Notre pays n'est évidemment pas le seul à s'être engagé dans cette politique d'endettement suicidaire. Cette politique lui a été dictée par les traités européens et la Commission européenne. La ligne directrice de la stratégie de Lisbonne a été de sacrifier l'État dit Providence sur l'autel de la compétitivité. De cette concurrence effrénée au moins-disant fiscal et social, dont Joseph Stiglitz dit qu'elle tourne au délire, l'Allemagne est sortie gagnante mais, même si cela peut paraître paradoxal, pas le peuple allemand !
L'Allemagne est parvenue, Jean-Pierre Brard vient de le rappeler, comme nul autre pays de l'Union à doper sa compétitivité, mais à quel prix : gel des salaires et des pensions, déréglementation du marché du travail, réduction drastique des dépenses et des services publics. Les conséquences sont une demande intérieure atone, un taux de pauvreté parmi les plus élevés d'Europe – plus de 17 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 13,5 % en France, taux déjà trop élevé. Un emploi sur trois est un emploi précaire, 2,5 millions de salariés travaillant pour moins de 5 euros de l'heure. Et vous osez encore présenter l'Allemagne comme un exemple à suivre ? Non, merci !
Si nous voulons sortir la France et l'Europe de la crise, ce n'est pas en prenant pour modèle l'Allemagne. C'est pourtant la voie que l'Europe a décidé de suivre en recommandant des politiques d'austérité qui, en comprimant la demande, risquent d'enfoncer l'ensemble des pays de l'Union dans une spirale de récession, y compris l'Allemagne, qui réalise 40 % de ses exportations à l'intérieur de la zone euro !
Vous voulez rassurer les marchés en faisant de l'austérité l'unique horizon politique, jusqu'à en inscrire le principe dans les traités et à en contrôler la mise en oeuvre dans chaque État, quitte à les traduire devant un tribunal, au mépris de la souveraineté des peuples. L'Europe est malade de la dictature imposée par les marchés, malade de la complaisance des gouvernements à l'égard de cette dictature.
Vous tentez d'attiser les peurs pour imposer l'idée qu'il n'y a pas d'alternative à votre politique. La présente proposition de résolution européenne déposée en commun avec nos collègues du parti allemand Die Linke au Bundestag apporte un clair démenti à ces piteuses affirmations.
Il existe des solutions construites sur une tout autre logique politique, économique et sociale, une logique dans laquelle les hommes et les femmes comptent plus que les marchés financiers et les spéculateurs.
Ces solutions mettent en avant quelques propositions de bon sens, qu'il appartient, je le souligne, à chacun de nos Parlements d'adopter : l'instauration d'une taxe sur les transactions financières en Allemagne et en France dès l'an prochain, la prise de participation majoritaire et active des États au capital des principales banques, la priorité étant que les banques changent de comportements, cessent de courir après les profits pour simplement financer l'économie. La banque doit impérativement redevenir un métier ennuyeux, selon l'heureuse formule de Keynes.
Mais, outre l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, à laquelle certains semblent se rallier aujourd'hui sans pour autant se précipiter pour sa mise en oeuvre, et c'est un euphémisme, outre la prise de participation majoritaire des États au capital des banques systémiques afin d'en piloter les stratégies, ou bien encore la taxation des millionnaires en euros par la voie d'un ISF européen, le coeur de notre proposition est bien l'instauration d'un fonds européen de développement social et solidaire.
Un tel fonds d'investissement public, à l'interface entre la BCE et les États, aurait vocation à desserrer l'emprise des marchés financiers telle qu'elle résulte de la nouvelle architecture du fonds européen de stabilisation financière. Le financement de ce fonds serait en effet assuré notamment par l'émission de titres publics de développement social lui permettant un accès à la monnaie Banque centrale.
Cette création monétaire permettrait d'allouer des masses importantes de financement, à des taux d'intérêts nuls ou très bas, entre les pays membres de la zone euro, pour leurs besoins propres en termes d'investissements, que ce soit dans les services publics, les transports, l'énergie, la recherche, l'éducation, la formation, la protection de l'environnement, ou encore la lutte contre le réchauffement climatique.
Afin de ne pas provoquer d'hyper-inflation, le fonds devrait aussi financièrement s'appuyer sur une mobilisation de l'épargne populaire à l'échelle européenne, par la mise en place de produits d'épargne publique spécifiques.
La priorité aujourd'hui n'est pas de réduire toujours davantage les dépenses publiques et le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de se résigner à l'austérité,. Elle est de renouer avec la croissance et, conjointement, avec l'ambition d'une Europe à la mesure de l'espérance des peuples. C'est le sens et l'ambition que porte notre projet, qui pose les premiers jalons d'une nouvelle construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)