Il ne s'agit pas de faire le procès de l'État. L'autonomie financière des collectivités est une revendication unanime, et tout gain sur les frais financiers est un produit comme un autre, qui évite de recourir à l'impôt. En ce sens, il relève bien de l'autonomie. Le lien se situe plutôt entre l'autonomie financière et le fait d'avoir des comptes sincères. Je suis assez favorable à ce que cette autonomie financière perdure – elle permet de donner libre cours à une certaine créativité, et pour ma part, j'ai gagné beaucoup d'argent avec des emprunts structurés. Mais il faut avoir les outils qui permettent de présenter des budgets sincères. Dans une entreprise privée, ces outils sont les provisions. Il n'en va pas de même en comptabilité publique. Sans doute manque-t-il à l'État certains instruments pour faire son travail. Il y a certes une différence entre une délibération et le contenu de ce qu'elle autorise – il en va d'ailleurs de même pour les délégations de service public – mais il faut voir comment on peut aller plus loin.
Raisonnons en scientifiques. Passe encore s'il n'y avait que trois cas, mais il y en a 5 000 ! La loi du nombre doit nous interpeller.
Nous avons plusieurs pistes pour éviter que le scénario se reproduise. C'est pourquoi je vous ai demandé ce qu'était pour vous une collectivité. Certaines banques ont tout de même fait signer à des collectivités une clause selon laquelle elles étaient considérées comme des entreprises. Pourquoi, sinon pour juguler un malaise ? Car si vous n'êtes pas une entreprise, vous êtes une personne physique, et la loi pose un certain nombre de règles s'agissant de la relation d'une banque avec une personne physique.
Il faut trouver une solution. Quand 5 000 collectivités se trompent en même temps, on peut parler de phénomène ; et à mesure que nos travaux avancent, nous constatons qu'à un moment donné, tout le monde s'est trompé. Le ministre doit donc nous dire ce qu'est une collectivité – autrement dit, comment un banquier devra-t-il regarder une collectivité demain ? Nous avons reçu hier l'équipe de direction de Dexia. Son président a fait un plaidoyer pour son action. Dexia était la banque des collectivités, mais elle entretenait avec elles une relation très particulière, voire fusionnelle ! Plus étonnant, il a admis qu'ils avaient été surpris : pour eux, la dette des collectivités était une dette souveraine – autrement dit, il était garanti que quelqu'un payerait. Mais ce ne peut être que le contribuable !
On parle souvent du statut de l'élu, mais quel est le statut de la collectivité face à l'activité bancaire ? Pour l'avenir, il faut donc définir le statut des collectivités : doivent-elles être considérées comme des personnes physiques, auquel cas c'est le contribuable qui supportera l'ajustement, ou comme des entreprises, ce qui suppose une comptabilité d'un type différent, avec la possibilité de passer des provisions, de déposer le bilan… Nous sommes au milieu du gué. Sachant que les élus réclament l'autonomie financière, il faut lever l'ambiguïté.