Il convient de distinguer l'évaluation d'un bénéfice-risque pour un individu de l'évaluation collective d'une action de prévention. Si l'on souhaite amener 80 % des femmes à se faire dépister, c'est pour avoir une idée de l'efficacité d'une action de prévention collective.
Il faut résoudre une équation entre, d'une part, le libre choix et le principe d'autonomie des personnes et, d'autre part, les études de coût-efficacité et, surtout, de coût-bénéfice pour la société. Une action de prévention est coûteuse.
Pour Prescrire, les évaluations individuelles doivent primer : pas d'action sans appréciation des avantages et inconvénients, des bénéfices et des risques individuels, avant de passer à une action collective, en toute connaissance de cause, de la part de toutes les parties prenantes.
S'agissant du cancer de la prostate, nous pouvons nous demander pourquoi nous ne sommes pas parvenus à arrêter les dépistages spontanés alors que toutes les évaluations scientifiques et tous les scientifiques qui prennent position annoncent qu'il vaudrait mieux ne pas effectuer d'examen de taux de PSA, surtout à partir d'un certain âge – et que cela ne relève pas de la prévention. J'imagine que personne n'a de solution toute faite à proposer.
Il est pourtant possible d'arrêter un programme de dépistage. Je peux vous citer le cas du neuroblastome de l'enfant, une tumeur rare mais grave, que l'on désirait détecter précocement pour éviter des traitements lourds et mutilants. Cette détection a été expérimentée en 1990 dans différents pays et en France dans différentes régions, dont la région Rhône-Alpes. Le test était simple et les professionnels, les centres anticancéreux et les familles y ont adhéré. Mais les évaluations ont montré qu'on ne détectait chez les nouveau-nés que des tumeurs dont la plupart auraient régressé spontanément. C'est pourquoi, en 1998, on a arrêté ce dépistage.
De la même façon, pour pouvoir décider l'arrêt du dépistage du cancer de la prostate, il faudrait s'appuyer sur tous les acteurs – familles, médecins, scientifiques et autorités publiques. On devrait disposer de toutes les données et en discuter collectivement.
Notre position est claire : si l'on décide d'un dépistage, il est nécessaire qu'il soit organisé, pour bénéficier de procédures qui ont fait leur preuve, avec au moins la sécurité d'une double lecture pour ce qui concerne les mammographies. Nous ne voulons pas de dépistage spontané, individuel.