Les swaps sont utiles, même pour des produits simples tels qu'un taux fixe ou l'Euribor, qui présentent des risques opposés et nécessitent donc un dosage approprié. Il n'est pas toujours possible, quand on anticipe une évolution défavorable des marchés, de procéder à un remboursement anticipé – on ne peut souvent le faire qu'une fois par an, à l'issue d'un préavis et au prix d'une surfacturation. Au lieu d'attendre, il peut être tout à fait pertinent de faire un swap pour transformer immédiatement la structure.
S'agissant des banques qui ont déclaré en public n'avoir proposé que des prêts – c'est-à-dire aucun swap, contrairement à d'autres acteurs –, je tiens à rappeler qu'il existe d'excellents swaps et d'autres qui sont pourris, et qu'il en est de même pour les prêts.
Par ailleurs, j'estime que la réponse apportée à chaud, entre novembre 2008 et mai 2009, n'était pas à la hauteur de la situation. La charte Gissler est à revoir, comme la circulaire du 25 juin 2010, car elles reposent sur un immense malentendu : les banques ont réussi à faire croire qu'il était question d'instruments de couverture, terme très valorisant dans notre langue – chacun se souvient de la publicité d'une compagnie d'assurance suisse qui représentait un enfant bien au chaud dans une couverture en laine. On a donc l'impression de bien faire quand on souscrit ces produits dérivés. Or, il en existe de deux sortes : les uns constituent un simple échange, sans couverture, les deux parties prenant un risque opposé ; les autres sont des opérations unilatérales par lesquelles une des parties couvre l'autre.
Qu'est-ce qu'un cap ? Par ce terme, on désigne le plafonnement d'un taux variable auquel on est exposé. Ce mécanisme entraîne un coût supplémentaire, correspondant au paiement d'une somme limitée pour couvrir un risque illimité. C'est donc une couverture. Or on est parvenu à faire passer, aux yeux des concepteurs de la charte Gissler et de la circulaire de 2010, pour de tels produits des produits qui ont exactement l'effet contraire, car ils conduisent à recevoir une somme limitée pour couvrir un risque illimité.
Un excellent avis du Conseil national de la comptabilité, datant du 10 juillet 1987, posait pourtant le principe suivant : doit être considéré comme « couverture » un instrument qui réduit la valeur du risque auquel on est exposé. Cet avis était bien connu des services de l'État, car il était cité par la circulaire du 15 septembre 1992. Or, de quoi la catégorie 2 de la charte Gissler est-elle composée ? D'indices portant sur l'inflation, française ou européenne, et sur les écarts d'inflation. L'inflation française est un excellent indice, car les budgets y sont soumis, et l'on peut également admettre l'inflation européenne ; en revanche, il est dangereux de greffer une option, pouvant porter sur une période de trente ans, sur un écart d'inflation qui est de nature spéculative.
En effet, qui va prendre une option sur le dollar ? Une entreprise qui répond à un appel d'offres et qui sait que, si elle est retenue, elle recevra dans un an le règlement de la machine qu'elle doit fabriquer. Elle achètera donc une option de vente de dollars à l'échéance correspondante. Comme cette entreprise, tous ceux qui achètent des options le font sur des durées limitées, en considération d'un risque industriel, opérationnel ou commercial. Qui achète des options sur trente ans ? C'est de la spéculation pure : personne ne couvre un risque commercial sur une telle durée. Or, on a proposé aux collectivités des produits dont le risque était illimité. J'observe, au demeurant, qu'on ne peut plus coter aujourd'hui certains de ces produits, car les salles de marché ont reçu des consignes beaucoup plus strictes depuis 2008 : dans certains cas, elles ne peuvent plus procéder à des cotations sur des durées aussi longues.
Par conséquent, la charte Gissler doit être revue : dès la catégorie 2 et dès les niveaux C2 et C3, elle comporte des risques qui ne sont pas adaptés aux collectivités.