Mes observations rejoignent celles qui viennent d'être présentées. Votre tâche n'est pas facile dans la situation qui est aujourd'hui celle de la zone euro. Nous l'avons constaté dans le débat sur la recapitalisation de Dexia et les conditions dans lesquelles la contre-garantie de l'État pour les créances toxiques serait ou non engagée, l'État ne souhaitant en aucun cas que l'on puisse accréditer l'idée que cette contre-garantie serait amenée à jouer.
Nous sommes tout aussi conscients que les collectivités locales sont autonomes : par conséquent, lorsque les élus ont fait des choix erronés engageant gravement les finances de leur collectivité, celle-ci doit faire un effort. Mais là où nous ne pouvons plus suivre, c'est lorsqu'on soutient que l'État n'a pas de responsabilité, car c'est faux – et la Cour des comptes elle-même le dit. L'État a une mission d'alerte et de contrôle général. Or aucun des dispositifs n'a fonctionné. J'insiste notamment sur la responsabilité de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La responsabilité de l'État est donc engagée.
L'État a un intérêt majeur à ce que l'on trouve des solutions reposant sur la médiation et la négociation car plus le temps passe, plus l'addition peut se révéler gigantesque. Je rappelle qu'à l'appui de son refus de reprendre les créances les plus toxiques dans son bilan, la Caisse des dépôts a estimé que les pertes potentielles n'étaient même pas chiffrables. La thèse selon laquelle il pourrait y avoir un retour à la normale est beaucoup trop dangereuse. Les collectivités locales qui n'ont pas d'autre issue, qu'elles soient petites ou plus grandes, – je rejoins ici le témoignage de Mme Fourneyron, députée-maire de Rouen : nous sommes peu ou prou dans la même situation, déjà surendettées, avec des dettes composées à plus de 90 % de prêts toxiques – choisiront en effet d'aller en justice. Or la multiplication des contentieux serait une catastrophe. C'est un jeu « perdant-perdant » : pour les banques, car rien n'est pire que l'incertitude pour les marchés ; pour les collectivités locales puisque les contentieux ne sont pas suspensifs et que l'on ignore ce que sera la jurisprudence – dans l'intervalle, l'emprunt est gelé, et c'est la mécanique folle de ce système qui s'applique – ; enfin, pour l'État, dont la contre-garantie, notamment dans le cas de Dexia, devra jouer. Tout le monde a donc intérêt à une solution intelligente. Celle-ci consiste probablement – c'est l'une des pistes qu'explore la commission d'enquête – à cantonner le stock des prêts pour lesquels il n'y a pas de solution facile, non pour que l'État règle la totalité de l'addition, mais pour permettre une gestion dans la durée qui minimise les conséquences financières. Le terme de structure de défaisance n'est d'ailleurs sans doute pas le bon. Nous avons donc besoin du concours du Gouvernement. Les collectivités locales sont désireuses de jouer le jeu de la médiation – c'est en tout cas ce que fait la mienne – mais celle-ci touche à ses limites.
Ne partons donc pas sur un malentendu : collectivités locales, banques et État ont un intérêt commun à trouver des solutions rapides et non contentieuses.