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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Encadrement des prix des produits alimentaires — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Pire encore, la domination sans partage sur la valeur ajoutée au sein des filières a été facilitée par les évolutions législatives récentes, en particulier la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs et la loi du 4 août 2008, dite de modernisation de l'économie. La déréglementation des relations commerciales entre producteurs et distributeurs, notamment par la consécration du principe de libre négociation des conditions générales de vente, a affaibli les producteurs dans la négociation : tous les responsables du monde agricole en conviennent ! La grande distribution, par ses pratiques contractuelles, sa politique active d'importation en fonction de l'arrivée des productions françaises sur les marchés, maintient une pression à la baisse des prix d'achat, obligeant les producteurs à vendre bien en deçà de leurs coûts de production.

Aujourd'hui, force est de constater que les problèmes demeurent et s'aggravent, et que la question des prix et des revenus agricoles est la grande oubliée de notre politique agricole et alimentaire. C'est pour apporter des réponses dès maintenant, sans attendre le grand soir de 2012, que j'ai déposé le texte que nous examinons aujourd'hui.

Je souhaite donc que ces mesures recueillent un large assentiment de notre assemblée ; elles redonneraient un véritable espoir à des agriculteurs à bout de souffle sans pénaliser les consommateurs.

L'article 1er prévoit l'application d'un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des produits agricoles. L'objectif est d'étendre l'application d'un dispositif qui s'est appliqué de 1945 à 1986, avant d'être réintroduit en droit français en 2005 pour le seul secteur des fruits et légumes, sans toutefois être mis en oeuvre.

Le coefficient multiplicateur tend, en fait, à limiter les taux de marge des distributeurs. Son principe est simple : l'État fixe un coefficient, sous la forme d'un taux plafond, entre le prix d'achat au producteur et le prix de vente au consommateur. Pour une efficacité optimale, cette mesure s'appliquerait évidemment à toute la chaîne des intermédiaires.

S'agissant des importations, je tiens à souligner que le coefficient multiplicateur peut s'appliquer aux produits importés. Aujourd'hui, on importe pour casser les prix de nos productions, notamment les productions saisonnières. Or, avec un coefficient multiplicateur appliqué aux importations, la grande distribution n'aura plus intérêt à acheter à des prix très bas à l'étranger puisque sa marge bénéficiaire sera beaucoup plus étroite.

Une autre objection courante consiste à souligner la complexité du dispositif et la difficulté de sa mise en oeuvre. Je la rejette. Ce mécanisme a été mis en oeuvre pour différentes productions pendant près de quarante ans. Il faisait alors l'objet de chapitres spécifiques dans tous les manuels de brevet de technicien agricole. À l'heure où les spéculateurs rivalisent d'ingéniosité technique pour proposer des innovations financières, comme celles concernant les marchés à terme agricoles, la puissance publique serait-elle incapable de fixer un simple taux arithmétique ?

L'article 2 propose de définir, pour chacune des productions, un prix minimum qui restera indicatif afin de ne pas contrevenir à la réglementation européenne. Ce prix serait défini au niveau interprofessionnel, via une concertation au sein de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, FranceAgriMer.

L'article 3 institue une conférence annuelle par production, regroupant l'ensemble des acteurs des différentes filières – fournisseurs, distributeurs et producteurs –, et élargissant le champ de la représentativité syndicale agricole aux organisations minoritaires. Cette conférence annuelle donnerait lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix qui permettra de définir des indicateurs, tels que les coûts de production et l'inflation, qui serviront ensuite de base aux négociations interprofessionnelles.

Les responsables de l'observatoire des prix et des marges des produits alimentaires et ceux de FranceAgriMer l'ont souligné lorsque je les ai rencontrés : si nous sommes capables de dresser un constat, il n'aboutit pas à une action concrète. Une conférence annuelle sur les prix par type de production permettrait de réunir tous les acteurs, grande distribution et consommateurs compris. De l'avis de tous mes interlocuteurs, il faut se parler. Or, les contacts n'existent pas aujourd'hui. Les échanges noués dans une conférence annuelle pourraient aboutir à la mise en oeuvre des conclusions de l'observatoire sur le prix de revient des produits, l'évolution des charges et des coûts, et l'augmentation du prix des intrants. En créant cet outil, nous serions à même d'établir un socle de négociation assorti d'indicateurs.

Les auditions que j'ai menées et le débat en commission m'ont conduit à penser qu'un consensus était possible. Aussi, je vous proposerai un amendement à l'article 3 pour lever les objections sur la non-conformité avec le droit de la concurrence.

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