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Intervention de Yanick Paternotte

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h30
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYanick Paternotte, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au plan d'aménagement et de développement durable de Corse, ou PADDUC, dont nous sommes appelés à débattre, a été déposé sur le bureau du Sénat le 29 juin 2011 et examiné par notre commission du développement durable le 16 novembre, ainsi que le 23 novembre au titre de l'article 88, hier matin, donc.

L'exposé sommaire souligne que le projet de loi vise à modifier le contenu et la procédure d'élaboration du PADDUC en vue d'un triple objectif : préciser la vocation du plan, qui, comme l'a souligné M. le ministre, est un plan d'aménagement qui vaut schéma de transports et schéma d'environnement ; intégrer les prescriptions du Grenelle de l'environnement et préciser la manière dont le plan s'inscrit dans la hiérarchie des normes en matière d'urbanisme ; améliorer et simplifier sa procédure d'élaboration, notamment en organisant un débat sur ses orientations fondamentales au sein de l'Assemblée de Corse. C'est ce débat qui a sans doute manqué pour permettre à l'ancienne assemblée de ratifier le projet de PADDUC.

Le présent projet, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, traduit les orientations annoncées par le Président de la République à Ajaccio, le 2 février 2010. Il trouve également son origine dans les difficultés rencontrées pour faire adopter le projet de plan arrêté en 2008 par le conseil exécutif de la collectivité territoriale, difficultés qui ont conduit au retrait du projet de l'ordre du jour de l'Assemblée de Corse en 2009, douze mois plus tard.

Il me semble utile de rappeler que le projet s'est heurté à des difficultés de conjoncture, et qu'il existe par ailleurs des impératifs de clarification et de modernisation juridiques.

En ce qui concerne la conjoncture, tout d'abord, l'élaboration du PADDUC s'inscrit dans le cadre de l'organisation institutionnelle originale qui est aujourd'hui celle de la Corse. Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, l'évolution des responsabilités offertes à l'assemblée du territoire depuis les lois des 2 mars et 30 juillet 1982 qui ont conféré un statut particulier à la région de Corse, quelque quatre ans avant que ce principe soit généralisé à l'ensemble des régions métropolitaines. L'Assemblée de Corse est ainsi élue au suffrage universel, à la proportionnelle intégrale et dans une circonscription unique. Elle reçoit de l'État le pouvoir exécutif et les compétences régionales jusque-là exercées par le préfet.

La loi du 13 mai 1991 portant statut particulier de la collectivité territoriale de Corse a ensuite étendu les compétences de l'Assemblée de Corse autour de deux pôles importants : le développement économique, social et culturel, d'une part, la préservation de l'identité et de l'environnement, d'autre part.

Dans le cadre du processus de Matignon, les responsabilités de la collectivité ont encore évolué dans le sens d'un pouvoir de décision dépassant le cadre d'une simple gestion : c'est la loi du 22 janvier 2002. Les politiques régionales bénéficient de cadres de compétence plus cohérents, de pouvoirs élargis à l'adaptation des normes réglementaires et de ressources budgétaires renforcées. Surtout – on ne le rappelle pas assez –, le processus s'est accompagné d'un engagement financier massif de la part de l'État : 1,9 milliard d'euros sur quinze ans pour remettre à niveau les investissements et les infrastructures.

Au terme de ce processus, il appartient à la collectivité d'élaborer un plan d'aménagement et de développement, qui a vocation à être un document structurant en matière d'aménagement du territoire. Au printemps 2003, c'est-à-dire au lendemain de la parution du texte de 2002, le conseil exécutif émanant de l'Assemblée de Corse s'est engagé à élaborer un tel plan d'aménagement et de développement. La démarche a conduit à la mise en place de plusieurs groupes de travail thématiques, mobilisé des centaines de personnes et donné lieu à plusieurs débats devant l'Assemblée de Corse, afin de définir les politiques publiques de la collectivité dans certains domaines spécifiques.

Le projet arrêté par le conseil exécutif le 24 juillet 2008 a ensuite été soumis à l'Assemblée de Corse. Mal accueilli par l'opinion publique de l'île et suscitant un avis critique de la part du conseil économique, social et culturel, ce projet a malheureusement dû être retiré en séance, le 15 juin 2009, en raison de l'absence de majorité au sein de l'assemblée.

Il ressort des auditions auxquelles j'ai procédé que l'échec du projet résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Sur la forme, a été critiqué le choix de confier la rédaction du projet à un bureau d'études, qui a soumis un document ne reflétant pas assez, aux dires des participants, les opinions des élus de l'Assemblée de Corse et des acteurs du développement de l'île ; ceux-ci ont eu le sentiment d'être mis au pied du mur, de n'être pas suffisamment associés, malgré les consultations organisées et les groupes de travail mis en place.

D'un point de vue plus politique, cette longue phase de réflexion préliminaire n'a débouché qu'à la fin de la mandature de la collectivité territoriale, alors que le contexte préélectoral était sans doute moins favorable à la recherche d'un consensus.

Ce sont donc les dispositions du schéma d'aménagement de la Corse adoptées le 7 février 1992 par décret en Conseil d'État qui sont aujourd'hui toujours en vigueur, puisqu'il n'y a jamais eu de PADDUC à ce jour. Il n'est guère besoin de souligner que ces dispositions, vieilles de vingt ans, ne sont plus adaptées aux enjeux actuels de la protection de l'environnement et du développement de la Corse, surtout depuis l'adoption des lois Grenelle.

Des modifications au cadre législatif du PADDUC étaient donc nécessaires. Un avant-projet de loi a ainsi été soumis le 8 novembre 2010 par le Gouvernement à la consultation de l'Assemblée de Corse. C'était la chose à faire : le précédent document, à la suite de la loi de 2002, a certainement souffert de l'absence d'une telle consultation. Si un débat préliminaire avait eu lieu à l'Assemblée de Corse, si un vote d'orientation était intervenu, nous aurions pu, me semble-t-il, mieux calibrer le fond et la forme du document et peut-être aboutir. Mais on ne refait pas l'histoire.

L'Assemblée de Corse a rendu sur le présent projet de loi un avis à l'unanimité, dans une délibération du 17 décembre. Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis intègre pour l'essentiel ces modifications. Le Gouvernement a approuvé, après un passage au Conseil d'État, la quasi-totalité des amendements et recommandations de l'Assemblée de Corse ; c'est ce texte, mouliné par le Sénat, j'y reviendrai, qui nous est aujourd'hui présenté.

La PADDUC, document-cadre d'aménagement et de planification spatiale, est assimilable à une directive territoriale d'aménagement et de développement durable, à la différence notable qu'une DTADD est arrêtée par un décret en Conseil d'État alors que le plan est élaboré et approuvé par la collectivité territoriale de Corse. Ce caractère structurant confère donc au document une importance particulière, dans le contexte des difficultés rencontrées pour l'aménagement de la Corse, que ne connaissent pas les autres régions.

Ces difficultés ont trait aux spécificités de la géographie de l'île. Le territoire corse se caractérise par un littoral étendu, dont la longueur dépasse celle du littoral méditerranéen de France continentale : 1 000 kilomètres, contre 750 kilomètres. L'île a de surcroît un relief montagneux, qui plonge souvent directement dans la mer, ce qui ne laisse qu'une bande restreinte utilisable pour l'activité humaine. La Corse compte plus de deux cents sommets de plus de deux mille mètres. L'urbanisation y est peu dense, se concentrant dans les agglomérations d'Ajaccio et de Bastia.

Certaines communes ne comportent pas d'agglomération bien identifiée, mais un ensemble de hameaux éparpillés sur l'ensemble de leur territoire. Cet urbanisme traditionnellement diffus rend difficile l'application de la notion « d'urbanisation en continuité avec les agglomérations existantes ». Comment s'y prendre quand il n'y a pas d'agglomération ? Cela donne lieu à tout un débat sur la question de savoir à partir de combien de maisons il est permis de parler de hameau. La jurisprudence évoque trois maisons ; je vous laisse le soin, monsieur le ministre, d'examiner ces questions avec le Conseil d'État. L'un des enjeux, dans de telles conditions, est d'éviter le mitage du territoire en partant de l'existant.

Par ailleurs, comme vous l'avez évoqué, de nombreux espaces naturels font l'objet d'une protection spécifique : un parc naturel régional, six réserves naturelles marines.

En ce qui concerne notre travail en commission, une liste d'ambiguïtés a pu être dressée. Les documents d'aménagement, y compris les schémas d'aménagement régionaux et le schéma directeur de la région Île-de-France, tiennent compte des futurs plans de gestion du risque d'inondation et des dispositions relatives au plan d'aménagement et de développement. Le document doit donc obligatoirement y faire référence.

Le code de l'environnement institue des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, qui traitent notamment de la valorisation énergétique, en particulier, dans le domaine de l'énergie éolienne, et la collectivité territoriale est compétente pour élaborer le schéma propre à la Corse. Mais laisser au plan d'aménagement et de développement la seule compétence en matière de valorisation des ressources énergétiques prévue par la législation provoquerait une concurrence entre les deux documents, d'où une petite incertitude quant à la frontière de l'application des deux textes respectifs.

Il appartient naturellement aux élus corses eux-mêmes, et à eux seuls, de définir les voies et moyens du développement durable de l'Île de beauté. Le présent projet de loi n'a d'autre ambition que de les y aider, et c'est pourquoi je souhaite qu'il soit adopté.

La commission du développement durable et son rapporteur ont essayé de réfléchir à la lumière des difficultés rencontrées dans le passé pour l'adoption d'un tel plan, et de voir quels pièges il fallait éviter pour prévenir les contentieux. Ainsi, deux voies me paraissent potentiellement risquées.

La première tient aux échelles des cartographies, puisqu'il y aura une échelle généraliste du PADDUC à côté de zones stratégiques, avec quelques références, en particulier au SDRIF et aux cartes utilisées pour les opérations d'intérêt national sur le territoire d'Île-de-France.

La seconde difficulté sera, au moment de préciser pour la Corse les lois littoral et les lois sur la mer, de trouver les voies et moyens, en utilisant le document d'origine et peut-être les zones stratégiques, de concilier la promotion du développement et la protection de l'environnement.

Nous avons travaillé pour améliorer juridiquement le texte. Nos collègues le savent. Cependant, dans la mesure où nous n'avons pu avoir la garantie que la navette parlementaire nous permettrait d'être conformes dans un délai raisonnable, la commission, sur ma proposition, a décidé, dans un souci d'intérêt général, considérant qu'il vaut mieux un texte imparfait à pas de texte du tout, alors que, depuis vingt ans, nous pâtissons d'un régime qui n'est pas satisfaisant, de revenir au texte du Sénat. C'est donc, mes chers collègues, à un vote conforme que je vous invite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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