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Intervention de Philippe Richert

Réunion du 24 novembre 2011 à 9h30
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, le texte qui nous réunit ce matin peut paraître technique, mais il est en réalité déterminant pour l'avenir de la Corse, puisqu'il va servir de cadre à son futur plan d'aménagement et de développement durable, désigné communément par le nom de PADDUC.

La loi du 30 juillet 1982 donnait déjà compétence à la région Corse pour adopter un schéma d'aménagement, mais ce régime était encore fortement encadré par l'État. C'est la loi du 22 janvier 2002, issue des accords de Matignon, qui a institué le plan d'aménagement et de développement durable de Corse en tant que document unique d'aménagement, dont la collectivité territoriale a dorénavant la pleine responsabilité. C'est en effet à son conseil exécutif qu'il revient de l'élaborer et à son assemblée de l'approuver. Il n'est plus prévu de validation par l'État.

Le PADDUC est un cas unique puisque les autres documents comparables relèvent d'une approbation par l'État, qu'il s'agisse du schéma directeur de la région Île-de-France ou des schémas d'aménagement des régions d'outre-mer.

Le présent projet de loi ne revient en rien sur cette compétence décentralisée. Son objet est au contraire de faciliter l'adoption du futur plan. En raison, en effet, des difficultés techniques et politiques liées à l'importance même du document, le PADDUC, préparé en juin 2009 à l'issue d'un long et lourd travail, n'a pas pu réunir de majorité. C'est encore aujourd'hui le schéma d'aménagement élaboré par l'État et approuvé par décret du 7 février 1992 qui est en vigueur. Près de vingt ans plus tard, il est bien évidemment dépassé. Or, plus que jamais la Corse a besoin pour avancer d'adopter son plan d'aménagement qui, seul, permettra de tracer des orientations claires pour son avenir.

Le Président de la République avait insisté sur ce point le 2 février 2010, lors de son déplacement à Ajaccio : la Corse doit pouvoir se doter du PADDUC, même si l'exercice est difficile. Pour cela, il avait annoncé un projet de loi facilitant l'adoption du plan, et y intégrant logiquement les prescriptions du Grenelle de l'environnement. C'est l'objet du texte qui vous a été transmis après examen par le Sénat le 18 octobre dernier. Ce texte sert de cadre général au PADDUC mais ne préjuge en rien des choix de développement, qui n'appartiennent qu'aux élus de l'île.

L'Assemblée de Corse a d'ailleurs été dûment consultée sur ce projet de loi, comme le statut du 22 janvier 2002 l'exige, et elle a rendu un avis unanime sur un projet qu'elle a amendé.

Au plan strictement juridique, il est vrai que le Gouvernement n'était pas lié par cet avis. Toutefois, il est évident qu'il a voulu en tenir le plus grand compte, parce que l'unanimité de l'Assemblée de Corse est naturellement un élément très important par principe, mais aussi parce que le futur plan d'aménagement devra se construire sur le consensus le plus large possible.

Le Gouvernement a donc délibérément retenu, chaque fois que c'était possible, les propositions de l'Assemblée de Corse, j'aurai l'occasion d'y revenir dans le détail.

Le projet de loi qui vous est soumis poursuit trois objectifs : clarifier le contenu du plan, notamment pour intégrer les apports du Grenelle de l'environnement ; renforcer son effectivité, comme l'a demandé l'Assemblée de Corse ; améliorer la procédure afin de lui donner toutes les chances d'arriver à son terme.

Afin de clarifier le contenu de ce qui sera un document très complexe, il est proposé que la loi donne une vision exhaustive de la vocation du PADDUC et du contenu qui doit être le sien, notamment par rapport au Grenelle de l'environnement. Dans ses amendements, l'Assemblée de Corse a adhéré à cette démarche et a clairement marqué qu'elle entendait que le futur plan s'inscrive pleinement dans l'esprit du Grenelle.

Le PADDUC sera ainsi compatible avec les plans de gestion des risques d'inondation, mais il vaudra aussi schéma régional de cohérence écologique, en précisant le contenu qui s'y attache. De même, le texte prévoit que le PADDUC, conformément à la loi de 2002, vaudra schéma régional des infrastructures et des transports, et il définit les obligations de contenu qui en résultent. Enfin, le projet de loi rappelle, conformément également à la loi de 2002, que le plan vaudra aussi schéma de mise en valeur de la mer.

Le deuxième apport principal du texte est la place qu'il donne au PADDUC dans la hiérarchie des règles d'urbanisme.

Enfin, et c'est essentiel, le projet de loi précise la place du PADDUC dans la hiérarchie des normes d'urbanisme. La principale innovation proposée par l'Assemblée de Corse, que nous avons reprise dans ce projet de loi, est que le PADDUC pourra, dans certains cas qui seront encadrés, s'imposer aux décisions individuelles d'urbanisme. Nous avons veillé strictement à ce que cette opposabilité respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d'une collectivité sur une autre. Nous rappelons la nécessité de respecter ces principes dans le corps même du texte, s'agissant de l'échelle de la cartographie générale du PADDUC, et nous préservons expressément la valeur des documents locaux d'urbanisme adoptés ou en cours d'adoption, qui continueront d'être opposables aux décisions individuelles.

Je précise enfin que le projet de loi ne modifie en rien l'articulation du PADDUC avec les lois montagne et littoral telle qu'elle a été définie par le législateur de 2002.

Le texte reprend strictement les termes de la loi du 22 janvier 2002, selon lesquels le PADDUC peut préciser les modalités d'application de ces deux lois. Votre commission a souhaité aller encore plus loin en supprimant le mot adaptation, pour éviter que l'on puisse penser à des assouplissements indus des lois montagne et littoral, et le Gouvernement y est favorable. Il est normal que le futur plan ait à préciser, dans certaines situations géographiques, la façon dont s'articulent ces deux textes, puisque de nombreuses communes de Corse sont soumises à ces deux textes à la fois, mais la loi littoral et la loi montagne resteront strictement applicables à la Corse, comme le Gouvernement s'y est engagé à plusieurs reprises.

Enfin le projet de loi modernise la procédure d'élaboration, d'adoption et de suivi.

Il introduit, à la demande du Gouvernement, un débat d'orientation préalable à l'élaboration du projet par l'exécutif. Sur des sujets aussi essentiels, il faut en effet dégager un premier consensus sur des objectifs avant de se lancer dans la somme de travaux d'élaboration du plan.

Le projet de loi maintient l'obligation d'évaluation qui doit être faite des résultats du PADDUC, et il innove en créant, à la demande de l'Assemblée de Corse, une évaluation en continu, dont l'Assemblée fixera elle-même les modalités. Enfin, il crée une procédure de modification qui permettra, si besoin est, d'apporter des changements mineurs selon une procédure simplifiée.

Tels sont les apports du texte qui vous est proposé. Le Gouvernement est très attaché à ce texte, car il va enfin permettre à la Corse de faire des choix d'avenir. Nous savons tous que la Corse possède un patrimoine naturel magnifique, unique dirai-je même. Le pire serait de le laisser se dégrader ou s'amoindrir, faute de décision L'objet du PADDUC sera d'ouvrir des possibilités d'aménagements, de projets, mais en protégeant tout ce qui doit l'être.

Lors de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le chef de l'État a voulu montrer à quel point l'expression de développement durable s'appliquait admirablement à la Corse. Cela signifie qu'il ne peut pas être question de brader son environnement, mais aussi que l'écologie doit même y devenir un moteur de la croissance.

Le Président de la République rappelait l'implication, présente et à venir, de l'État dans le projet d'approvisionnement de la Corse en gaz naturel, mais aussi dans le programme exceptionnel d'investissement concentré depuis l'an dernier sur les opérations d'assainissement et d'eau potable. L'État s'engage également dans la constitution prochaine d'un établissement public foncier, afin de lutter contre la spéculation immobilière. Il aide les agriculteurs à rechercher de plus en plus la qualité, crée l'Etablissement du parc marin de Bonifacio, aide la filière touristique à allonger et professionnaliser les saisons.

Toutes ces initiatives sont porteuses de croissance, d'emploi et de protection de l'environnement, et l'État continuera d'accompagner la Corse dans toutes ces démarches, qui ouvrent la voie à bien d'autres encore, car le développement durable recèle d'innombrables possibilités et permettra d'apporter un équilibre à une économie encore fragile ; mais, pour les choix d'aménagement et la protection de l'environnement, c'est la collectivité de Corse qui va prendre ses responsabilités. Je le dis devant les quatre députés de Corses ici présents, l'adoption du futur PADDUC sera une épreuve de vérité indispensable. Il faudra surmonter les clivages politiques si l'on veut offrir un avenir apaisé à une population qui le mérite tellement.

La discussion et le vote de ce projet ont donc une grande d'importance, comme je le disais en introduction de mon propos. Je vous remercie de faire en sorte qu'ensemble nous puissions aboutir ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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