Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, au moment où notre pays dresse le bilan de l'action du Gouvernement et plus évidemment encore celle du président Sarkozy, force est de constater qu'en matière de logement le compte est accablant.
10 millions de personnes sont concernées par des difficultés de logement ; 3,6 millions de personnes sont très mal logées, en hôtel, abris précaires, camping ou hébergement, et 5 millions vivent dans des situations de réelle fragilité à court ou à moyen terme – copropriétés dégradées, impayés de loyers de plus de deux mois ou surpeuplement.
La liste est longue : dégradation des conditions d'accès à un logement abordable, hausse exorbitante des loyers et du foncier, augmentation des dépenses des ménages pour se loger, progression du sans-abrisme, manque criant d'hébergements d'urgence, insuffisance de la construction de logements sociaux pour les demandeurs dont le nombre devient alarmant, insuffisance des aides aux locataires entraînant pour ceux qui ne peuvent payer leur loyer une progression très inquiétante des expulsions !
Cette liste effrayante n'est pas une surprise : vous avez choisi de mener une politique libérale. C'est une des différences fondamentales avec nous, élus de gauche, qui considérons que le logement n'est pas un bien ordinaire, une marchandise comme les autres.
Pourtant, paradoxalement, depuis la loi DALO de mars 2007, l'État est garant du droit au logement. Il lui incombe d'assurer à tous nos concitoyens un habitat digne, condition incontournable de leur épanouissement, première étape d'intégration vers l'éducation. Or rien n'a été fait pour rendre ce droit effectif.
Le quatrième bilan DALO est d'abord un sévère constat d'inefficacité. Il rappelle quatre exigences incontournables pour l'application de la loi DALO : offrir au moins un hébergement à toute personne en détresse, de façon immédiate et inconditionnelle ; mettre en oeuvre un plan d'urgence pour reloger les ménages prioritaires dans les zones tendues ; organiser la gouvernance du logement ; réorienter les moyens de la solidarité nationale vers les personnes à revenus modestes. En pleine rigueur budgétaire, les plus modestes, les plus fragilisés ne doivent pas être oubliés !
Et pourtant, tous les instruments, tous les leviers de l'action publique ont été cassés ! En effet, les budgets successifs de ces dernières années consacrent clairement votre volonté d'abandonner toute politique du logement juste, équitable et solidaire, en privilégiant des dépenses fiscales qui n'ont pour seule conséquence que d'encourager la spéculation et la hausse des loyers.
La contribution directe de l'État au financement du logement social par l'aide à la pierre sera de 300 millions d'euros en 2012, alors que, dans le même temps, il prélève 140 millions d'euros sur les bailleurs sociaux et les HLM. Ainsi, en pleine crise du logement et de l'hébergement, exacerbée par le contexte économique, l'État a fait le choix sans vergogne de poursuivre son désengagement !
Aujourd'hui, avec l'explosion des loyers et des charges, de plus en plus de ménages peinent à couvrir leurs dépenses de logement. Même les classes moyennes sont fragilisées par la hausse des loyers. L'État demande à tous ses partenaires d'assumer des responsabilités qui sont normalement les siennes, en ponctionnant le 1 % et les organismes HLM, sans se soucier de la pérennité de ces financements.
La proposition de loi que nos amis du groupe GDR ont eu l'heureuse initiative de proposer à la représentation nationale n'a pas vocation à exprimer toutes les politiques, toutes les actions qu'imposent cette situation catastrophique du mal-logement dans notre pays. On connaît les contraintes de procédure et de temps qui limitent l'usage pour les députés de l'opposition du droit de déposer des propositions de loi.
Cette proposition de loi visite cependant quatre des exigences fondamentales qui doivent être comblées pour améliorer une réalité bien sombre : le maintien des locataires dans leur logement ; l'encadrement des loyers ; le renforcement de la loi SRU ; la lutte contre la vacance. Elle rappelle la nécessité de mener une politique fondée sur la justice sociale. Nous le répétons depuis des années : l'État doit impérativement réinvestir le secteur du logement par une politique publique fondée sur la solidarité et la responsabilité, avec des moyens financiers suffisants et pérennes.
En ce qui concerne l'interdiction des expulsions, je rappelle que sont rendus chaque année plus de 100 000 jugements d'expulsions et que l'on assiste à une augmentation inquiétante des impayés, qui viennent grossir les rangs des bénéficiaires DALO.
Vous avez oublié les difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontées les ménages modestes ou plus ponctuellement les classes moyennes, et la crise économique ne vous a fait infléchir en rien votre politique. Alors que les APL n'ont cessé de perdre de leur pouvoir solvabilisateur et ont vu s'amenuiser leur rôle d'amortisseur social, vous avez choisi d'en plafonner la revalorisation à 1 %. Il faut en amont un véritable système de prévention des expulsions, ce qui suppose un accompagnement des familles.
Le taux d'effort en matière de logement, qui mesure bien la charge que représente pour le ménage le coût du loyer, a progressé tant pour les salariés que pour ceux qui bénéficient de minima sociaux. Notre collègue Marie-Hélène Amiable vient d'évoquer à juste titre l'augmentation des loyers. Je n'y reviens pas, mais c'est l'un des aspects flagrants de cette situation. Et c'est bien la capacité des locataires à payer leur loyer qui est entamée. Vous êtes vous-mêmes à l'origine de mesures qui se traduiront pourtant par une augmentation des procédures d'expulsion, en constante progression ces dernières années.
Lors de la présentation du rapport du comité d'évaluation de la loi DALO, hier, on nous a compté l'histoire d'une famille obligée de libérer les lieux qu'elle habitait et qui avait fait une demande de logement, puis déposé un dossier DALO. Le dossier a été accepté par la commission, la famille n'a pas obtenu de logement, elle a saisi la juridiction administrative, mais a été expulsée avec le concours de la force publique. Cherchez l'erreur ! Voilà l'état de notre république aujourd'hui.
Il est évident que ceux qui sont expulsés deviendront bénéficiaires en priorité du droit au logement au titre de la loi DALO. Il est donc nécessaire de mettre un terme à ce processus kafkaïen. Il faut tout d'abord cesser de mettre les gens à la rue et faire en sorte que, lorsque l'expulsion ne peut être évitée, on ne la dissocie pas de l'obligation républicaine de reloger ailleurs les expulsés. C'est le sens de ce dispositif législatif, qu'il faudra un jour revisiter pour en supprimer les aberrations.
S'agissant des loyers, vous avez reconnu il y a quelques semaines, monsieur le secrétaire d'État, la réalité du problème et, pour la première fois, la nécessité de les encadrer. Vous en avez réglementé la progression pour les micrologements par le biais de la fiscalité. C'était un aveu, c'était aussi la possibilité pour le Gouvernement d'amorcer une nouvelle stratégie. Mais que faites-vous pour encadrer les loyers et empêcher leur hausse constante ? Rien. Nos collègues du groupe GDR ont donc raison de dire : cela suffit.
Nous avions proposé la fixation d'un loyer de référence et le blocage de la hausse lors du changement de locataire. Vous ne voulez pas utiliser ces instruments. Il est pourtant important d'agir, sinon toutes les politiques publiques en pâtiront.
Sur le renforcement de la loi SRU, nous partageons totalement les objectifs de la proposition de loi. Nous avions d'ailleurs signé des amendements communs lors des débats sur le logement et inscrit ces mesures dans nos propositions de loi. Porter le seuil de logements sociaux à 30 % dans les zones sous tension est une exigence impérieuse. D'ailleurs, il nous semble bien que c'est la référence que l'on va choisir dans le cadre du Grand Paris. Il faut le porter à 25 % ailleurs. Il faut bien entendu exclure du comptage les logements de type PLS, que certains maires favorisent pour ne pas avoir à construire de logements très sociaux, notamment les PLAI. D'ailleurs, on a recours à cette dernière formule pour les foyers logements et les résidence pour étudiants, mais beaucoup moins pour les familles. Il y a là une situation que vous ne contestez pas et qu'il nous faudra corriger. Il faudra aussi aggraver les sanctions pour les villes dont on constate la carence. Elles supportent beaucoup mieux de payer l'amende qui leur est infligée actuellement qu'elles ne supporteraient un prélèvement pour financer le logement social sur leur territoire – mesure que nous sommes en train de préparer.
Il faut parvenir à ce que, demain, ces maires financent le logement social dans leur commune. C'est difficile, certes, mais il le faudra. Il faudra aussi, comme le demande cette proposition de loi, encadrer la possibilité pour les maires de communes en infraction de délivrer des autorisations en matière d'urbanisme. C'est le seul moyen de réussir, et cette proposition de loi définit donc la bonne stratégie.
Enfin, elle porte sur la réquisition des logements vacants. Il y en a, vous ne pouvez pas le contester. C'est une insulte pour les gens sans toit qui campent au pied de ces immeubles, c'est une aberration. Cela explique que, de temps à autre, des groupes occupent ces logements. Nous vous avons fait bouger, puisque vous avez examiné comment on pourrait accélérer la transformation de bureaux en logements, y compris par des mesures fiscales. Je vous en félicite ; nous-mêmes l'avions proposé dans notre proposition de loi. Mais cela ne va pas assez loin. Il faut que la réquisition soit effective. Vous dites que lorsque Marie-Noëlle Lienemann a pris cette mesure, elle n'a pas été suivie d'effet. Mais elle avait dit la même chose que M. Périssol. Pour que la réquisition soit appliquée, il faut que tout le monde la veuille. Quand les préfets suivent, il n'y a pas de problème pour réquisitionner ; quand ils ne suivent pas, il y a problème. C'est pourquoi il faut mobiliser toute la capacité de l'État ou plutôt, selon la formule d'Étienne Pinte, que la menace soit suffisamment forte pour que les logements soient occupés.
Nous partageons donc la stratégie définie par cette proposition de loi. Cette nuit, nous avons adopté, à l'article 11 de la loi de finances, une augmentation du taux de TVA pour les travaux de construction et de réhabilitation du patrimoine social ainsi que pour la rénovation du patrimoine privé. C'est à cause de la crise, nous dit-on. Mais la crise a bon dos. Le pacte républicain imposait au Gouvernement et à la nation de ne pas se soumettre à la loi de la crise dès lors qu'il s'agit de construire ces logements si attendus par ceux qui en manquent, de construire les centres d'hébergement si attendus par les sans-abri.