Je vous prie d'excuser Philippe Maillard, directeur général de Lyonnaise des eaux, qui a pris la succession d'Isabelle Kocher le 1er octobre. Je m'exprimerai ici exclusivement en ma qualité de représentant de Lyonnaise des eaux.
Lyonnaise des eaux est aujourd'hui en mesure de présenter l'aboutissement d'une réflexion approfondie engagée il y a deux ans. Cette démarche, appelée Idées neuves sur l'eau, a été exposée lors du congrès des maires la semaine dernière. Il s'agit d'une série d'initiatives destinées à revisiter les thèmes habituels du domaine de l'eau pour les aborder sous un angle nouveau. Des comités d'experts, présidés par Eric Orsenna et Luc Ferry, ont été mis en place pour réfléchir au futur de l'eau en France. Nous estimons, par exemple, qu'il faut reconsidérer les approches traditionnelles en matière d'accès à l'eau.
Le document que je vous ai remis, intitulé « Le contrat pour la santé de l'eau », comporte trois parties.
La première dresse un constat, celui de la rareté de la ressource. Pendant longtemps, nous avons considéré qu'il n'y avait pas de problème particulier en France dans ce domaine. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Certes, il n'existe pas de problème général sur le plan quantitatif, mais ce qui compte, ce sont les situations locales. Or, dans bien des cas, on observe des tensions sur la ressource en eau et des difficultés que nous n'aurions pas imaginées il y a encore quelques années. La ressource est mal répartie et les besoins sont très concentrés à certains endroits et à certaines périodes de l'année. Au terme de ces deux années d'expertises, nous arrivons à la conclusion qu'environ 20 % du territoire est en tension – ce qui est important. Selon l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), il faut s'attendre à un déficit de 2 milliards de mètres cubes à l'horizon 2050, sachant que la consommation annuelle représente 6 milliards de mètres cubes.
Il faut aussi prendre en compte l'impact du réchauffement climatique. Michel Havard a conduit sur ce sujet une concertation à laquelle j'ai participé. Le réchauffement climatique se traduira inévitablement en France par des épisodes sévères de sécheresse et d'inondations. Il induit aussi – ce qui est moins connu – un risque de montée du niveau de la mer qui aura pour conséquence une salinisation des nappes souterraines. Sans verser dans le catastrophisme, nous devons mesurer les risques auxquels nous sommes exposés.
Le Gouvernement a lancé une politique volontariste de réduction de 20 % de la consommation en eau d'ici à 2020. En tant qu'opérateur desservant 14 millions d'habitants, Lyonnaise des eaux est bien entendu un acteur de cette meilleure maîtrise de la consommation.
Lorsqu'on parle d'accès à l'eau, encore faut-il savoir quelle est la qualité de l'eau à laquelle on veut accéder. Les nouvelles pollutions – qui reflètent l'évolution des modes de vie et le vieillissement des populations – sont un sujet important. Nous les mesurons de mieux en mieux, au nanogramme près, car nos instruments d'analyse sont plus performants. Des problématiques nouvelles apparaissent, comme celle des résidus médicamenteux, dont on relève des traces dans 25 % des prélèvements. De même, 25 % des substances prioritaires et émergentes ne sont pas – ou peu – biodégradables.
J'en viens à l'accessibilité. Le service de l'eau a longtemps été considéré comme accessible, puisqu'il ne représente que 0,8 % du budget des ménages. Il ne s'agit cependant que d'une valeur moyenne et la question désormais posée est celle de l'accès à l'eau des ménages en situation de précarité, pour lesquels la facture d'eau représente parfois plus de 3 % – limite considérée comme raisonnable – et jusqu'à 6 %, 7 % ou même 9 % du budget. Il faudra donc trouver une réponse appropriée.
Les conflits d'usage risquent, par ailleurs, de se multiplier. L'eau est mal répartie sur le territoire et se transporte difficilement sur de longues distances. Il faudra inévitablement aborder la question de l'usage de l'eau en agriculture, qui représente 80 % des consommations en période estivale. Lyonnaise des eaux a établi un partenariat avec Terrena, première coopérative agricole de France (22 000 adhérents), afin de travailler sur de nouvelles pratiques culturales et d'irrigation : il existe en effet des voies de progrès significatives dans ce domaine.
J'en viens à la biodiversité. Je me bornerai ici à un constat : 70 % des zones humides de notre pays ont disparu au XXe siècle. Il est donc nécessaire de se doter d'une politique publique en ce domaine et, là encore, nous sommes prêts à oeuvrer aux côtés des pouvoirs publics.
L'accès à l'eau, c'est aussi l'accès à l'information sur l'eau pour les usagers comme pour les collectivités. En tant que délégataire, nous n'avons pas toujours su répondre aux attentes en ce domaine. Nous proposons donc des mesures d'amélioration significatives dans le document que nous vous avons remis.
Nos propositions et nos engagements sont déclinés dans les trois piliers du « Contrat pour la santé de l'eau », c'est-à-dire la deuxième partie du document qui vous a été remis.
Premier pilier : mieux gouverner l'eau pour bien la protéger, ce qui signifie un pouvoir de contrôle renforcé des collectivités, davantage de simplicité, de clarté et de transparence – y compris dans l'exploitation du service – et une connaissance partagée avec les usagers. Je vous invite à consulter le baromètre 2011 du Centre d'information sur l'eau (CIEau), Les Français et l'eau, qui vient d'être publié : il montre que, dans le domaine de l'eau, les préjugés sont encore légion – mais nous en sommes collectivement responsables.
Deuxième pilier : innover pour la santé de l'eau et en mesurer l'efficacité. Il s'agit de protéger le bon état écologique de l'eau et de trouver des solutions technologiques innovantes pour diminuer la consommation, quels que soient les usagers. Nous en expérimentons d'ores et déjà certaines, mais il reste encore des progrès à faire.
Troisième et dernier pilier : promouvoir une économie vertueuse et concertée de l'eau. Il s'agit non seulement de partager équitablement la valeur créée, mais aussi de rémunérer les opérateurs sur la performance environnementale. Ce serait un changement, car les opérateurs sont aujourd'hui rémunérés sur la base des volumes vendus et nous pensons que c'est un contresens. Peut-être la Commission du développement durable proposera-t-elle des pistes pour remettre en cause cette approche qui ne peut plus régner sans partage. Enfin, il faut mettre en place des tarifications sociales progressives et environnementales.
Nous allons prendre douze engagements pour la période 2012-2016 sous le contrôle de Vigeo, agence de notation extra-financière, qui rédigera chaque année un rapport d'évaluation.
La troisième partie du document porte sur nos premières réalisations. Sans entrer dans le détail de celles-ci, je me bornerai à souligner notre souhait de construire des partenariats rénovés avec les collectivités.