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Intervention de Alain Bocquet

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Débat sur la situation de l'industrie ferroviaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bocquet :

Cette question est posée avec force.

La commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider a rappelé que l'industrie ferroviaire représente un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros et recense 21 000 emplois, auxquels s'ajoutent ceux de la SNCF et de la RATP dans le domaine de la maintenance. La commission a effectué pendant six mois un travail sur le terrain, dans nos régions ferroviaires ; elle s'est rendue à la Commission de Bruxelles, en Pologne même, procédant aux auditions de l'ensemble des parties concernées, dont vous-même, monsieur le ministre. Au terme de ce travail, elle a adopté en juin, à l'unanimité, le rapport de M. Paternotte, assorti de vingt-cinq propositions et d'un calendrier de leur mise en oeuvre.

Ces propositions couvrent un champ très vaste, à commencer par le rôle moteur qui devrait être celui de la SNCF pour structurer la filière. L'industrie ferroviaire est en effet une industrie éclatée, avec un millier de PME ultradépendantes des grands donneurs d'ordres, parfois même contraintes à la délocalisation, et peu d'entreprises de taille intermédiaire présentes à l'international et capables d'investir dans la recherche-développement.

Elle a besoin d'un pilote pour s'organiser, produire, innover, conquérir des marchés à l'international, en chassant en meute, si je puis dire. En juin, la commission demandait à la SNCF de préciser dans les six mois sa politique d'investissement à cinq ans pour le renouvellement du matériel roulant. Le délai étant échu, cette question prioritaire demeure posée.

Les propositions évoquaient la situation de l'industrie du fret ferroviaire et la nécessité pour ses acteurs d'accéder à des garanties de financement « pour lancer dès 2011, écrivions-nous, un programme de construction de wagons ».

L'État a aussi un rôle à jouer auprès de la SNCF quand il s'agit de pérenniser de tels partenariats industriels et commerciaux, de réaliser un audit général du parc fret, et d'enrayer la chute du fret ferroviaire – qui a accusé un recul de 40 % en dix ans dans notre pays tandis qu'il progressait de 45 % en Allemagne au cours de la même période.

La commission avait demandé à la France d'intervenir auprès de l'Union européenne pour que soit constitué un consortium du ferroviaire, sorte d'Airbus du rail, indispensable face à une concurrence mondiale grandissante, alors que nous conservons toujours l'avance technologique et les savoir-faire. Elle avait aussi demandé à la France d'intervenir pour que la Commission européenne fasse respecter l'exigence de réciprocité d'ouverture des marchés dans les négociations d'accords de libre-échange.

Nous avions évoqué la nécessité d'accélérer l'essor des autoroutes ferroviaires, de résorber la pénurie des sillons d'essais, d'accroître la part du ferroviaire dans les investissements d'avenir. Nous avions soutenu l'idée d'encourager les regroupements de proximité de fournisseurs et sous-traitants, et celle de créer un fonds de modernisation des équipements ferroviaires abondé par l'État et les grands constructeurs.

Enfin, je rappelle que nous avions préconisé la mise en oeuvre de dispositions visant à organiser la filière ferroviaire sur la base d'un recensement de marchés cibles.

Toutes ces propositions de pistes ont été adoptées dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire où, de toutes parts, s'exprimait l'urgence d'initiatives fortes pour pallier les difficultés, soutenir les PME, préserver l'emploi, structurer la filière sur le plan national et européen, au moment où le ferroviaire innove en permanence et où le marché du rail va connaître une croissance soutenue que l'on annonce à 2,4 % en moyenne d'ici à 2016.

Le Gouvernement a choisi de différer l'essentiel des prolongements qu'appellent ces travaux, en organisant des assises du ferroviaire qui ne rendront leurs conclusions qu'au premier trimestre 2012. Dans la presse, on a pu lire que ce n'était pas « le débat public attendu », que pour la SNCF « la question de la pertinence de l'ouverture à la concurrence n'est jamais posée », que « l'enjeu du service public n'est pas abordé ».

Il est beaucoup question de compétitivité, précisément à propos de la filière ferroviaire. La compétitivité est une question majeure que vous réduisez à la vieille antienne du poids des salaires et des cotisations qui pèsent sur les entreprises. Or l'INSEE indique que le coût du travail horaire dans l'industrie manufacturière est moins élevé en France qu'en Allemagne, et que l'on travaille plus chez nous que chez nos voisins : 1 554 heures par an contre 1 390 heures.

En fait, la compétitivité dépend des efforts consentis en faveur de la recherche et d'une coopération accrue entre les grands groupes et les PME – il s'agit de passer de la sous-traitance à la co-traitance, de ne plus chercher à étrangler son fournisseur. La compétitivité dépend aussi de l'effort de formation. À cet égard, je regrette que, dans ma région Nord-Pas-de-Calais, où est concentré l'essentiel de l'industrie ferroviaire, aucun lycée ne prépare et qualifie les futurs ingénieurs ou techniciens du secteur.

Tous ces constats, auquel s'ajoute celui de l'urgence d'une relance de la politique industrielle, s'appliquent point par point à la situation d'une filière ferroviaire à la croisée des chemins. Je renouvelle donc au Gouvernement la demande de mise en oeuvre urgente de dispositions – j'ai évoqué les plus essentielles – visant à la structuration et à la consolidation de notre filière ferroviaire, à la mise en oeuvre d'initiatives de la France auprès de l'Europe, à la défense et au développement de l'emploi.

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