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Intervention de Louis Cosyns

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Encadrement des prix des produits alimentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Cosyns :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'ambition de cette proposition de loi est noble : « protéger les producteurs et les consommateurs », « garantir aux producteurs et aux consommateurs un prix de vente, pour les uns, et d'achat, pour les autres, juste ». Nous partageons tous, ici, ces préoccupations. Néanmoins, la méthode proposée par notre collègue André Chassaigne pour garantir ce « prix juste » est irréaliste et, je le dis d'emblée, va à l'encontre du droit communautaire. Cette proposition de loi se présente comme une réponse à la crise, mais les solutions qu'elle préconise sont inadaptées, voire contre-productives.

Nous le savons tous, le secteur agricole a connu une crise majeure, dont il sort peu à peu. Cette crise a été marquée par une baisse sans précédent du revenu des agriculteurs, de 20 % en 2008 et de 34 % en 2009. Face à cette situation dramatique, le Gouvernement est intervenu pour venir en aide aux exploitations les plus fragiles et aux agriculteurs les plus touchés par la crise. Cette action a permis de redresser la situation : en 2010, la tendance s'est progressivement inversée en faveur des agriculteurs, dont les revenus ont connu une hausse significative.

Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur, si le revenu agricole s'est redressé en 2010, c'est avant tout grâce au plan d'urgence de 1,8 milliard d'euros mis en oeuvre par le Président de la République et le Premier ministre. C'est également parce qu'ils sont intervenus auprès de la Commission européenne pour dégager 300 millions d'euros pour la filière du lait et, enfin, parce que notre majorité a décidé d'exonérer de toutes charges sociales et patronales le travail saisonnier dans le secteur des fruits et légumes de l'agriculture française. C'est ainsi que nous avons concrètement répondu à la crise agricole. Force est de constater que, malgré les contraintes qui pèsent sur notre budget, nous n'avons jamais laissé tomber nos agriculteurs.

Au-delà de ces mesures immédiates, nous avons pleinement conscience que la question du revenu des producteurs est structurelle. Nous croyons, comme vous, monsieur le rapporteur, que les éleveurs et les agriculteurs doivent pouvoir être rémunérés à la hauteur de la qualité de leurs productions et en tirer un revenu qui leur permette de vivre décemment. En la matière, reconnaissons que les choses ne sont pas satisfaisantes. Nous sommes frappés par les écarts entre les prix de vente des productions par les éleveurs et les prix en rayonnage. Nous avons été nombreux à dénoncer les marges excessives de la grande distribution sur certains produits. De ce point de vue, le constat que vous dressez est juste : la grande distribution ne joue pas le jeu ! C'est donc bien parce que nous avons fait de la question des prix et des marges une priorité, que nous avons installé un observatoire de la formation des prix et des marges.

Cet observatoire est un instrument d'équité et de justice au service des producteurs agricoles et un outil de transparence pour les ménages français. Je crois que l'on peut rendre hommage au Gouvernement pour cette initiative qui, vous l'avouerez, nous est aujourd'hui bien utile, puisqu'elle permet de poser le débat.

Si nous partageons votre diagnostic, en partie corroboré par les travaux de l'observatoire que la LMA a mis en place, nous refusons tout discours simpliste, voire démagogique, qui consisterait à faire de la grande distribution le bouc émissaire de la crise.

À cet égard, rappelons que les prix alimentaires sont particulièrement complexes à appréhender. Je donnerai un seul exemple, celui des productions animales, qui font l'objet de nombreuses transformations, répercutées sur les prix en rayon. La décomposition de la chaîne des prix est, de ce point de vue, extrêmement importante : pour la viande, il faut prendre en compte la part de l'éleveur, de l'abatteur-découpeur, de la grande distribution ainsi que la TVA reversée à l'État.

Si nous considérons, comme vous, que les marges excessives sont inacceptables, nous regrettons que votre constat aboutisse à des propositions qui, permettez-moi de le dire, ne sont pas crédibles. Premièrement, vous nous proposez d'avoir recours à un coefficient multiplicateur pour l'ensemble des produits agricoles et agro-alimentaires. Comme vous le savez, ce mécanisme existe déjà : l'article L. 611-4-2 du code rural autorise en effet, en période de crise conjoncturelle, la possibilité d'instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables.

Mais votre texte va plus loin, puisqu'il prévoit d'étendre le coefficient multiplicateur, qui concerne aujourd'hui les fruits et légumes, à l'ensemble des produits agricoles et agroalimentaires ; de renforcer sa portée contraignante en ne le limitant pas aux périodes de crises conjoncturelles ; enfin, de supprimer la limitation de trois mois pour son application.

Vouloir étendre le coefficient multiplicateur n'est pas une proposition nouvelle : l'opportunité de généraliser ce mécanisme a déjà fait l'objet d'un examen, principalement dans le cadre des débats sur la LMA. Cette piste n'a pas été retenue, et ne peut être retenue pour une raison très simple : l'imposition aux enseignes d'un coefficient comporte le risque que lesdites enseignes se détournent du produit au bénéfice d'un produit dont les conditions de vente ne seraient pas encadrées.

Deuxièmement, vous proposez d'établir un prix minimal d'achat aux producteurs. Celui-ci prendrait en compte l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs et serait négocié annuellement, pour chaque produit. Vous proposez également que cette négociation se déroule lors d'une conférence qui rassemblerait tous les acteurs d'une même filière, depuis les organisations paysannes jusqu'aux associations de consommateurs, en passant par la distribution.

Je tiens à faire deux remarques. D'une part, l'instauration d'un prix plancher pour les produits français conduirait à ce que, sur les étals du supermarché, le consommateur soit confronté à des produits français plus chers que les produits venant d'ailleurs. D'autre part, une telle mesure serait anti-communautaire. En effet, elle constituerait une aide aux producteurs et serait, à moins que cela ne s'applique qu'aux producteurs français, contraire au droit du commerce international.

Vous prenez le soin de préciser que ce « prix serait indicatif ». Certes, mais je ne vois pas quel serait l'intérêt de ce prix indicatif. S'il s'agit d'éclairer chacun des acteurs de la filière sur les coûts de production de chacun des maillons, l'observatoire de la formation des prix et des marges joue déjà ce rôle ; d'autre part, les travaux de l'observatoire permettent déjà de mieux comprendre les besoins de chacun des acteurs en termes de prix et leurs possibilités en termes de rémunération ; enfin, en rassemblant l'ensemble des acteurs de la filière, l'observatoire permet un partage de cette information et une meilleure connaissance des réalités auxquelles font face tous les maillons. En conclusion, monsieur le rapporteur, votre constat est juste, votre ambition également, mais vos propositions demeurent inadaptées.

Enfin, le Gouvernement n'a pas attendu cette proposition de loi pour se préoccuper de la question des revenus agricoles ou s'emparer de celle des prix et des marges dans la grande distribution. Nous avons mis en oeuvre plusieurs mesures essentielles visant à permettre un juste partage de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de production, au bénéfice des producteurs et des consommateurs.

Cette stratégie écarte la logique des prix administrés, qui n'est pas autorisée par le droit et, qui plus est, serait contre-productive. Avec un tel mécanisme, comment nos paysans iraient-ils conquérir des marchés à l'export, en Chine ou en Russie, c'est-à-dire là où se trouve un fort potentiel de croissance ?

Par ailleurs, la LMA a permis d'assurer une plus grande visibilité sur les revenus des producteurs grâce à la contractualisation. Elle a également favorisé un meilleur encadrement des pratiques commerciales et renforcé le pouvoir de négociation des organisations de producteurs. Certes, il reste des problèmes à résoudre, mais la LMA est un texte relativement récent, qui fera ses preuves.

En outre, plusieurs accords volontaires ont été mis en place, afin d'assurer une meilleure prise en compte des fluctuations du marché. Je ne vais pas vous les citer, monsieur le rapporteur, vous les connaissez aussi bien que moi, sinon mieux. Vous comprendrez que c'est au travers de ces accords que nous entendons que la grande distribution joue le jeu : aussi les distributeurs qui ne respectent pas ces accords se verront-ils appliquer une taxe additionnelle à la taxe sur les grandes surfaces commerciales.

Je terminerai en évoquant l'action du Gouvernement au niveau européen, où la France défend le renforcement de l'encadrement des marchés agricoles dans le cadre de la future PAC. Vous devez le reconnaître : nous menons aux côtés du Gouvernement une action courageuse en faveur des agriculteurs et des consommateurs. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP ne soutiendra pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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