Les soviets ont été une belle expérience pendant une période, monsieur Raoult. Si vous voulez, on peut faire une expérimentation au Raincy.
Pour poursuivre mon propos, monsieur le ministre, vous avez refusé au peuple grec le droit de s'exprimer. Ce n'est pas vieux, ça ! Et vous nous parlez de démocratie ! Pis encore, vous mettez les budgets nationaux sous le contrôle de la BCE et de la Commission européenne. S'agissant de cette dernière, il faudra d'ailleurs me convaincre de sa légitimité. Par qui est-elle élue, déjà ? Si elle est désignée par le peuple, c'est au troisième ou au quatrième degré.
Pierre Lequiller a dit, lui, qu'il voulait « encadrer » les budgets nationaux. Quand on dit cela, j'entends : « abaisser les parlements nationaux ». Vous n'échapperez pas à la discussion sur cette question fondamentale. Le rejet de plus en plus fort par les peuples de cette Europe, qui ne représente pas leurs intérêts, repose justement sur cet abaissement.
Quant à l'accusation de vouloir « faire de la dette pour faire de la dette », je réponds que ce n'est pas du tout notre propos. Nous ne sommes pas favorables à la dette en soi. En revanche, nous sommes défavorables à tout ce qui déséquilibre les rapports entre les États. Faire du déficit n'est pas en soi une bonne chose. Mais faire des excédents non plus. Les excédents massifs se font forcément au détriment d'autres pays. Et les rééquilibrages à l'intérieur de l'Union passent forcément par des redistributions, mais pas sur le mode du denier du culte. Votre vocabulaire européen, c'est avant tout sanctions et punitions. Pour notre part, nous parlons de coopération réfléchie.
L'Allemagne a des excédents importants. Je pense qu'on devrait instaurer dans l'Union européenne de nouvelles règles obligeant les pays qui ont de tels excédents à les redistribuer à leur peuple, en pouvoir d'achat et en investissements dans les infrastructures, ce qui en ferait de meilleurs clients pour les pays en difficulté. Les transferts seraient alors positifs.
Quant à la germanophobie, cela n'a jamais été notre tasse de thé. Notre Allemagne, c'est celle de Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg, Ernst Thälmann, mais pas seulement. C'est aussi celle de Heinrich Böll, de Werner Herzog, c'est l'Allemagne de Goethe bien sûr, comme celle du pasteur Niemöller, un des courageux qui, pendant la guerre, s'opposèrent aux nazis en Allemagne même. Il faut toujours le rappeler. Nous nous inscrivons dans une tradition de solidarité et de fraternité avec ceux qui se battent pour la reconnaissance de l'humanité des hommes.
Mais par ailleurs, l'Allemagne n'est pas un modèle. Le modèle reste à construire. Nous avons besoin d'un modèle porteur d'humanisme, qui donne de l'espérance aux peuples d'Europe. Mais où est l'espérance aujourd'hui ? On ne la trouve pas dans les manifestations qui ont lieu ici et là, car elles expriment une protestation contre les politiques menées.
Nous avons besoin d'une Europe qui construise cette nouvelle humanité, qui donne un espoir à la jeunesse et qui dessine un nouvel avenir, non pas seulement pour l'Europe, mais pour que celle-ci devienne un point de repère positif pour toute la planète.