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Intervention de Jean Grellier

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Débat sur la situation de l'industrie ferroviaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord, comme les orateurs qui m'ont précédé, saluer au nom de mon groupe, l'initiative de nos collègues du groupe GDR qui ont demandé l'organisation de ce débat. Il fait suite à la commission d'enquête sur l'avenir de l'industrie ferroviaire qui a travaillé tout au long du premier semestre de cette année 2011.

Chacun avait pu saluer la qualité des travaux de cette commission d'enquête présidée par notre collègue Alain Bocquet et dont le rapporteur était Yanick Paternotte, travaux menés avec l'aide des administrateurs de l'Assemblée nationale, qui ont contribué à assurer leur cohérence en même temps qu'ils ont veillé à un certain pragmatisme par rapport aux objectifs poursuivis.

C'est ce pragmatisme, je pense, qui avait permis, à l'issue des nombreuses auditions mais aussi des visites ciblées sur le terrain, de retenir vingt-cinq propositions d'action avec des degrés d'urgence différents en fonction des situations que nous avions rencontrées tout au long des travaux de notre commission.

Le débat d'aujourd'hui nous permet, si je puis dire, d'exercer un « droit de suite ». Il s'agit de vérifier si nos propositions et recommandations ont été entendues et si vous pouvez, monsieur le ministre, nous indiquer de quelle manière le gouvernement a pris en compte les sept actions et recommandations que nous souhaitions voir mises en oeuvre dans les six mois, c'est-à-dire à la fin de cette année 2011, compte tenu de l'urgence, à nos yeux, d'un soutien à l'industrie ferroviaire et afin, surtout, de préparer son avenir.

Avant de revenir sur ces différentes mesures qualifiées de prioritaires, nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier votre démarche globale. En effet, vous avez pris l'initiative, avec votre ministre de tutelle, Mme Kosciusko-Morizet, de lancer à l'automne les Assises du ferroviaire, qui permettront peut-être de reprendre tout ou partie des conclusions de notre commission d'enquête puisque ce sont, à première vue, les mêmes acteurs qui sont auditionnés et qui participent à ces Assises.

Plus globalement, vous pouvez vous appuyer sur d'autres travaux et réflexions qui ont pu être conduits. Je pense notamment aux États généraux de l'industrie qui se sont tenus fin 2009-début 2010 et ont débouché sur les Comités stratégiques de filières, dont le Comité stratégique de la filière ferroviaire, le CS2F ; aux travaux et au bilan des pôles de compétitivité dédiés mis en place en 2006 ; à la mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale, dont l'initiative revient au président de l'Assemblée nationale, et même si elle n'a pu conclure ses travaux faute d'accord entre les deux rapporteurs ; au rapport rendu, sur les mêmes thèmes, par le Conseil économique, social et environnemental, commandé par le Premier ministre et publié au mois d'octobre dernier ; au rapport de l'inspection générale des finances du mois d'août dernier, sans parler d'autres écrits tous plus intéressants les uns que les autres mais qui, trop souvent, restent au fond des tiroirs et ne débouchent sur aucune action significative.

J'ai même pu constater que vous avez vous-même missionné le cabinet privé de M. Abate pour faire un audit, a priori, d'ailleurs, sur le même périmètre que celui étudié par la commission d'enquête.

Les auditions nous ont permis de prendre conscience du délitement de cette filière, dont un certain nombre d'acteurs industriels ont été victimes. Cependant, une partie des difficultés constatées peuvent être similaires aux maux chroniques dont souffrent, de manière générale, de nombreuses autres filières de l'industrie française : difficultés de relations entre les grands donneurs d'ordres et les sous-traitants ou les équipementiers ; difficultés de transmission des entreprises patrimoniales, souvent aggravées par des problèmes de financement et de recapitalisation ; difficultés pour connaître la stratégie des pouvoirs publics, atténuées, cependant, dans le cas de la filière ferroviaire, par les gros efforts fournis depuis 2004 par les conseils régionaux en matière de développement des TER et d'investissement en matériel, même s'ils doivent respecter les procédures d'appel d'offres ; difficultés pour traduire les travaux en matière d'innovation et de recherche en véritables projets industriels. Pourtant, c'est un paradoxe, nous avons pu constater, dans cette filière comme dans d'autres, un savoir-faire de qualité acquis depuis de nombreuses années.

Une autre spécificité de cette filière qui s'est structurée au fil du temps tient au rôle qu'a pu jouer la SNCF en tant qu'élément leader et acteur des principales décisions stratégiques. Pour paraphraser le président Bocquet, c'était la mère-poule qui s'occupait de l'ensemble de sa couvée et guidait les poussins qui la composaient, assurant ainsi un développement relativement homogène. (Sourires.) Pour répondre aux exigences des directives et réglementations européennes, cette structuration très hiérarchisée dans sa diversité a ensuite été réorganisée pour introduire une prétendue concurrence. Las, au lieu de dynamiser ce secteur industriel, cette évolution a provoqué une sorte de démantèlement très préjudiciable, qui s'est traduit par un affaiblissement, notamment face à la concurrence européenne et en termes de pertes d'activité et d'emplois.

Il est donc utile de s'interroger, aujourd'hui encore, sur l'organisation d'un système auquel manque manifestement un pilote qui coordonne, qui impulse, qui donne des perspectives. De même est-il permis de s'interroger sur une sorte de dilution des responsabilités entre Réseau ferré de France et la SNCF, avec sa stratégie de filiales et son organisation et son management de plus en plus centralisés, au détriment d'un certain nombre de territoires. Il faudra certainement se poser un jour les bonnes questions sur ces sujets, même si, pour l'heure, nous souhaitons que le cap de la mise en place du cadencement, le 11 décembre prochain, soit franchi sans trop de difficultés. Il faut se soucier de corriger les éventuels problèmes ou erreurs, et aussi permettre à l'ensemble du secteur ferroviaire d'envisager un nouvel avenir.

Abordons maintenant, plus concrètement, les recommandations de la commission d'enquête, en commençant par les plus urgentes.

Avez-vous pu demander à la SNCF et à ses principales filiales de définir une stratégie claire de développement et une politique d'investissement à moyen terme d'ici à cinq ans ?

Avez-vous pu proposer au CS2F de constituer une force de frappe industrielle par une meilleure organisation des acteurs par rapport aux besoins du marché ?

Avez-vous pu lancer avec la SNCF, ses filiales et les autres intervenants un programme de construction de wagons fret de manière à sauvegarder le savoir-faire français, après avoir rapidement procédé à un audit de l'état du parc mais aussi de sa maintenance ?

Avez-vous pu accélérer le développement des autoroutes ferroviaires, en particulier celle de l'Atlantique, dont le blocage était incompréhensible ?

Avez-vous pu lever les entraves dues à la pénurie de sillons d'essais ?

Avez-vous pu augmenter de manière significative l'enveloppe de financement dédiée au secteur ferroviaire dans le cadre des investissements d'avenir ?

Toutes ces actions visent à traiter une situation d'urgence, étant entendu que, dans l'année qui vient, il sera aussi urgent d'aborder la gouvernance d'Eurostar ; de favoriser la recherche et d'en simplifier les procédures de financement ; d'encourager des regroupements de proximité réunissant fournisseurs et sous-traitants ; d'inciter RFF mais aussi l'État et les conseils régionaux, à travers les contrats de projet, à électrifier les lignes de fret ; de créer un fonds de modernisation des équipements ferroviaires sur le modèle de celui de l'automobile ; de mieux utiliser le code des marchés publics, en s'appuyant notamment sur la notion de réciprocité mais aussi sur un partenariat et une coopération mieux construits et plus développés entre les grands donneurs d'ordre et les sous-traitants, avec des notions de certification et de recensement des marchés ciblés.

Je n'aborde pas les propositions à dix-huit mois, qui sont tout aussi importantes, mais j'attends des réponses claires et étayées, monsieur le ministre, sur tous les points que je viens de mentionner. En effet, on retrouve, dans les principales conclusions de toutes les instances de réflexion qui ont été organisées, qu'elles se nomment états généraux, assises, commission, mission ou audit, une constante : c'est la demande forte d'un État stratège, d'autant qu'il apparaît de plus en plus que la compétitivité de notre économie et celle de nos principales filières industrielles ne tiennent pas forcément à des problèmes de coûts, qu'elles sont surtout des problématiques hors coûts, donc structurelles et en conséquence plus globales, qui demandent d'agir avec cohérence sur plusieurs leviers.

Monsieur le ministre, pour la filière de l'industrie ferroviaire, inscrivez-vous votre action dans la dynamique d'un État stratège ? Et quelle en est votre conception ? Par ailleurs, comment le situez-vous concrètement dans votre action et celle du Gouvernement ? Car enfin, s'il y a une demande répétée d'un État stratège, c'est qu'il y a un constat partagé de son absence.

Par ailleurs, puisque c'est d'actualité, que pensez-vous de l'annonce du groupe Veolia qui a souhaité se dégager du transport de voyageurs, secteur où il avait fusionné avec Transdev, pour s'engager dans le ferroviaire. Quelle est la position du Gouvernement sur cette évolution ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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