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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 1er décembre 2011 à 15h00
Encadrement des prix des produits alimentaires — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, cette proposition de loi cherche à apporter des réponses concrètes à la question des prix et des revenus des agriculteurs sans oublier les difficultés des consommateurs.

Elle s'appuie sur un double constat : d'une part, la dégradation durable des prix d'achat des productions agricoles issues de l'agriculture française ; de l'autre, l'augmentation constante des prix de vente des produits alimentaires aux consommateurs.

La crise des fruits et légumes de cet été constitue une des preuves les plus flagrantes du besoin d'intervenir rapidement pour encadrer les prix des productions agricoles. Nous aurions tort de penser que, pour la filière des fruits et légumes, cette mauvaise année 2011 tient aux seules fluctuations conjoncturelles des marchés comme je l'entends parfois : il s'agit bien d'un problème structurel qui affecte l'agriculture française dans son ensemble.

En effet, les prix d'achat de la production agricole subissent une pression constante à la baisse, alors que les coûts des consommations intermédiaires, eux, ne cessent d'augmenter, qu'il s'agisse des prix de l'énergie, des engrais ou des produits phytosanitaires. Cette double évolution a des conséquences très claires : si l'on en juge par les moyennes triennales, le revenu agricole, tous secteurs confondus, n'a pas évolué depuis 1995 ! Les revenus des exploitations familiales et de taille modeste ont même baissé, plongeant des milliers de paysans et leurs familles dans la pauvreté, poussant malheureusement certains à des gestes désespérés.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : de 2000 à 2010, le nombre d'exploitations a diminué de 26 % et l'emploi agricole de 22 %. Ce sont évidemment les petites et moyennes exploitations, les exploitations familiales, qui ont payé le plus lourd tribut, alors que le nombre de très grandes exploitations s'est accru.

L'extrême concentration du nombre d'exploitations sur le territoire national doit nous faire réfléchir à ce que devient le tissu rural français en ce début de XXIe siècle, et sur la capacité que nous aurons à maintenir, dans les prochaines décennies, une agriculture diversifiée, de qualité, à dimension humaine. Nous ne pouvons nous résoudre à voir des campagnes de France déshumanisées, privées de leur vocation première : nourrir les hommes !

Le constat est sans appel : sur certains produits, les marges de la grande distribution ont presque doublé en dix ans, au détriment des agriculteurs et des consommateurs.

S'agissant de la formation des prix, nous ne disposons pas de données aussi précises qu'il le faudrait : le premier rapport annuel de l'observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, publié le 27 juin 2011, souligne le manque d'informations fournies par les distributeurs s'agissant des marges nettes. Il a néanmoins le mérite de mettre en lumière certaines évolutions.

La longe de porc est un exemple typique de l'augmentation des marges des distributeurs au détriment des autres acteurs. En 2000, 45 % du prix final de ce produit revenait à l'éleveur, contre seulement 36 % aujourd'hui. La part de l'industriel chargé de l'abattage a également chuté de 11 à 8,8 %. En revanche, le distributeur a considérablement augmenté sa marge, puisqu'il touche aujourd'hui 55 % du prix final, contre 39 % en 2000.

Pour les consommateurs, les prix alimentaires ont crû de 2 % par an, avec des hausses allant jusqu'à 13,5 % pour les produits frais. Certes, la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation est passée de 20 % dans les années 1960 à 13 % aujourd'hui ; mais la consommation de fruits et légumes frais n'a pas progressé depuis cinquante ans. On le sait, la consommation de produits frais est directement liée au pouvoir d'achat des ménages et à leur catégorie socioprofessionnelle. Le nombre de Français dans la précarité augmente sans cesse, ce qui se traduit par une explosion du nombre de bénéficiaires de l'ensemble des associations d'aide alimentaire. Une politique de l'alimentation ambitieuse suppose donc, en priorité, de soutenir la demande de produits frais pour les foyers les plus modestes. Mes chers collègues, nous avons la responsabilité de ne plus laisser les prix alimentaires de ces denrées de base faire l'objet de telles dérives de la part de la distribution !

Pour toutes ces raisons, il paraît indispensable de réguler – pour employer un concept redevenu à la mode – les marges et les pratiques de la grande distribution, avec pour double ambition de fournir une alimentation de qualité accessible à tous et une rémunération digne du travail paysan.

J'avais déjà déposé, il y a deux ans, une proposition de loi visant à instaurer un véritable droit au revenu des agriculteurs, dont beaucoup d'articles avaient retenu l'intérêt des parlementaires de toutes sensibilités. Le ministre de l'agriculture, présent au débat cette fois-là, m'avait simplement opposé le caractère « prématuré» de mes propositions. Quelques mois plus tard, lors des débats sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture, la majorité avait encore rejeté mes amendements, se limitant à soutenir les propositions du Gouvernement : contractualisation, renforcement des interprofessions, regroupement des organisations de producteurs, et extension des mécanismes dits « d'assurance-récolte ».

Je ne mets pas en doute la volonté du ministre d'apporter des réponses avec la loi de modernisation agricole. Mais elles sont manifestement peu efficaces. Je pense notamment à la contractualisation qui devait garantir des prix aux producteurs. Cela ne marche pas, au point que ces derniers ne signent pas les contrats.

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