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Intervention de Jean-Philippe Torterotot

Réunion du 29 novembre 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-Philippe Torterotot, secrétaire de l'association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement, ASTEE :

La tarification de l'eau ne peut pas se comparer à celle de l'électricité, cette dernière ressource se caractérisant par une grande concentration des lieux de production et une relative facilité de transport. C'est d'ailleurs en raison de ces contingences matérielles que le modèle de gestion du service de l'eau a été, dès l'origine, un modèle local.

Une comparaison précise des performances des services demande une analyse très approfondie. Ce travail a été fait, il y a quelques années, à partir de l'étude d'une centaine de régies d'eau potable du Bas-Rhin, présentant des conditions de ressources et d'organisation relativement homogènes en dépit de tailles variables. Il s'agissait d'établir des relations statistiques entre certaines caractéristiques du service et le prix de l'eau. Cette étude a permis d'identifier les deux caractéristiques qui avaient la plus forte incidence sur le prix : il s'agissait du nombre des captages, quelle que soit la taille de la collectivité, et de la politique d'investissement menée durant les décennies précédentes. En revanche, cette étude n'a pas permis de dégager de relation statistique significative entre la taille du service et le prix de l'eau. Il ne sert donc à rien de comparer la taille sans comparer les déterminants du service. Cela dit, l'exemple bas-rhinois a permis de mettre en évidence l'incidence de la taille du service sur sa performance, sa fiabilité et sa qualité – la vitesse d'intervention en cas de problème de rupture du réseau ou l'intensité des contrôles de qualité, par exemple.

Il appert que la question du prix n'est pas dissociable de la prise en compte de nombreux paramètres, notamment celui de la qualité, avec toutes les difficultés de caractérisation que cela implique. Cet exemple – de même que celui, déjà cité, de la communauté urbaine de Nantes – prouve la nécessité de dialoguer avec les usagers et de leur exposer l'incidence de la prise en compte de ce facteur « qualité » sur les coûts d'investissement et de fonctionnement. Ce type d'analyse est complexe et nous en sommes encore au stade de la recherche dans ce domaine.

De nombreux travaux associant scientifiques, collectivités locales et représentants de la société civile ont exploré la question de la solidarité entre espaces urbains et espaces ruraux. Il semble qu'en dehors des très grandes agglomérations, les solidarités sont multiples et croisées sur un bassin de vie.

La directive-cadre sur l'eau a introduit deux éléments totalement nouveaux : d'une part, la prise en compte de l'état écologique des milieux aquatiques – il faudrait aussi parler des services rendus par les écosystèmes, bien au-delà de l'enjeu que constitue la protection du patrimoine naturel – et, d'autre part, l'obligation de résultat.

Je formulerai deux remarques supplémentaires. Premièrement, la directive-cadre n'impose pas la mise en oeuvre mécanique d'une tarification incitative fondée sur le principe du « pollueur-payeur » ou « usager-payeur » – du reste, le calcul du coût environnemental complet que supposerait l'application d'un tel principe serait d'une extrême complexité. Deuxièmement, la directive n'est pas l'expression d'une vision manichéenne : elle permet de déroger aux objectifs qu'elle assigne, pourvu que les demandes de dérogation soient justifiées par un bilan coûts-avantages positif. Une telle démarche est relativement nouvelle pour nous et l'indigence, en la matière, des premières ébauches de plans de gestion est révélatrice de la difficulté à intégrer cette nouveauté dans la pratique opérationnelle et décisionnelle. Nous espérons que l'évaluation des programmes permettra de proposer de véritables argumentaires à l'appui des demandes de dérogation et, plus largement, de faire évoluer nos modes de travail et de réflexion.

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