Je crains que l'audition de M. Babusiaux par votre commission n'ait pu engendrer une confusion quant aux rôles respectifs de l'ACP, du pôle commun et de l'AMF. Dans un souci de simplification pour les particuliers, le point d'entrée habilité à recevoir les demandes des clients, « Assurance Banque Épargne Info Service », englobe tous les produits et services financiers. Cela étant, les deux autorités ont des champs de compétences spécifiquement définis par la loi. En termes de pratiques commerciales, celui de l'ACP comprend une très large palette de services et de produits financiers, dont plusieurs – crédits à la consommation, crédits à l'habitat, conventions de compte, assurance automobile, assurance santé, assurance emprunteur, etc. – ne sont nullement des produits d'épargne et n'entrent pas dans le champ de coordination du pôle commun, qui n'a aucune compétence en la matière.
Dans ces domaines très importants pour les consommateurs, les 75 agents de notre Direction du contrôle des pratiques commerciales mènent de nombreuses actions de veille et de contrôle selon des méthodologies qui leur sont propres.
Le pôle commun, lui, a la responsabilité des produits d'épargne. Les dépôts bancaires et l'assurance-vie sont dans le champ de compétences de l'ACP, tandis que les actions, les obligations, les instruments financiers vendus directement sur des comptes titres sont du ressort de l'AMF. C'est dans le champ de ces produits d'épargne que l'action des deux autorités doit être coordonnée. Néanmoins, il faut prendre en compte le fait que la commercialisation de chaque produit relève de dispositions légales et réglementaires spécifiques qu'il convient à chaque autorité de faire appliquer. Même si nous appelons de nos voeux une convergence des règles de commercialisation qui rendrait notre activité professionnelle plus simple, force est de constater que des produits d'épargne qui sont parfois substituables peuvent être différents du point de vue juridique : un contrat d'assurance n'est pas un compte-titres. Et dépit de la volonté de la Commission européenne de faire converger les textes, les projets de révision des directives sectorielles – marchés d'instruments financiers, intermédiation en assurance – conservent des spécificités sectorielles que tant l'ACP que l'AMF doivent prendre en compte.
En outre, l'ACP a pour mission de contrôler les pratiques commerciales du secteur de la banque en dehors de l'épargne.
Pour ce qui est du mode de fonctionnement, l'AMF délègue parfois son pouvoir de contrôle à d'autres intervenants, comme les associations professionnelles ou la Banque de France pour les CIF, les conseillers en investissements financiers, ou même l'ACP. De son côté, l'ACP réalise ses contrôles elle-même. Elle forme ses contrôleurs, arrête ses propres méthodologies et assure complètement la maîtrise de ses enquêtes. Elle écarte le modèle de l'autorégulation. Comme je l'ai dit, nous avons mis en place une Direction du contrôle des pratiques commerciales forte de 75 agents. Avec la direction des relations avec les épargnants à l'AMF, elle constitue le pôle commun, sachant que les compétences ne se recoupent pas.
Le positionnement de l'ACP nous paraît donc cohérent. Le coeur de notre travail est le contrôle, qui donne souvent lieu à des recommandations ultérieures. Nous ne traitons pas les réclamations que le pôle commun oriente vers les médiateurs de la banque et de l'assurance, par exemple, mais nous les utilisons pour fixer nos priorités de contrôle : si un établissement ou un organisme est plus concerné que d'autres, c'est chez lui que nous effectuerons en priorité un contrôle sur place ; il en ira de même pour les sujets revenant souvent dans les réclamations.
Par ailleurs, nous avons mis l'accent sur l'action internationale, qui est au demeurant un de mes thèmes de prédilection. Sans doute existait-il un retard en ce domaine pour ce qui est du secteur de l'assurance : nous avons commencé avec un service de cinq personnes qui auparavant n'étaient pas toutes en charge de responsabilités internationales. À titre de comparaison, le service international bancaire comptait alors 21 personnes. L'objectif est d'atteindre cet effectif en matière d'assurance, voire de le dépasser en raison de l'importance de Solvabilité II. Nous en sommes aujourd'hui à 18 ou 19 personnes.
De ce fait, nous sommes beaucoup plus présents dans les instances qui rédigent les documents, et nous assurons cette présence au plus haut niveau. Envoyer un collaborateur « junior » dans un groupe de travail est une chose, envoyer un « poids lourd » de l'institution pour faire passer un message important en est une autre. À ce jour, je n'ai manqué aucune réunion de l'EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) et le dossier Solvabilité II fait l'objet d'un investissement lourd de ma part et de la part de mes collaborateurs – c'est d'ailleurs un plaisir : après Bâle I, Bâle II, Bâle 2.5 et Bâle III, je suis ravie de changer de sujet !
Je partage néanmoins un regret exprimé par la Cour : nous n'arrivons pas à envoyer suffisamment d'agents français dans les instances européennes. Certes, nous le faisons à l'EBA et à l'EIOPA et nous encourageons cette mobilité que nous considérons comme un « plus » dans la carrière des personnes concernées : leur avancement s'en trouve amélioré et nous faisons en sorte que le poste offert à la personne à son retour corresponde à une promotion si elle a réussi sa mission – ce qui est le cas : nos agents réussissent très bien dans les milieux internationaux.
S'agissant des ressources humaines, l'évolution m'a paru un peu lente au cours des premiers mois. L'ACP a été créée en mars. Une fois les instruments de recrutement mis en place, il a fallu attendre la fin des vacances d'été pour commencer à examiner les dossiers et à faire passer les candidats devant nos jurys. Souvent, l'arrivée des personnes retenues n'a eu lieu qu'au début de 2011 en raison de la période de préavis.
À l'heure actuelle, nous recrutons déjà plus de contractuels que d'agents ayant passé des concours. Mais il convient de préciser que tous les agents que nous recrutons sont des agents statutaires de la Banque de France, catégorie au sein de laquelle on distingue les titulaires, qui ont passé les concours, et les contractuels. En d'autres termes, les personnes issues du privé et qui y retourneront peut-être sont des contractuels statutaires. Cette situation ne présente pas de difficulté particulière, sinon les efforts que nous déployons pour convaincre des profils de qualité de venir travailler au sein d'une jeune institution. Pour ce qui est des profils scientifiques, nous dépassons même nos objectifs de recrutement dans le secteur des assurances.
Les rémunérations ne constituent pas un handicap, même s'il nous faut parfois un peu plus de temps pour recruter, et même s'il nous arrive de refuser volontairement une personne qui se montre trop gourmande. Je considère en effet qu'on ne doit pas altérer le fonctionnement de l'institution. Beaucoup d'agents travaillent avec une grande motivation, alors qu'ils pourraient avoir des salaires bien supérieurs dans le privé. Il n'est pas souhaitable qu'une personne recrutée différemment gagne beaucoup plus pour l'accomplissement d'une tâche comparable. Le service public exige un peu de raison en ce domaine et nous devons montrer l'exemple. Cela ne nous empêche pas, je le répète, de recruter les profils de qualité que nous souhaitons.
J'en viens à votre question concernant ce qui ne fonctionne pas ou pourrait fonctionner mieux. Lorsque l'on m'a confié l'ACP, en pleine période de crise, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus difficile, d'autant que ni les commissaires contrôleurs ni les compagnies d'assurance ne montraient un grand enthousiasme à l'égard de cette fusion et de l'adossement à la Banque de France. Or, ce qui nous unit – la culture du contrôle, la culture du risque – l'emporte largement. Peut-être la crise a-t-elle été un ciment : lorsqu'il faut accomplir vite un grand nombre de tâches à la fois, les états d'âme passent au second plan et l'on fait ce qui doit être fait.
L'aspect international peut donner lieu à quelques regrets. Permettez-moi toutefois de citer la réponse que M. Jean-Philippe Thierry, vice-président de l'ACP, a faite à la Cour qui lui demandait si des changements s'étaient produits sur ce point : « C'est le jour et la nuit ! » Force est de constater que les moyens de l'ancienne ACAM n'étaient pas suffisants pour jouer le rôle que nous sommes à même de remplir aujourd'hui. Cette petite institution ne pouvait offrir de débouchés de long terme à ses cadres et elle rencontrait des difficultés à recruter. Mes collègues ont néanmoins accompli un travail remarquable malgré les faibles effectifs qu'ils pouvaient consacrer à l'action internationale. Et nous allons poursuivre nos efforts pour détacher davantage de personnes dans les institutions européennes.
Par ailleurs, la Cour a reconnu que l'organisation retenue – trois directions de contrôle pour la banque, trois directions de contrôle pour l'assurance – était pertinente. Il est important, en pleine crise et alors que la réglementation connaît de nombreux changements, de ne pas toucher à ces deux blocs. En revanche, pour permettre la fertilisation croisée que nous souhaitons entre la banque et l'assurance, nous veillons à l'échange des personnes. Nous avons commencé à faire passer des agents à profil « bancaire » vers les brigades contrôlant les assurances. Le mouvement est plus difficile dans l'autre sens, dans la mesure où nous faisons face au gros chantier de Solvabilité II et au risque de perte d'expertise lié à l'intégration du corps des commissaires contrôleurs dans le corps des mines. Pour l'heure, un seul commissaire contrôleur a des responsabilités en matière bancaire. Si, à l'avenir, le mouvement se fera dans les deux sens, du contrôle des banques vers celui des assurances et vice-versa, je ne vois pas encore à quelle échéance on devrait modifier les blocs de contrôle. Mais je souhaite accélérer la circulation des personnes.