Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd'hui, en France, des hommes et des femmes ne peuvent pas manger à leur faim ni se nourrir de produits de bonne qualité, car les prix sont trop élevés et leur pouvoir d'achat est en berne. À l'autre bout de la chaîne, des agriculteurs subissent l'exploitation des groupes de la grande distribution, de sorte que, souvent, ils ne parviennent même pas à gagner l'équivalent d'un SMIC.
Pendant ce temps, ainsi que l'annonçait Le Figaro du 21 février dernier, « les dividendes du CAC 40 battent des records ». En atteignant 40 milliards d'euros, les dividendes versés en 2011 ont en effet été supérieurs de 13 % à ceux versés l'année précédente et ont même dépassé ceux versés en 2007, avant le début de la crise. En revanche, les salaires, eux, stagnent : en euros constants ceux des ouvriers ont progressé, sur la même période, de 0,1 % et ceux des employés de 0,3 %. Cela ne permet pas à une personne payée au SMIC de remplir ne serait-ce que le quart d'un caddie supplémentaire. Quant au chômage, il explose. Les derniers chiffres sont tombés ce mardi : plus de 2,8 millions d'hommes et de femmes sont au chômage et 4,5 millions de personnes ont une activité tellement réduite qu'elle est assimilée au chômage. Une telle situation ne s'était pas produite depuis dix ans.
Les minima sociaux – qui ne relèvent pas l'assistanat : ce sont des droits – sont en baisse. Selon le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le pouvoir d'achat du RMI, remplacé depuis par le RSA, était, en 2009, 25 % moins élevé qu'en 1990. Actuellement, le RSA socle est de 460 euros par mois. Comment se nourrir avec si peu ? Les autres minima et prestations ont suivi la même trajectoire : moins 25 % pour l'AAH et moins 20 % pour le minimum vieillesse. Pour 2012, le Gouvernement vient de limiter leur augmentation à 1 %, ce qui équivaut à une baisse, compte tenu de l'augmentation des prix.
Plus de 9 millions de personnes, soit 13,5 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 950 euros par mois. Des millions de personnes sont contraintes de vivre avec le SMIC, c'est-à-dire 1 093 euros par mois. Des salariés de Carrefour – la fameuse enseigne de grande distribution – que j'ai rencontrés il y a deux heures m'ont indiqué qu'ils étaient toujours au SMIC après 34 ans de présence dans cette entreprise. Une fois le loyer payé, il leur reste d'autant moins pour vivre qu'étant au SMIC, ils n'ont droit à aucune aide.
Nous avons donc affaire à une véritable crise du pouvoir d'achat : les revenus baissent et la solidarité nationale est amoindrie, tandis que les prix ne cessent de monter. Ainsi les prix à la consommation ont progressé en moyenne de 2,4 % depuis octobre 2010. La hausse est de 3,4 % pour les prix alimentaires et même de 3,7 % hors produits frais. Les prix du lait et de la crème ont crû de près de 4 %. Le prix de la volaille a bondi de 9 % et celui des huiles et margarines de 10,5 %. La facture ne cesse de s'alourdir, au moment même où les revenus diminuent.
Les familles sont contraintes de se serrer la ceinture, à tel point que, selon l'observatoire national de la pauvreté, une personne sur cinq vivant sur notre territoire sous le seuil de pauvreté est en situation d'insécurité alimentaire. Dans son dernier rapport, la Défenseure des enfants a souligné les carences dont souffrent ces derniers. Les bénévoles du Secours populaire, des Restos du coeur, de la Croix-Rouge voient, chaque jour, affluer de nouvelles familles, des jeunes, des personnes âgées. Ils n'ont plus assez de stocks pour répondre à cette demande croissante ; ils n'arrivent plus à faire face. L'action des grandes associations a permis d'obtenir le maintien du programme d'aide alimentaire européen, mais combien de temps durera ce sursis ?
La hausse des prix alimentaires n'est pas liée au hasard. Elle est due en grande partie à la spéculation internationale, qui se développe sur les matières premières agricoles et provoque la flambée des cours. Mais elle découle aussi largement des marges que s'accaparent les grandes surfaces, au détriment des consommateurs et des agriculteurs : un kilo de prunes est aujourd'hui acheté aux producteurs 1,20 euro et revendu au consommateur à 2,60 euros ; acheté 45 centimes, le kilo de tomates se retrouve sur les étals à environ 2 euros.
Les gouvernements de droite qui se sont succédé ne sont pas étrangers à cet état de fait. Ils ont en effet encouragé la libéralisation du commerce, à Bruxelles comme à l'OMC, et contribué à renforcer le caractère inégalitaire de la PAC en la mettant davantage encore au service des gros propriétaires terriens.
En outre, ainsi que l'a rappelé mon collègue André Chassaigne, c'est cette majorité qui a aggravé la dérégulation des relations commerciales entre les agriculteurs et la grande distribution. Cette politique a été prétendument pensée pour faire baisser les prix. Mais, on le voit bien, ceux-ci grimpent et plombent le pouvoir d'achat des consommateurs. Les revenus des agriculteurs baissent et la pauvreté se développe dans les campagnes. Les salaires et les conditions de travail des employés de la grande distribution se dégradent. L'imposture apparaît au grand jour quand on regarde l'explosion des profits des multinationales de la grande distribution : ne serait-ce qu'entre 2009 et 2010, le résultat net de Carrefour a progressé de 437 à 568 millions d'euros. En réalité, cette politique a été conçue, non pas pour nos concitoyens, mais pour les actionnaires de ces grands groupes. Le comble du cynisme est atteint quand ces multinationales de la grande distribution se présentent comme les championnes du pouvoir d'achat, les vrais remparts face à la crise. Car, si elles font des promotions, c'est en pressurant leurs fournisseurs et leurs salariés.
Les majorités de droite partagent avec ces multinationales la responsabilité de la baisse du pouvoir d'achat des ménages. Le Président de la République ne restera pas dans l'histoire comme celui du pouvoir d'achat, mais comme l'un de ceux qui ont le plus aidé les plus grandes fortunes au cours des dernières décennies.
Après-guerre l'idée s'était imposée que le progrès social passe par l'accomplissement de la personne, grâce à l'accès à la culture, aux loisirs et aux vacances. Aujourd'hui, la régression de civilisation imposée par la droite est telle que des millions de gens n'ont plus désormais en tête que ces questions : « Comment finir le mois ? Comment nourrir les enfants ? »
L'heure est donc venue de mettre fin à ce système. Face à l'urgence, cette proposition de loi prévoit un encadrement des prix alimentaires et vise à créer de nouvelles relations entre les agriculteurs et les grandes surfaces pour rendre possible une autre répartition des richesses. Elle est donc porteuse d'améliorations concrètes et immédiates pour la vie de nos concitoyens.
Pour garantir des revenus décents aux agriculteurs, le texte propose de fixer un prix minimum indicatif pour chaque type de production et un plancher pour les prix d'achat aux agriculteurs. Ainsi les grandes surfaces ne pourraient plus imposer aux agriculteurs de vendre à perte. Les filières locales seraient renforcées, la qualité privilégiée et il serait mis un terme aux logiques qui conduisent à l'appauvrissement de nos campagnes au nom des profits.
Pour protéger les consommateurs, il est proposé de limiter les marges des intermédiaires, en fixant un coefficient multiplicateur qu'ils ne pourront pas dépasser. Non seulement il serait possible de manger mieux, mais les produits seraient moins chers. C'est la meilleure réponse que l'on peut apporter au développement de l'insécurité alimentaire et le meilleur moyen de rendre possible pour tous et toutes une alimentation non seulement suffisante, mais aussi diversifiée.
Mais cette proposition de loi est aussi une invitation à faire d'autres réformes portées par le Front de gauche. Le problème du pouvoir d'achat, c'est en effet tout autant celui de l'emploi et des salaires que celui des prix. Il faut donner de nouveaux droits aux salariés pour qu'ils puissent dire non à la spéculation et proposer des plans de développement de leur outil de travail. Il faut refonder le crédit, pour favoriser les entreprises qui créent des emplois bien rémunérés, qui investissent dans la recherche et le développement durable. Il faut plafonner les hauts salaires, revaloriser le SMIC et réformer la fiscalité pour la rendre juste et efficace. Ces propositions de bon sens formulées par le Front de gauche rendent nécessaire non seulement le vote de cette proposition de loi, mais aussi une véritable alternative en 2012.