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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 22 novembre 2011 à 21h30
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

Or cette lettre de l'Académie de médecine – je parle du numéro de novembre 2011 – bénéficie toujours du soutien du groupe de recherche Servier ! Ce n'est pas normal !

Vous avez raison, monsieur le ministre, lorsque vous dites qu'au-delà de la réforme des structures et de l'évolution des systèmes de fonctionnement, il reste à gagner la bataille culturelle.

Je vous suis aussi, lorsque vous dites qu'il faudra obtenir que la réforme suive au niveau européen. De plus en plus de procédures pour l'autorisation de mise sur le marché ou de procédures de vigilance seront centralisées.

À cet égard, je voudrais citer le cas de l'Actos. Je veux, sur ce point, rendre hommage à l'action de l'AFSSAPS. Au mois de mai dernier, l'Agence a lancé un signal d'alerte aux praticiens, concernant le surrisque d'apparition de cancers de la vessie chez les diabétiques traités par l'Actos.

Ce médicament a été mis sur le marché en 2000 et il fait partie de la famille des glytazones. C'est la même famille que l'Avandia, qui a été retiré l'été dernier, en raison d'un surrisque d'accident cardiovasculaire. Une étude canadienne montrait d'ailleurs qu'il y avait autant de surrisque pour l'Actos que pour l'Avandia en matière cardiovasculaire.

Mais pour l'Actos, avant la mise sur le marché, au cours d'essais précliniques sur le rat, il avait déjà été noté qu'apparaissaient des cancers de la vessie. Les deux rapporteurs de la commission d'autorisation de mise sur le marché avaient signalé ce fait et demandé que ce risque soit mieux documenté. Le produit a été mis sur le marché, mais il a fallu attendre 2005 pour que l'Agence européenne demande une étude dite « PROACTIVE » qui n'a pas montré d'indice de surrisque particulier en ce qui concerne le cancer de la vessie. Il en a été ainsi jusqu'à ce que soit lancé, en 2009, un signal d'alerte, débouchant, au mois de mai dernier, sur l'alerte très sévère donnée par l'AFSSAPS.

C'est une publication dans le Lancet de deux centres régionaux de pharmacovigilance, dont celui de Toulouse, qui, en accédant enfin – parce qu'ils n'avaient pas pu le faire avant – aux données cliniques de l'étude PROACTIVE, ont montré que les résultats étaient biaisés. Ce qui avait été considéré comme étant non significatif provenait d'une confusion entre tumeur bénigne et tumeur maligne, et l'on avait ainsi évité de faire apparaître le surrisque de cancer de la vessie dès 2005. Autrement dit, l'alerte faite en mai 2011 par l'AFSSAPS aurait pu l'être en 2005. Dans ce cas, combien de cancers auraient pu être évités ?

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il faut que l'Union européenne suive la décision française de retrait de ce produit. Il serait opportun que vous demandiez, auprès de l'Union européenne, que l'enquête en cours du corps d'inspection européen – l'OLAF – soit élargie aux conditions de mise sur le marché de l'Actos.

Enfin, un autre point me semble manquer cruellement dans le texte : la mise en place d'un fonds d'indemnisation spécifique de réparation pour les victimes du Mediator montre bien que ce drame sanitaire pose aussi le problème de l'indemnisation.

M. le rapporteur a repris les termes employés par M. le garde des sceaux indiquant que l'action de groupe ne paraissait pas constituer un dispositif adapté à la situation des victimes de drames sanitaires. Le rapporteur a même dit qu'il fallait engager la concertation, consulter les associations, mais c'était une fin de non recevoir.

Nous avons reçu les associations à l'Assemblée nationale au cours de la mission d'information sur le Mediator. L'UFC Que Choisir, par exemple, nous a fait des propositions concrètes, issues d'une longue réflexion sur les actions de groupe dans le domaine sanitaire.

J'ai également sous les yeux une tribune cosignée par le secrétaire général de la FNATH, par des présidents d'association, par l'association Amalyste, le réseau DES France et les Filles du Distilbène. Il y est indiqué : « Toutes ces victimes doivent supporter, à leurs frais, et dans le silence des médias, des années de procédure individuelle, d'expertises et de contre-expertises pour espérer obtenir enfin une reconnaissance de responsabilité et une réparation de leur préjudice, n'ayant pas d'autre choix. Au bout du chemin, certaines découvrent que, parce que le risque était signalé dans la notice, elles n'ont aucun recours légal et se voient déboutées. »

Lorsque l'on parle de mettre en place des actions de groupe, il ne s'agit pas de traiter les cas individuels par l'action d'une association, mais de traiter la première étape, c'est-à-dire la reconnaissance du lien de causalité. Et lorsque le lien entre la pathologie et la prise d'une substance est clairement établi par la pharmacovigilance, en fonction de la gravité de l'atteinte, on fixe les règles d'indemnisation. Il ne me semble y avoir là aucune raison pour refuser a priori la mise en place d'actions de groupe menées par des associations représentatives de patients dans le domaine sanitaire.

J'évoquerai maintenant le problème de l'aléa thérapeutique diffus.

Lorsqu'un médicament a un bon rapport bénéfice-risque, il y a des effets indésirables qui, parfois, sont graves. Et parce qu'ils sont indiqués dans la notice, la victime n'aura droit ni à indemnisation ni à réparation.

Une telle possibilité existe dans le domaine automobile depuis la loi Badinter, mais pas dans le domaine sanitaire. Il faut améliorer la loi Kouchner car je regrette que la question du renversement de la preuve n'y soit pas évoquée et que l'implication d'un produit dans un effet indésirable, même s'il est indiqué sur la notice, ne puisse pas être reconnue devant la justice.

J'ai apporté ici le petit livre vert de M. Jean-Pierre Door et de la mission d'information sur le Mediator, où sont clairement indiquées les propositions 53 et 54. La première vise à « privilégier à l'avenir la notion d'implication plutôt que celle de causalité dans l'indemnisation des victimes des accidents médicamenteux ». La seconde tend à « mettre en place une présomption de causalité lorsqu'un risque grave est mentionné sur la notice d'un médicament et qu'il se réalise ».

Enfin, cher Jean-Pierre Door, vous avez aussi inscrit, à ma demande, dans la proposition 52, qu'il fallait envisager « l'octroi aux associations représentatives de patients de la possibilité de demander en justice réparation au nom de leurs mandants ».

Monsieur le rapporteur, la question de l'indemnisation fait donc partie intégrante du débat qui nous réunit ce soir. Au-delà des avancées réalisées, il faudra sans doute à nouveau améliorer ce texte. M. le ministre a d'ailleurs ouvert la porte à ces améliorations futures. Car s'il peut y avoir, à certains égards, dans le fonctionnement des structures, dans la transparence de la gestion des liens d'intérêts, des avancées importantes dans ce projet de loi, il n'y aura toujours pas pour les victimes, en matière d'indemnisation, un après-Mediator. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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