prêts sans dépôts associés. Deuxièmement, les ratios de solvabilité de Bâle III supposent de disposer de fonds propres importants pour des prêts à long terme. Troisièmement, le ratio de liquidité, le Net Stable Funding Ratio, représente un surcoût estimé aujourd'hui à 100 points de base, contre 55 il y a seulement trois mois. De fait, les règles de Bâle III interdisent la transformation. La Caisse des dépôts pratique la transformation de liquidités en barrages, pour reprendre la formule de François Bloch-Lainé, ou plutôt en investissements à long terme pour les infrastructures, les logements et les collectivités locales. Mais les banques peuvent de moins en moins faire de même puisqu'on leur demande, pour des emplois à vingt-cinq ans, des ressources à vingt-cinq ans, alors qu'aucune banque en Europe ne peut emprunter en non secured, sans collatéral, à plus de trois ans.

Nous proposons des emprunts dont le taux est, au choix de l'emprunteur, soit fixe, soit indexé sur le livret d'épargne populaire, l'inflation ou l'Euribor. Selon mes informations, 50 % des demandes concernent des taux fixes, 28 % un index LEP ou inflation et 22 % un index Euribor.

Ces prêts, accordés grâce à une ressource privilégiée, resteront dans le fonds d'épargne : il serait impossible de les transférer à la future structure de financement, car celle-ci se financera aux conditions de marché. Je profite de l'occasion pour remercier les membres de la commission des finances et tous les parlementaires qui ont voulu que nous disposions de tout le croît naturel du livret A. Il y a un an, en effet, certains songeaient à plafonner à 3 % la croissance de l'encours centralisé à la Caisse des dépôts, le surplus revenant au secteur bancaire. Or, si nous pouvons venir en aide aux collectivités, c'est grâce à ces ressources, qui sont considérables puisque les dépôts, dont nous récupérons 65 %, ont augmenté de 17 milliards d'euros en 2011, hors capitalisation des intérêts. En d'autres termes, en décidant de débloquer ces 5 milliards d'euros, le Gouvernement n'obère pas notre capacité de prêt aux organismes de logement social.

Quant à la future banque des collectivités locales, nous souhaitons qu'elle soit opérationnelle en juin 2012. Le Premier ministre a autorisé la signature de prêts au titre de la nouvelle enveloppe jusqu'au 30 avril. La période de carence devrait donc être aussi courte que possible. Cette joint venture, dont l'opérateur industriel sera La Banque postale, qui en détiendra 65 %, doit d'abord se doter d'un réseau de correspondants sur le territoire, auprès des collectivités locales. Nous nous efforcerons de proposer à La Banque postale de s'inspirer de la technologie de la Caisse des dépôts, qui dispose d'un réseau de directeurs régionaux.

D'autre part, la nouvelle structure devra refinancer les prêts. Pour cela, nous envisageons de recourir à un véhicule de refinancement, sous forme d'une société de crédit foncier – catégorie de société financière créée en 1999 à la suite de la crise du Crédit foncier -, chargé d'émettre des Pfandbriefe françaises, des obligations très sécurisées, généralement très bien notées. En l'espèce, notre objectif est le double A, voire le triple A. Cette société émettra du papier pendant une durée égale à celle des prêts, en tirant profit de la signature cumulée de la Caisse des dépôts et de La Banque postale puisqu'elle devrait en effet être détenue à 65 % par la Caisse des dépôts, à 5 %, dans un premier temps, par La Banque postale, et à 30 % par Dexia Crédit Local, qui en reste actionnaire. Le défi que nous devrons relever au premier semestre 2012 consistera à ranimer cette structure de refinancement, Dexia Municipal Agency, qui jouit aujourd'hui d'un crédit si faible qu'elle n'est plus en activité. Il nous faudra donc redonner confiance aux investisseurs.

Les prêts distribués par la nouvelle banque seront simples, compréhensibles, transparents, non structurés. Le taux affiché sera calculé à partir des coûts de refinancement. La gestion financière sera raisonnable. La Banque postale étant une entreprise détenue par La Poste à 100 %, elle-même détenue par l'État à 74 % et par la Caisse des dépôts à 26 %, et la Caisse des dépôts étant placée sous la surveillance particulière du Parlement, les emprunteurs seront parfaitement informés des bénéfices réalisés par la banque, puisque tous les comptes seront à la disposition de la représentation nationale.

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