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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 29 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

La fraude représente chaque année une perte de recettes de 50 milliards d'euros pour l'État et les organismes sociaux, selon les chiffres du syndicat CGT des finances publiques. Et 85 % de ces 50 milliards sont directement imputables à la fraude des grandes entreprises. Et vous, vous faites la chasse à la fraude aux allocations sociales. C'est comme sous l'Ancien Régime : pendant que le seigneur chassait à travers les cultures de ses paysans, il faisait pendre à son gibet le paysan braconnier qui tuait un lapin pour nourrir sa famille. Contrairement à la déclaration de Nicolas Sarkozy en marge du G20 de Pittsburgh fin 2009, les paradis fiscaux et le secret bancaire, ça existe toujours. Vous leur avez donné ici même, en septembre dernier, en signant dix conventions d'échanges d'informations fiscales avec notamment le Belize et les Îles Cook, dans un silence médiatique lourd de sens, un blanc-seing pour continuer en toute impunité leurs exactions fiscales.

En conséquence, 20 milliards de dollars sont soustraits chaque année, au bas mot, aux finances publiques françaises. D'ailleurs, M. le Président de la République pourrait en parler à son ami Barack, parce que, aux États-Unis, il existe un paradis fiscal : l'État du Delaware. Savez-vous, madame la ministre, que l'on peut y constituer une société sans avoir à se déplacer ? On peut tenir une assemblée générale sans réunir les membres du conseil d'administration. Il suffit de le faire par téléphone. Je pensais que, étant donné les relations amicales, fraternelles, qui existent entre le Président de la République et le Président des États-Unis, on allait enfin s'attaquer à des choses sérieuses et faire prévaloir des règles d'éthique, de morale et d'honnêteté sur la propagande politicienne télévisée.

Par pédagogie politique, pour les citoyens qui nous regardent depuis les balcons de cet hémicycle – ils ne sont pas très nombreux –, mais aussi et surtout grâce à cette formidable tribune qu'est internet, additionnons tout ce qui est soustrait : 60 milliards plus 50 milliards plus 20 milliards plus les 30 milliards, au bas mot, de recettes engendrées par la taxe sur les transactions financières qu'il faut mettre en place et à laquelle le Président de la République a donné son agrément, mais sans passer à l'acte. Nous dépassons les 160 milliards d'euros de recettes supplémentaires chaque année ! Le déficit « abracadabrantesque » fait « pschitt », pour reprendre des expressions utilisées lors du dernier septennat.

Le mensonge fait partie de la politique gouvernementale, madame la ministre. Il en est même un des piliers. Je vais vous citer un texte : « Un système de mensonges ressemble plus à la vérité qu'un mensonge isolé ; plus on voit de choses à contredire à la fois, moins on en contredit ». Qui formulait cette sage réflexion ? C'était Denis Diderot. Vous voyez que la comparaison entre l'Ancien Régime et votre régime crève les yeux. Ce n'est évidemment pas à votre avantage, car cela traduit une régression par rapport à ce que notre peuple a conquis au cours de son histoire.

Le Président de la République a menti aux Français en leur promettant une République irréprochable. Il leur a menti en leur promettant du pouvoir d'achat. Vous ne dites pas la vérité lorsque vous dites que la droite n'a pas augmenté les impôts. Le Premier ministre trompe les Français lorsqu'il nous explique qu'il n'y a pas d'autres choix que la rigueur. Et vous abusez les Français lorsque vous dites à la représentation nationale que vous lui présentez un budget sincère, alors qu'il est fondé sur une perspective de croissance dont vous savez bien qu'elle est fallacieuse, comme cela a été rappelé tout à l'heure.

En fait, mes chers collègues, la vérité est toute autre. Nicolas Sarkozy mange dans la main des marchés financiers, et c'est pour cela que François Fillon plonge la France dans l'austérité, ou plus précisément dans le tourment de la rigueur, c'est-à-dire, concrètement, pour nos concitoyens, dans des fins de mois impossibles pour la France du travail, celle qui se lève tôt et qui travaille dur.

Votre politique est viscéralement inégalitaire. J'ai d'ailleurs remarqué, madame la ministre, que le mot d'égalité, vous ne le prononcez pas. Vous y avez substitué « l'équité ». Mais l'égalité et l'équité, ce n'est pas du tout la même chose. Je vous renvoie au Petit Robert, ou à n'importe quelle encyclopédie, pour parfaire votre maîtrise du vocabulaire, pour que l'on ne se trompe pas de mot. Ou, plus exactement, parce que vous avez une parfaite maîtrise de la langue, madame la ministre, vous substituez subrepticement un concept à un autre, pour embobiner les Français. C'est notre rôle de démasquer ce qu'il y a derrière ces mots, illégitimement employés.

Dans vos plans d'austérité, puisque maintenant les coups de matraque budgétaires se multiplient, comme en Grèce ou en Italie, on constate encore une fois que ce sont les peuples qui paient la facture de la gabegie des exonérations fiscales et sociales, ainsi que des petits et des gros cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux nantis et aux privilégiés.

Ainsi, sur les 18 milliards de vos plans d'austérité pour 2012, ce sont 13 milliards qui vont directement frapper les Français les plus en difficulté ou les familles moyennes : taxe sur les sodas, augmentation des complémentaires de santé, hausse généralisée de la TVA.

À cet égard, madame la ministre, vous maîtrisez si bien ce que l'on appelle à l'Élysée les « éléments de langage » que vous mériteriez que l'on vous décerne un billet d'honneur, comme cela se faisait autrefois dans les écoles, à la fin de l'année scolaire. Vous ne vous en sortez pas si mal. Il faut en effet avoir une sacrée audace pour prétendre que vous instituez un taux de TVA réduit de 7 % tout en oubliant de préciser qu'il se substitue au taux de 5,5 % ! Vous avez un vrai talent, madame la ministre. Je pense que, dans une vie future, on pourra vous voir faire des tours de magie, et vous y excellerez !

La politique que vous menez n'est plus supportable. La coupe est pleine. Non content de promettre de la sueur et des larmes, le Gouvernement met les Français à genoux financièrement. Soyons concrets. Ces Français ont des visages ; ce sont des enfants à qui il faut donner à manger chaque jour du mois et qui sont, pour une part importante d'entre eux, vous le savez fort bien, privés de vacances. Regardez le succès des sorties à la mer organisées par le Secours populaire ou le Secours catholique. Cela devrait suffire pour votre édification, madame la ministre, et pour mesurer à quel point votre politique est injuste. Ces enfants ne mériteraient-ils pas eux aussi quelques fantaisies ? Alors que le jour de Noël approche, est-il normal que les parents soient obligés, comme cela sera le cas samedi prochain à Montreuil, d'aller à la brocante des jouets du Secours populaire pour offrir quelques jouets à leurs enfants ? Nous en sommes là, aujourd'hui.

Vous ne cessez de faire des comparaisons avec l'Allemagne. Soit, comparons-nous à l'Allemagne et mesurons la longueur des files d'attente devant les soupes populaires à Berlin. L'Allemagne, ultime référence à vos yeux, s'enfonce dans la pauvreté et la misère. Or lorsque l'on voit ce qui se passe à Berlin ou sur les rivages de la Baltique, on n'a vraiment pas envie de prendre la politique allemande comme modèle !

Sans les aborder toutes, je m'attarderai sur quelques-unes de vos mesures.

La revalorisation des prestations familiales et des aides au logement au taux de la croissance prévisionnelle ne servira pas à protéger les allocataires, mais à faire des économies de bouts de chandelle sur tous ceux qui ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, même en percevant ces allocations. L'économie est de 500 millions d'euros par an, soit dix fois moins que ce que l'on pourrait économiser chaque année en supprimant la niche Copé. Il n'est pas acceptable que vous réduisiez ces aides qui bénéficient aux familles modestes.

S'agissant de l'augmentation de la TVA, vous avez dissimulé la réalité en faisant semblant d'instituer un nouveau taux réduit de TVA alors que, en fait, vous augmentez ce taux.

Par ailleurs, comment pouvez-vous frapper la culture ? Comment un gouvernement peut-il avoir pour grand projet de réserver la culture à une élite financière ?

La vente des produits de luxe, madame la ministre, ne s'est jamais aussi bien portée en France et dans le monde. N'aurait-il pas mieux valu augmenter la TVA sur les sacs Vuitton, les Rolex, les Patek Philippe, les Ferrari, et frapper ainsi tous les produits de luxe ? On m'a dit que l'on pouvait acheter une Rolex pour 90 000 euros ou une Patek pour 80 000 euros. Mes chers collègues, avez-vous une idée de ce que cela représente ?

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