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Intervention de Fatiha Dazi-Heni

Réunion du 16 novembre 2011 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Fatiha Dazi-Heni :

Vis-à-vis de l'Iran, certains parlent d'une quasi « guerre froide ». Un conflit régional serait catastrophique et les élites des Etats du Golfe en ont parfaitement conscience. Il faut souligner que ceux-ci se préoccupent moins de la menace nucléaire en tant que telle que de la capacité de nuisance de l'Iran dans les pays arabes, et du fait que la détention de l'arme nucléaire l'accroîtrait encore. En effet, ils considèrent que si l'Iran détenait une arme nucléaire, il n'en ferait qu'un usage dissuasif. Le roi d'Arabie saoudite a néanmoins affirmé à deux reprises que son pays se doterait d'armes nucléaires si l'Iran en possédait. Le risque en termes de prolifération nucléaire dans la région est donc énorme.

Depuis quelque temps, certains dirigeants israéliens expriment leur souhait de voir effectuer des frappes ciblées contre les sites nucléaires iraniens. Mais il n'y a pas de consensus dans le pays sur cette orientation, à laquelle le Mossad et l'armée sont très hostiles. Elle pourrait en effet être très contre-productive en accentuant la radicalisation du régime, déjà très perceptible, alors que la population est fortement touchée par l'effet des sanctions internationales. Ces dernières restent en revanche sans résultat sur le positionnement du régime, désormais bicéphale, mais qui apparaît toujours solide. Le discours des pays du Golfe vis-à-vis de l'Iran reste nuancé. Les Emirats arabes unis ont une tendance à la surenchère verbale, mais leur économie est très liée à celle de l'Iran et des familles qui en sont originaires exercent une grande influence, en particulier à Dubaï.

L'Arabie saoudite et l'Iran constituent deux puissances qui s'opposent. Traditionnellement, la première est hostile à toute intervention du second dans les affaires arabes, mais cette nervosité s'est accentuée depuis que la guerre en Irak a permis à l'Iran d'y exercer une influence marquée, ce qui est absolument inacceptable pour les Saoudiens. A Bahreïn, on a assisté à une instrumentalisation de la menace iranienne par les monarchies du Golfe, alors que les sources des tensions sont locales : les populations chiites de Bahreïn, qui y sont implantées bien souvent depuis plusieurs siècles, voient la dynastie régnante comme une usurpatrice et subissent de graves discriminations, ils ont un statut de seconde zone ne pouvant prétendre à certaines fonctions dans le secteur public (police, armée) alors que des immigrés sunnites originaires de pays de la région obtiennent la nationalité bahreïnienne et tous les droits dont bénéficient les sunnites. Le principal parti chiite a saisi l'occasion de l'effervescence du « printemps arabe » pour exprimer les revendications de cette partie majoritaire de la population. Il faut garder à l'esprit que le Conseil de coopération du Golfe a envoyé des troupes à Bahreïn sans demander leur avis aux Etats-Unis, pour éviter qu'un renversement du régime ne conduise à un renforcement de l'influence chiite. Ce faisant, il a contribué à accélérer un inquiétant phénomène de communautarisation dans la région.

Je voudrais compléter l'analyse de mon collègue en signalant que la « salafisation » des sociétés, qu'il a mentionnée, s'accompagne d'une montée en puissance des Frères musulmans dans les systèmes politiques, ce qui est source de nouvelles tensions dans cette région.

La Ligue arabe semble en effet jouer désormais un rôle dynamique. L'Egypte sera certainement très influente en son sein lorsqu'elle aura achevé sa transition, qui traverse actuellement une phase difficile. Elle a vocation à exercer son influence aussi bien sur le règlement du conflit israélo-palestinien, qu'en Syrie et en Libye, où elle a des intérêts importants à faire valoir. Un nationalisme égyptien est en train de renaître, qui s'exprimera à la fois dans le cadre de la Ligue arabe et à l'extérieur de celle-ci. Pour le moment, la puissance dominante de la Ligue arabe est l'Arabie saoudite, mais, contrairement au Qatar qui aime se mettre en avant, elle évite de prendre ouvertement des initiatives en son nom propre, à cause d'un état d'esprit très anti-interventionniste qui la rapproche beaucoup de la Chine.

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