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Intervention de Alain Levionnois

Réunion du 18 octobre 2011 à 10h30
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Alain Levionnois, président de la CRC Picardie :

L'expression « renégociation d'emprunt » prête à confusion. Elle est souvent comprise de travers, faisant croire qu'il est possible d'alléger la charge d'un emprunt, alors qu'il s'agit d'un reprofilage, d'un agencement différent d'une dette qui reste la même. Le premier rapport public particulier de la Cour des comptes avait attiré l'attention sur ce point dès 1991, et ces phénomènes y sont très bien expliqués. En pratique, l'emploi de ce terme par les professionnels devrait être banni. Et si cela avait un sens, on pourrait même souhaiter qu'il soit interdit par la loi.

L'affaire Dexia est un sujet grave, qui conduit à s'interroger sur le coût de la ressource financière pour les collectivités à l'avenir, car on peut s'attendre à ce que les taux s'élèvent à l'avenir. Les marges bancaires ont déjà augmenté. De plus, le coût des ressources bancaires est majoré par le taux des CDS qu'elles doivent acheter pour garantir leurs prêteurs. Le marché interbancaire est aujourd'hui très dégradé. En outre, la mise en oeuvre des dispositions sur les ratios de liquidité de l'accord de Bâle III va contribuer à majorer le coût du crédit. La dette des collectivités s'est à nouveau mise à augmenter, son coût va se renchérir.

On peut certes allonger les durées de remboursement, mais on ne peut penser que l'on fera des économies. L'idée de caper les taux par la loi se heurte peut-être à un problème de constitutionnalité ; il faudrait l'étudier ; cela aurait en tout cas des conséquences importantes sur le marché financier, qui ne le supporterait sans doute pas.

Les contrats de prêts des collectivités ne sont pas des contrats relevant du droit administratif, domaine dans lequel l'autorité publique peut, lorsqu'un motif d'intérêt général le justifie, résilier unilatéralement le contrat sous réserve de dédommagements. Si l'on s'inspirait de cette idée pour encadrer les conditions de l'offre de prêt, dans le cadre du droit privé, l'opération serait déséquilibrée, ce qui découragerait les banques de prêter, ou bien elles se prémuniraient en facturant leur manque à gagner éventuel d'une autre manière. On ne voit pas là de solution, c'est pourquoi la règle de la provision présente des avantages.

La règle d'or de l'équilibre budgétaire des collectivités présente un inconvénient : elle joue sur une année mais n'intègre pas de pluri annualité. Or l'emprunt est une recette nette qui équilibre le budget de l'année mais c'est aussi une dépense future. Cette présentation masque la réalité des budgets futurs, qui présenteront des dépenses alourdies de frais financiers. Un emprunt d'une durée de quarante ans a des conséquences sur les comptes jusqu'en 2050 ! Le système de la provision, que la Cour a préconisé déjà trois fois, remédierait à cette faiblesse de la loi relative à la présentation des comptes des collectivités. Nous sommes conscients du fait que le principe du provisionnement obligatoire (réglementé) a soulevé des réticences. Par exemple, une première version de la réglementation M 14, apparue en 1996, prévoyait une provision pour différé d'amortissement applicable aux emprunts obligataires. Ce système a été abandonné en 2006 ; toutes les provisions réglementées ont été supprimées, et il ne reste plus que des provisions pour risques et charges. Il nous paraît utile de prévoir un complément au système actuel pour améliorer la fiabilité et la sincérité des comptes.

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