Lors de l'examen du rapport de la mission d'information sur la formation initiale et le recrutement des enseignants en juillet dernier, j'avais déjà déploré les modalités dans lesquelles s'étaient déroulés nos travaux. Il semble désormais que la procédure accélérée s'applique également aux travaux des missions d'information et cela nous apparaît regrettable, comme M. Yves Durand vient de le souligner.
Le rythme frénétique imposé par le président-rapporteur – une centaine d'auditions ont été conduites dans un laps de temps très court – nous a privé d'une véritable concertation et de l'analyse approfondie que méritait ce sujet d'importance. Le résultat de cette précipitation a été le vote de notre commission, refusant la publication du rapport, le 6 juillet dernier. Contre toute attente, la mission d'information a néanmoins été réactivée, sans concertation ni information préalables, ses membres étant simplement avisés par une convocation du 14 octobre qu'une série d'auditions aurait lieu le 20 octobre suivant. La reprise des cadences folles et l'engrenage habituel de la procédure ont conduit à une communication du projet de rapport aux membres de la mission d'information la veille de son adoption mercredi dernier.
Nos désaccords subsistent pourtant sur trois points : suppression du concours externe de l'agrégation, remplacement du concours par le master, recrutement des enseignants par les établissements sur la base d'un entretien professionnel.
L'agrégation a encore toute sa pertinence à la charnière du lycée et de l'enseignement supérieur. Elle certifie un haut niveau disciplinaire et, en cas de suppression du concours externe, plus aucune régulation n'interviendrait a priori. Les difficultés de recrutement, notamment dans les zones défavorisées, s'aggraveraient, les meilleurs enseignants se trouvant aspirés dans les établissements les plus cotés des académies les plus demandées.
Le master, quant à lui, ne permettra pas de garantir le même niveau de formation professionnelle des enseignants sur tout le territoire et dans toutes les académies car les universités, nous le savons bien, ne sont pas égales entre elles et aussi parce que d'un master à l'autre les différences peuvent être très importantes. Or, les concours nationaux ont précisément pour but de garantir l'égal accès de tous aux charges et emplois publics. Leur suppression n'empêchera pas la nécessaire sélection des candidats au métier d'enseignant : elle la rendra plus opaque et beaucoup plus injuste, avec le risque de renforcer les inégalités territoriales.
Certes, la nouvelle rédaction du rapport escamote dans le rappel final des préconisations les deux propositions les plus contestables présentées en juillet. Elles n'en sont pas moins maintenues et abondamment développées dans le corps du rapport par le président-rapporteur, qui « récidive » en affichant nettement sa préférence pour la suppression du concours externe de l'agrégation, le remplacement du concours par le master d'ici dix-quinze ans et le recrutement des enseignants par les établissements ; autrement dit, tout ce que nous avions rejeté en juillet dernier.
Nous ne contestons pas que le système puisse et doive être amélioré. Si nous approuvons en grande partie l'orientation des propositions relatives à la formation des enseignants, les positions du président-rapporteur en faveur d'un recrutement nouvelle manière qui ne respecte pas les principes fondamentaux de l'accès à la fonction publique ne nous apparaissent pas recevables. C'est de l'avenir de nos enfants, des enseignants et de tout notre système éducatif qu'il s'agit !
Dans ces conditions, quoi qu'il lui en coûte – car ses membres appartenant à la mission d'information ont aussi beaucoup travaillé –, le groupe SRC s'opposera à la publication de ce rapport en l'état. Nous invitons d'ailleurs nos collègues de la majorité à faire de même.