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Intervention de Philippe Schilliger

Réunion du 17 novembre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Philippe Schilliger, rédacteur de la revue Prescrire :

Non : les seuils qui semblent raisonnables pour obtenir un bénéfice dépendent beaucoup de ceux qui les émettent.

Ainsi, l'International Society of Hypertension, qui n'est pas dénuée de conflits d'intérêts, a fixé pour le compte de l'Organisation mondiale de la santé des seuils de plus en plus bas. Bien sûr, si vous abaissez le seuil d'hypertension, vous augmentez ipso facto le nombre d'hypertendus. La Société européenne d'hypertension, quant à elle, a retenu une autre définition, qui mérite d'être rappelée : le seuil d'intervention est celui au-dessus duquel on fait plus de bien que de mal.

Les normes actuellement utilisées en France sont relativement raisonnables. En revanche, le bénéfice que l'on peut attendre d'un traitement hypertenseur en prévention primaire – on traite un facteur de risque – est limité, puisqu'il faut traiter environ 1 000 personnes pendant deux à six ans pour espérer éviter quelques accidents vasculaires cérébraux ou quelques infarctus du myocarde, qui ne sont pas forcément mortels. Cela signifie que l'évaluation de l'intervention thérapeutique doit être extrêmement étayée si l'on veut être sûr de ne pas faire pire avec des médicaments. Rappelons par ailleurs que la lutte contre l'obésité, la diminution du sel dans l'alimentation et la pratique d'une activité physique équilibrée contribuent elles aussi à limiter les risques d'hypertension.

Les sociétés internationales ont fini par créer un syndrome de « préhypertension artérielle ». Le traitement de la préhypertension avec un petit médicament leur a ouvert, de fait, un marché énorme.

Le même phénomène se vérifie pour le diabète. En prévention primaire, beaucoup d'interventions sont de cet ordre-là. Et, comme pour l'hypertension, les seuils ont baissé. Pour avoir exercé la médecine générale pendant une trentaine d'années, j'ai pu constater que la définition du diabète avait évolué, passant de 1,40 à 1,26 gramme par litre de sang et qu'en distinguant le diabète potentiel, le diabète génétique et le prédiabète, on avait multiplié le nombre des diabétiques. Remarquons tout de même que ce n'est pas la même chose que d'avoir 1,40 gramme à quatre-vingts ans qu'à cinquante ans, et qu'il ne faut pas faire baisser l'hémoglobine glyquée au-delà du raisonnable, car cela peut être mortel.

La définition des seuils est donc une notion indispensable en santé publique et dans le domaine de la prévention : elle fixe l'objectif à atteindre. L'exemple des médicaments et de l'hypertension s'applique à toutes les interventions de santé et nous permet de résumer notre propos : dans toute action, il faut que l'on sache quel est l'objectif à atteindre et à quel prix.

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