J'en viens à la proposition d'imposer une prise de participation majoritaire des États au capital des banques européennes exposées au risque de défaut de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal. Je ne m'attarderai pas une nouvelle fois sur l'irréalisme juridique de la proposition, mais dans le cas contraire, je crois que le groupe GDR serait le premier à s'en inquiéter, tant nous partageons, j'en suis sûr – en tout cas, avec vous, monsieur Brard –, le même attachement à la défense du statut public de certaines de nos entreprises.
Le Gouvernement partage toutefois le souci de voir les banques consacrer leur activité à l'économie réelle. C'est la finalité des interventions de la Banque centrale européenne, dont je rappelle qu'elle est indépendante, ce que personne ne conteste ni de ce côté-ci, ni de l'autre côté du Rhin. C'est aussi le sens de l'obligation faite aux banques de renforcer leurs fonds propres, une obligation imposée par le gouvernement que vous dénoncez. Je rappellerai, enfin, l'investissement particulier du Premier ministre sur ce sujet, qui a réuni l'ensemble des banques pour les rappeler à leur devoir élémentaire.
Pour en venir à la proposition principale de créer un fonds européen de développement social, solidaire et écologique, je ne soutiens pas ce projet, bien que je soutienne l'idée que l'Europe doit être solidaire et s'investir dans le développement durable. Car cela reviendrait, si je comprends bien, à financer par la création monétaire les coûts de fonctionnement de projets aux finalités les plus variées, allant de la protection de l'environnement aux services publics nationaux. Il va sans dire que faire reposer cette idée sur l'achat de titres de dette par la Banque centrale européenne manque de toute crédibilité, et est même totalement incompatible avec la mission de la BCE.
Par ailleurs, il ne me semble pas cohérent de faire appel au niveau européen pour financer, pour les seuls pays de la zone euro, des projets qui relèveraient de toute évidence de la subsidiarité, et donc de chaque État membre. Je pense en particulier aux politiques de l'emploi.
En revanche, d'autres politiques visées dans votre proposition font déjà l'objet de soutiens et de coordination européens dans le cadre du budget communautaire. Nous sommes en train de négocier le cadre financier pour la période 2014-2020. Je ne suis pas favorable à ce que ces dépenses, parfaitement légitimes sur le fond, même s'il faut toujours veiller à l'efficacité de la dépense européenne, soient encore financées par un recours à la dette. L'immense avantage du budget européen est qu'il est équilibré. Pour rééquilibrer les finances des États membres, faudrait-il déséquilibrer le budget européen ?
Je voudrais, en revanche, dire un mot d'une proposition d'inspiration voisine, qui semble bien plus fondée. Vous savez que la Commission a proposé la création de project bonds, c'est-à-dire des financements de projets concrets à partir d'émissions de titres européens.
Nous sommes ouverts au recours à ces instruments financiers. Ils sont innovants, et s'ils sont bien encadrés, ils peuvent apporter des éléments de croissance à l'Europe de demain. Nous souhaitons qu'ils portent sur des projets dont la rentabilité socioéconomique est prouvée, avec une implication de la Banque européenne d'investissement et des garanties claires sur l'absence de risque pour le budget communautaire.
En ce qui concerne les différentes mesures préconisées pour lutter contre la spéculation sur les dettes souveraines, je vous ferai observer qu'une partie du travail est en cours. On ne peut pas dire que rien n'est fait en ce domaine. Cela a été l'objet d'une âpre et difficile négociation au cours des G20.
L'interdiction des ventes à découvert a significativement progressé avec l'accord intervenu en octobre entre la Commission, le Conseil et le Parlement, un accord qui devait être définitivement adopté en novembre. Voilà qui devrait vous satisfaire ! Il permettra à l'Autorité européenne des marchés financiers d'interdire au niveau européen une large partie des ventes à découvert, en complément des mesures prises par les régulateurs nationaux.
Il interdit également les opérations sur les CDS nus, c'est-à-dire ceux qui portent sur la dette souveraine. Car ils jouent un rôle important dans la spéculation, la volatilité et la fébrilité de nos marchés financiers.
Pour ce qui est du trading haute fréquence, la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers, lancée au mois d'octobre, doit contrôler beaucoup plus étroitement cette pratique qui entraîne des réactions en chaîne que l'on peut difficilement maîtriser.
Enfin, merci, monsieur Brard…