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Intervention de Yanick Paternotte

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Débat sur la situation de l'industrie ferroviaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYanick Paternotte :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a six mois, avec Alain Bocquet, j'avais l'honneur de remettre au président de notre assemblée mon rapport sur la situation de l'industrie ferroviaire française. Ce rapport était le fruit des investigations de la commission d'enquête qui a travaillé pendant six mois – en bonne intelligence, je tiens à le souligner – sur un sujet qui, comme chacun le sait, m'intéresse particulièrement.

La France dispose d'atouts indéniables, nul ne peut le nier. Grâce à nos industriels, notre savoir-faire est reconnu internationalement, tant et si bien que l'on serait presque tenté de croire que la locomotive fut l'invention d'un Français.

Notre réseau est l'un des plus développés au monde, grâce notamment aux grands travaux menés sous l'impulsion de Charles de Freycinet au cours des premières années de la IIIe République et dans le droit fil de ce qu'avait initié Napoléon III en son temps.

Notre TGV est le témoin de la technologie française et occupe l'une des premières places dans l'histoire des inventions du siècle passé. En somme, le rail est presque constitutif de notre histoire moderne, à tel point qu'aux yeux de Fernand Braudel, l'identité française se résumait en deux choses : l'école de Jules Ferry et le chemin de fer.

Quelle tristesse, dès lors, de voir l'industrie ferroviaire parfois reléguée au rang de vieillerie, parmi les images d'Épinal, malmenée face à d'autres secteurs réputés plus nobles, comme l'aéronautique ou l'automobile ! L'industrie ferroviaire est pourtant l'une des plus sophistiquées qui soit et mérite d'être encouragée, en cette période où la crise frappe durement nos entreprises, en particulier nos PME.

Nos industries ferroviaires évoluent aujourd'hui dans un monde de plus en plus concurrentiel, marqué par la domination de la Chine qui occupe désormais la première place, devant l'Allemagne, pour le chiffre d'affaires. Dans ce contexte, la filière française a besoin de se moderniser, ce qui passe avant tout par une meilleure structuration. Des initiatives ont été lancées par les professionnels, au travers d'organisations comme la Fédération des industries ferroviaires, la FIF, ou l'Association des industries ferroviaires, l'AIF, et par les pouvoirs publics, au travers du Comité stratégique de la filière ferroviaire, le CS2F.

Ces instances ont identifié des réformes d'urgence de nature à refondre les rapports entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants, à l'origine de l'essentiel de la valeur ajoutée du secteur. La structuration de la filière passe notamment par les regroupements de proximité et la mise en place d'un fonds de modernisation des équipementiers ferroviaires ; les deux orateurs qui m'ont précédé ont évoqué ce fonds, je ne doute pas que les suivants feront de même.

Au-delà des grands groupes, les équipementiers français capables de répondre à la concurrence internationale sont trop peu nombreux, mais il en reste encore : Faiveley, Lohr, GHH-Valdunes, par exemple. À côté de ces quelques exceptions survit difficilement une myriade de petits équipementiers mono-produit et mono-client, ce qui les fragilise à l'extrême, si bien qu'ils sont d'ores et déjà quasi condamnés.

Des marchés sont pourtant à conquérir à l'heure où le train, le métro et le tramway sont plus que jamais des transports d'avenir. Les exigences du développement durable ont en effet consacré les moyens de transport propres, et le rail apparaît aujourd'hui comme une alternative crédible à la route et au transport aérien. Des marchés sont donc ouverts, dans les pays développés et les pays émergents.

Néanmoins, force est de constater que les industriels français pâtissent souvent d'une forme de concurrence déloyale dès lors qu'ils viennent contester la position d'un producteur local. En Allemagne, Siemens semble incontournable, de même que CAF en Espagne. En dehors de l'Union européenne, les marchés japonais, coréens et chinois sont quasiment imprenables, à moins de consentir à un transfert de technologie qui peut menacer la pérennité des efforts de recherche et développement sur nos territoires. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'Union européenne et la France présentent un fort taux d'ouverture à la concurrence.

Ma position est claire, et ne croyez pas que ces quelques mois passés auprès d'Alain Bocquet me conduisent aujourd'hui à prôner un protectionnisme de mauvais aloi ! (Sourires.) Je souhaite simplement que nous puissions agir afin de faire respecter les règles du commerce international, et j'insiste sur le mot « règles ». Au niveau européen, la France doit porter la voie de la régulation du commerce international, quitte à soutenir devant l'Organisation mondiale du commerce des initiatives comme celle de l'Union européenne au sujet des matières premières. La Commission européenne, pour sa part, a peut-être parfois tendance à multiplier les accords commerciaux sans porter une attention suffisante aux clauses de réciprocité. La libéralisation des marchés n'a de sens que si elle est régulée, il est bon de le rappeler.

Nos entreprises doivent également bénéficier du renouvellement du marché du rail dans notre pays. Au cours des dernières années, les industries ferroviaires françaises ont profité de la modernisation du transport régional engagée par les régions et du renouveau du tramway dans les communes. Les collectivités territoriales sont d'importants commanditaires – elles l'étaient, c'est sûr, mais elles le sont encore – et, face à la concurrence internationale, les pouvoirs publics doivent se montrer exemplaires lors de la passation des marchés publics et ne pas hésiter à exploiter au mieux les possibilités de notre législation pour valoriser le mieux-disant.

La SNCF a également une part importante de responsabilité. À plusieurs reprises, Guillaume Pepy a affirmé son désir de prendre en main le pilotage de la filière ferroviaire, renouant ainsi avec la tradition historique de la SNCF. Cette dernière doit établir une politique d'investissement claire à l'heure où les matériels roulants sont vieillissants. Elle se doit également de préciser le modèle du TGV de demain afin d'engager un programme de renouvellement de sa flotte.

Quant au fret ferroviaire, il est dans une situation des plus inquiétantes. La France dispose encore de rares industriels sur ce segment d'activité : Lohr Industrie, Arbel Fauvet Rail, les Ateliers bretons de réalisations ferroviaires. Ces entreprises sont dans une situation périlleuse à laquelle seule la relance du fret peut remédier.

Certains recommandent de sortir le fret de la compétence de la SNCF en le filialisant. Il convient en tout cas de mener un audit sur le parc fret SNCF.

D'aucuns considèrent que les entreprises de matériel de fret sont condamnées, incapables qu'elles sont de faire face à la concurrence des pays de l'Est aujourd'hui, de l'Inde et de la Chine demain. Pourtant, des alternatives existent, en particulier celle d'une filière industrielle européenne, celle d'un « Airbus du rail » pour reprendre une expression de plus en plus courante.

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