Il existe énormément de pistes permettant de mettre en cause la responsabilité des établissements financiers qui ont commis des fautes. En amont, on trouve la plus simple : l'obligation d'information, particulièrement marquée pour le milieu bancaire, qui propose des produits autrement plus compliqués à évaluer que ne l'est une nouvelle voiture. En matière financière, les produits les plus simples – les prêts à taux fixes – sont déjà d'une appréhension complexe ; les choses deviennent extraordinairement compliquées, sinon pratiquement impossibles à comprendre, quand l'emprunt structuré est fondé sur un taux d'intérêt qui peut varier d'année en année en fonction de la parité entre l'euro et le franc suisse. L'obligation d'information a sa traduction dans le code civil et dans le code monétaire et financier ; quelles sont alors les voies de justice propres à contraindre les banques, à défaut d'avoir pu négocier avec elles, à en rabattre sur ce qu'elles pourraient exiger pour que nous débouclions le contrat, c'est-à-dire la fameuse valeur de marché qui représente des sommes parfois astronomiques ? La première voie judiciaire consiste à essayer d'épingler les établissements financiers sur le manquement à leur obligation d'information, définie par des textes précis accessibles à tout lecteur, même non juriste : tout établissement financier est tenu d'exécuter les contrats « de bonne foi », c'est-à-dire de manière loyale, professionnelle et transparente, et de communiquer des informations dont le contenu ne soit pas trompeur. À cet égard, il y a lieu de se demander, comme le fait votre rapporteur, s'il est bien transparent et loyal d'intituler « Tofix » un contrat de prêt à taux structuré. Cela peut déjà caractériser un manquement à une obligation d'information de base : on ne qualifie pas de « fixe » un produit spéculatif dont le taux d'intérêt est erratique !
De l'examen de nombreux contrats souscrits par des collectivités territoriales et de l'analyse de centaines de lignes de swaps, il ressort qu'une interprétation visiblement faussée a été faite de la circulaire du 15 septembre 1992, selon laquelle les collectivités territoriales peuvent souscrire des produits de couverture, la souscription de produits spéculatifs leur étant interdite. Or certains établissements prêteurs, au lieu de rappeler la difficulté qui pouvait se présenter de ce fait, ont déclaré ou fait déclarer dans la documentation commerciale, dans les pré-confirmations et dans les actes d'emprunt que les collectivités savaient que le produit considéré était conforme aux objectifs de couverture visés par la circulaire. Est-ce là une information loyale et transparente ?
Enfin, pour tous ceux dont le rôle est d'essayer d'obtenir l'annulation ou la résiliation des contrats litigieux, la marge cachée est une question centrale car on est au coeur de l'information que le banquier doit donner à son client. Le code monétaire et financier dispose que le banquier doit prendre toutes dispositions pour empêcher qu'un conflit d'intérêts ne porte atteinte aux intérêts de leurs clients ; il lui interdit en particulier de réaliser un gain au détriment de son client. Or, que disent les experts financiers des produits structurés à ce sujet ? En termes simples – ce qui n'est pas toujours le cas… – que la marge réalisée par la banque est d'autant plus élevée que le risque pris par le client est important ! Il y a là un réel conflit d'intérêts. Je ne dis pas que ces types de contrats auraient dû être proscrits, mais que les banques, avant de les faire souscrire, auraient dû expliquer à leur client que le mécanisme proposé – une période de prêt bonifié suivie d'une période, beaucoup plus longue, de prêt erratique – a un coût mais aussi un prix, celui que la banque encaisse. Cela n'a pas été dit.
On voit qu'en amont de la question du conseil au client se pose celle du droit à une information honnête et loyale.