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Intervention de Danièle Nouy

Réunion du 30 novembre 2011 à 9h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Danièle Nouy :

Je remercie votre commission de me donner l'occasion de présenter, à la suite du rapport de la Cour des comptes, un premier bilan de l'action de l'Autorité de contrôle prudentiel, à un moment où l'on mesure combien la décision de renforcer le contrôle du secteur financier en France était appropriée.

Le changement de structure de la supervision en France a été rapidement réalisé. Pour mémoire, les autorités britanniques ont prévu deux ans pour la seule phase préparatoire d'un changement comparable. Or, la Cour n'a pas constaté de rupture dans l'exercice des fonctions qui relevaient antérieurement des quatre anciennes autorités. Certains des professionnels interrogés ont même relevé « la parfaite continuité de l'activité de l'ACP », ce qui, en pleine crise, nous paraît devoir être relevé.

En matière d'organisation générale de l'ACP et de son secrétariat général, le rapport relève que, grâce à un important travail de préparation, les structures collégiales ont été mises en place rapidement, le premier collège s'étant réuni dès le 9 mars 2010 et s'étant doté de son règlement intérieur le 12 avril. De la date de sa création au 31 décembre prochain, l'ACP aura tenu soixante-six séances, soit une moyenne de trois séances des collèges par mois, dans les formations plénière, restreinte ou sectorielles.

Les principes d'organisation des services ont été arrêtés par le collège dès le 9 mars 2010 et formalisés par une décision du 18 mars. Selon la Cour, cette organisation est « justifiée et pertinente » puisqu'elle s'est traduite par la création de plusieurs directions à vocation transversale – il y en a sept sur les treize que nous comptons – et qu'elle tient compte des nouvelles missions confiées à l'Autorité.

Les moyens matériels ont été rapidement disponibles grâce au regroupement des personnels sur un site unique. L'offre faite aux agents de l'ancienne Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) d'être intégrés aux personnels de la Banque de France a reçu un accueil globalement favorable.

En ce qui concerne le fond de notre activité, le rapport de la Cour note que les sources d'instabilité financière identifiées par l'ACP ont directement influencé les priorités de contrôle définies pour 2011 par le collège plénier, et que ces axes se sont révélés pertinents à la lumière des développements de l'année, notamment en ce qui concerne la liquidité. Les thèmes et les modalités du contrôle, qu'il soit sur place ou permanent, ont été ajustés en fonction de la situation des établissements, des sujets de préoccupation et des nouvelles réglementations édictées par le législateur. Ce sera également le cas en 2012, dans le cadre des priorités que le collège vient d'adopter.

J'en arrive à la traduction concrète de ces principes d'organisation et de ces travaux en commentant les sujets évoqués lors de l'audition de la Cour, la semaine dernière. Bien que M. Babusiaux ait souligné des progrès par rapport à la situation antérieure et donné acte de ce que l'ACP est déterminée à exercer ses pouvoirs, il a mentionné trois sujets de préoccupation : la nécessité de consolider les effectifs, le nombre de contrôles sur place et la politique de sanction.

S'agissant des effectifs qui constituent un enjeu essentiel compte tenu de l'importance des missions de l'ACP, de l'impact de la crise et de la mise en place des nouvelles réglementations structurantes, notre objectif est d'approcher un effectif de 1 150 personnes à la fin de 2012 contre 898 au lendemain de la fusion. C'est un objectif ambitieux et nous menons, en liaison avec la Banque de France, des actions volontaires – voire volontaristes – de recrutement, tant dans le cadre de la mobilité interne et des concours de la Banque de France que dans le cadre de recrutements externes. Si je peux user d'une expression aussi triviale, je dirais que nous « mangeons à tous les râteliers » : nous recrutons des jeunes à la sortie des grandes écoles, des personnes ayant effectué un début de carrière dans le privé, des fonctionnaires détachés provenant d'horizons divers, des contractuels de la fonction publique.

En matière d'assurance, diverses actions sont engagées pour favoriser le recrutement de profils scientifiques car la refonte du statut des commissaires contrôleurs entraînera mécaniquement une réduction des recrutements par cette voie. À titre d'exemple, l'ACP a mis en place une procédure sans précédent au sein de la Banque de France avec l'organisation de jurys de recrutement, complétée par une participation plus active aux forums de recrutement organisés par certaines grandes écoles. Trente contrats à durée indéterminée de profil scientifique ont été signés en 2011, ce qui nous permet de remplir nos objectifs de recrutement dans le domaine de l'assurance et d'envisager avec confiance la suite. Nous estimons, comme M. Babusiaux et comme la Banque de France, dont l'action est très déterminée dans ce domaine, qu'il s'agit d'un enjeu crucial pour permettre à l'ACP de mener à bien l'ensemble de ses missions.

Le deuxième sujet de préoccupation relevé par M. Babusiaux a trait au nombre des contrôles sur place effectués par l'ACP. Comme cet aspect ne faisait l'objet ni d'une recommandation, ni même d'une remarque explicite dans le relevé d'observations provisoires soumis à contradiction, l'ACP n'a pas été à même de préciser sa position. Il me semble donc particulièrement utile d'aborder ce sujet avec vous aujourd'hui.

Sur le principe, l'ACP souhaite évidemment développer, dans le cadre des renforcements d'effectifs envisagés, le nombre de contrôles sur place.

Le nombre global d'enquêtes sur place a bien augmenté, surtout dans notre nouveau domaine de compétences, les pratiques commerciales, et par le développement des enquêtes transversales dans les assurances. Celles-ci sont confiées à une nouvelle direction, similaire à la Délégation au contrôle sur place qui existe au sein de la Banque de France. Cette année, les contrôles initiés ont été multipliés par presque quatre dans le domaine des enquêtes transversales assurances – de zéro en 2009, nous sommes passés à sept en 2010, à vingt-six en 2011, et l'évolution se poursuivra. Ils ont été multipliés par dix dans le domaine des pratiques commerciales : soixante en 2011 contre six en 2010.

De fait, les chiffres donnés par la Cour des comptes reflètent les enquêtes sur place qui ont été menées là où l'ancienne organisation – Commission bancaire et ACAM – les réalisait déjà. Ceux de 2009 incorporent le nombre de contrôles effectués pour l'Autorité des marchés financiers (AMF) et pour la Direction générale des opérations de la Banque de France ; or, si l'on ne considère que le contrôle bancaire, on est à 130 contrôles et non à 141 comme indiqué. L'année suivante, en revanche, la Cour retient bien un chiffre de 141 enquêtes, sans comptabiliser les enquêtes menées pour la Direction générale des opérations et l'AMF.

Du reste, le nombre brut d'enquêtes sur place ne paraît pas être un critère pertinent pour mesurer la diversité de la nature des enquêtes. Celles qui ont vocation à examiner certains pans d'activités de grands groupes ou à valider des modèles internes, le cas échéant en incluant un volet de vérification dans des filiales à l'étranger, nécessitent des équipes importantes, spécialisées et pluridisciplinaires, et sont nécessairement plus lourdes et plus longues que des enquêtes à caractère général dans des établissements de petite taille. Pourtant, les unes et les autres sont décomptées de la même manière. Il serait facile de « faire du chiffre » en multipliant les contrôles simples, mais je ne crois pas qu'il faille le recommander, bien au contraire.

Par ailleurs, il nous semble que la Cour n'a pas suffisamment pris en considération le fait que le contrôle sur place n'est qu'un élément du contrôle prudentiel, qui passe également par le contrôle permanent. Les composantes du contrôle permanent sont multiples : contrôle sur pièces – examen des documents périodiques remis par les établissements –, préparation et tenue des collèges de superviseurs qui se sont multipliés ces dernières années pour les groupes bancaires présents en Europe et dans le reste du monde, échanges au fil de l'eau, réunions régulières avec les principaux responsables des établissements, suivi rapproché de certains établissements lorsque cela a été décidé par le collège. Il s'agit d'un élément primordial en période de crise. Le temps des marchés peut imposer d'aller plus vite que ne le permettent les vérifications sur place, qui prennent plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le principal problème est actuellement la liquidité et nous le suivons par des appels quotidiens à tous les grands établissements.

Nous avons fourni des efforts très significatifs depuis la création de l'ACP pour renforcer notre action préventive : analyse des dispositifs de gouvernance des établissements, approfondissement des contrôles internes par l'enrichissement du rapport transmis annuellement à l'ACP, analyse des questionnaires annuels de lutte anti-blanchiment, suivi renforcé des implantations françaises des groupes bancaires à l'étranger, mise en place, pour les grands groupes, de programmes d'entretiens de surveillance rapprochée permettant d'établir un diagnostic approfondi et actualisé sur les risques et les dispositifs de suivi et de maîtrise. En 2010, neuf cents entretiens ont ainsi été menés dans le cadre du contrôle permanent bancaire.

Cette même année, le contrôle permanent a mis en oeuvre une nouvelle modalité, qu'il a d'ailleurs reprise du contrôle de l'assurance : les « visites sur place », que par honnêteté intellectuelle nous n'avons pas voulu nommer « enquêtes », mais qui complètent les entretiens réguliers et permettent de s'assurer de la prise en compte de recommandations formulées à l'occasion des contrôles sur place et de mener des analyses transversales de certaines activités. Quinze visites de cette nature auront été menées en 2010, treize en 2011 et trente sont prévues en 2012. Il s'agit, à mon sens, d'un élément qui doit être pris en compte pour faire le bilan des contrôles sur place.

Dans le domaine de l'assurance, le diagnostic actualisé chaque année de la situation des établissements a en outre été renforcé en 2010 par un accroissement des informations relatives aux placements des compagnies. De trimestrielle, l'information deviendra mensuelle pour les plus grands groupes.

Le troisième domaine de préoccupation de la Cour des comptes concerne la politique de sanctions. Celle-ci repose désormais sur une commission indépendante à laquelle le collège transmet les dossiers d'ouverture des procédures disciplinaires qu'il décide. Cette procédure serait, selon la Cour, insuffisamment utilisée. Mais le nombre actuel de saisines de la commission des sanctions doit s'apprécier dans le cadre du processus global de mise en place de l'Autorité, marqué notamment par la publication tardive – le 28 juin 2011 – du décret d'application de la loi de régulation bancaire et financière précisant la procédure devant la commission des sanctions. Depuis lors, deux nouvelles ouvertures de procédure disciplinaire sont intervenues, qui s'ajoutent à celle que mentionne la Cour et dont l'une concerne un second grand groupe. Au total, ce sont donc trois saisines qui seront intervenues depuis juin, sachant qu'une nouvelle ouverture pourrait être décidée d'ici à la fin de l'année. En moyenne, cela représente plus d'une saisine tous les deux mois depuis la parution du décret.

La mise en oeuvre des nouveaux pouvoirs de police administrative attribués à l'ACP, notamment les mises en demeure qui supposent une période de surveillance du respect des demandes exprimées par l'Autorité doit également être prise en considération.

L'ACP attache une grande importance à l'action préventive, et elle utilise les divers moyens renforcés que le législateur lui a confiés dans cette période de crise. Dans nombre de cas, la valeur exemplaire de sanction peut être utile. Dans d'autres cas, la solution la plus rapidement efficace n'est peut-être pas l'engagement de procédures disciplinaires. La dernière procédure disciplinaire, qui s'est déroulée il y a quelques jours, a donné lieu à un dossier de 16 000 pages et les auditions ont duré une journée entière. Une telle lourdeur explique pourquoi, en période de crise, nous sommes parfois contraints d'adopter des moyens d'action plus rapides, qui peuvent d'ailleurs déboucher ultérieurement sur des sanctions. L'exemple de l'AMF dont les procédures ont servi de modèle pour celles de l'ACP montre que les procédures disciplinaires peuvent mettre un bon nombre de mois à aboutir. Ce n'est donc pas ainsi que l'on peut gérer des situations difficiles de liquidité ou de solvabilité nécessitant une action urgente.

Nous avons pris bonne note de la dixième recommandation de la Cour visant à clarifier la doctrine du collège en matière de police administrative et de saisine de la commission des sanctions, et de la onzième recommandation tendant à systématiser la saisine de la commission des sanctions en cas de récidive. Ces aspects relèvent en premier lieu du collège. Il faudrait éviter que des éléments de doctrine viennent limiter sa capacité d'appréciation. Bien entendu, le secrétariat général de l'ACP veillera, sur le fondement de l'expérience, à présenter des dossiers bien motivés au collège, lequel disposera ainsi de tous les éléments lui permettant de prendre sa décision.

Je souhaite revenir enfin sur la question de l'équilibre budgétaire de l'ACP. Si, temporairement, les réserves de l'ancienne ACAM peuvent être utilisées pour équilibrer le budget de l'ACP, un relèvement des taux de contribution paraît essentiel, selon des modalités qui devraient permettre d'instaurer un meilleur équilibre entre les contributions du secteur bancaire et du secteur des assurances. Des travaux sont en cours, en liaison avec la direction générale du Trésor, pour estimer l'ampleur du relèvement des taux de contribution qui serait nécessaire pour pérenniser le financement de l'ACP.

Nous avons bien noté la recommandation de la Cour d'identifier les marges d'économie sur les frais généraux et les coûts des fonctions support. La maîtrise des coûts de fonctionnement passe d'abord par la mise en place, qui est en cours, d'outils de suivi – en particulier une comptabilité analytique – et de contrôle de gestion. Nous avons soumis nos propositions au comité d'audit il y a quelques semaines. Le collège plénier devrait les examiner avant la fin de cette année.

En tout état de cause, les points relevés par la Cour feront l'objet d'un examen renforcé. S'agissant des fonctions de support, je note toutefois que l'accroissement envisagé des effectifs porte pour une grande partie sur le domaine informatique, qui emploie 85 des 148 agents recensés par la Cour. Il s'agit d'un domaine où nous avons une grande expérience en matière de maîtrise d'oeuvre, ce qui nous permet de rester au plus près de la réglementation et de développer les outils adaptés. Or, les réglementations nouvelles ont été nombreuses, tant dans la banque que dans l'assurance. « Solvabilité II », par exemple, donnera lieu à un important chantier de collecte d'informations auprès des assureurs. Entre les développements liés à « Bâle II » ou à « Bâle III » et Solvabilité II , nous avons remporté l'appel d'offres lancé par l'Agence bancaire européenne (EBA) pour produire son informatique. Nous sommes remboursés des dépenses que nous engageons, et cela contribue à améliorer notre expertise en vue de Solvabilité II.

Par ailleurs, les fonctions logistique et immobilière ont d'ores et déjà été revues à la baisse. Les déménagements ont eu lieu.

L'accroissement important des effectifs du secteur des ressources humaines s'explique par l'effort d'intégration, de formation et d'accompagnement du changement que cette fusion a impliqué. Des réductions interviendront à partir de 2012.

Enfin, je souhaite apporter deux compléments sur le contrôle des pratiques commerciales. En ce qui concerne ce que la Cour qualifie de « droit souple », l'ACP a pris des mesures en adoptant et en publiant, après une très longue concertation, le document de nature explicative « Politique de transparence de l'Autorité de contrôle prudentiel » dont la version finale a été publiée en juillet.

S'agissant des missions du pôle commun constitué avec l'AMF, qui devrait, selon la Cour, développer des réalisations opérationnelles qui soient davantage en prise avec les préoccupations des consommateurs, l'action de l'ACP, en matière de protection de la clientèle, ne se résume pas aux travaux du pôle commun. Celui-ci ne couvre pas certains domaines, dont celui des opérations bancaires. Il s'agit d'une instance de coordination de l'action de l'ACP et de l'AMF, chacune des deux autorités conservant son champ d'action et son positionnement propres.

Du reste, nous avons créé à cet effet, non pas une cellule, mais une direction à part entière qui emploie désormais 75 agents et qui a développé directement, écartant le modèle de l'autorégulation, une action importante de contrôle direct, ce qui est le coeur même de sa mission. Ce positionnement de l'ACP a une cohérence globale qu'il conviendrait de ne pas détruire en l'éparpillant entre des approches trop éloignées de sa mission première. Cela ne l'empêche nullement de coopérer avec d'autres instances, comme le CCSF (Comité consultatif du secteur financier) ou la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). À cet égard, nous avons demandé à la direction générale du Trésor de se faire notre avocat auprès du législateur pour que soit supprimé le secret professionnel entre la DGCCRF, l'AMF et l'ACP.

Nous avons donc la conviction que l'accent mis sur le contrôle des bonnes pratiques commerciales et l'émission de recommandations est de nature à répondre aux préoccupations des consommateurs.

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