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Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 22 novembre 2011 à 21h30
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Nouvelle lecture d'un projet de loi

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

Il ne faut pas confondre conflit d'intérêts et lien d'intérêts. C'est votre pouvoir d'appréciation qui, à mon avis, doit s'exercer lors des auditions. C'est à ce moment que vous pouvez poser toutes les questions, que vous pouvez vous forger votre opinion et décider si, oui ou non, les antécédents de votre interlocuteur l'empêchent d'assumer la fonction, ou pas.

Il est important que les parlementaires conservent ce pouvoir d'appréciation pour ne pas s'interdire de nommer une personne compétente en raison des postes qu'elle aura occupés précédemment. Une personne sans expérience, est-ce forcément un atout ?

Si la situation n'est pas suffisamment claire, la nomination ne sera pas validée.

À l'article 2, la commission a supprimé l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages, qui les aurait privés de la possibilité de participer à certains colloques ou réunions scientifiques.

Je le rappelle, toutes ces conventions, comme pour toutes les parties prenantes intervenant dans ce domaine, seront publiques. Il s'agit aussi d'un traitement équitable entre les étudiants et les professionnels de santé en exercice. En revanche, la commission a maintenu l'obligation, introduite par le Sénat, de publier les conventions signées entre les entreprises et les organismes de formation.

À l'article 4, comme à de nombreux autres articles du texte, la commission a rétabli le nom de la nouvelle agence : Agence nationale de sécurité du médicament, ANSM. Oh, je sais bien que ce n'est pas le changement de nom qui fait la réforme, mais il la symbolise. Le nom d'AFSSAPS était tellement lié au dossier du Mediator qu'un nouveau nom était nécessaire, mais cette décision ne constitue pas l'alpha et l'oméga de la réforme, loin de là. Si nous voulons renforcer la vocation de l'agence en matière de police du médicament, il est naturel de parler désormais d'Agence nationale de sécurité du médicament. Je sais pouvoir compter en la matière sur le soutien de Philippe Vitel.

Un autre point particulièrement gênant dans la version issue du Sénat à l'article 5 est l'interdiction, pour les associations de patients qui reçoivent des subventions ou avantages des entreprises pharmaceutiques, de siéger au conseil d'administration de l'agence. L'adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations.

Alors que l'information et la transparence constituent le point de départ de la confiance, il s'agissait là tout simplement d'un recul en termes de démocratie sanitaire. Je sais bien que ce n'est pas parce que les associations siégeront au conseil d'administration que la démocratie sanitaire sera achevée. Il faudra de nouveaux développements, dans un nouveau texte, mais il était inacceptable en tout cas de les en exclure. Je salue la sagesse de votre commission, qui a supprimé cette mesure.

S'agissant des autorisations temporaires d'utilisation – les ATU –, je crois sincèrement que le durcissement de leur régime, issu des débats au Sénat, aurait immanquablement pénalisé les patients ayant besoin d'un traitement de longue durée. Votre commission a ainsi permis de conserver un juste équilibre entre la sécurité des patients et l'accès aux progrès thérapeutiques, grâce à la rédaction adoptée à l'article 15.

Sur ce sujet, les associations en charge de patients souffrant de maladies rares tiennent à ce que l'accès aux soins ne recule pas. J'y tiens tout autant que vous.

Sur des sujets tels que le régime de responsabilité, la charge de la preuve, ou bien encore les actions de groupe, vous conviendrez que des réformes d'une telle ampleur ne peuvent être menées au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, ni aucune étude d'impact.

Je sais que ce point nous opposera, notamment avec Mme Lemorton. Je respecte votre position, madame, mais convenez que, pour le seul cas du Mediator, aucune action de groupe n'aurait pu être entreprise aussi rapidement que la mise en place, par votre assemblée, à l'unanimité, d'un fonds Mediator.

Sur la question de la publicité en matière de vaccins, il ne s'agit pas de laisser les entreprises pharmaceutiques seules maîtresses à bord. Je le rappelle, la publicité auprès du grand public pour les vaccins est déjà strictement encadrée par un contrôle a priori de l'ANSM. Grâce à ce projet de loi, l'article 18 permet au Haut conseil de santé publique de définir la liste des vaccins pour lesquels une campagne publicitaire pourrait être envisagée. Eu égard notamment aux impératifs de prévention, ce régime d'autorisation encadrée apparaît plus sage que l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat.

J'en viens au sujet de l'expérimentation d'une visite médicale collective à l'hôpital. Je croyais qu'il fallait avancer sur ce sujet ! Or certains ont voulu que la visite médicale disparaisse purement et simplement – je vous renvoie au rapport de l'IGAS. Au début d'ailleurs, n'ayons pas la mémoire courte, beaucoup se rangeaient à cette analyse.

Je pense pour ma part que la visite médicale, telle que nous l'avons connue, a vécu et mérite d'être réformée en profondeur. C'est une question de confiance. En vérité, je me demande parfois si je ne suis pas le seul à le penser encore. Je vous le dis comme je le pense. Nous ne pouvons pas nous contenter de réforme cosmétique en la matière et ce ne sont pas les visiteurs médicaux qui sont en cause. Ils ont appliqué les consignes qui leur ont été données par les laboratoires pharmaceutiques – je le sais, mais qui peut me dire aujourd'hui que vous avez toutes les garanties sur la façon dont les firmes continueront à donner des consignes ? Voilà pourquoi je souhaite que la formation et l'information dispensés aux visiteurs médicaux, que la formation et l'information dispensés par les visiteurs médicaux, soient encadrés a priori. Je pense malheureusement que cela ne suffit pas : il faut aller plus loin et revoir les conditions de la visite médicale.

J'avais fait une proposition à l'article 19, qui a été largement amendée, que ce soit ici, à l'Assemblée Nationale, ou au Sénat, à droite comme à gauche. Il faut avancer et j'ai dit à Guy Lefrand, lorsque son amendement a été adopté, que je n'étais pas d'accord avec ce que je considérais comme un recul par rapport à l'esprit de la loi et à l'article de loi. Je me souviens très bien de l'argumentation développée mais je ne la partage pas car, d'expérience, je sais que nous avons, sur ce texte, réuni les conditions pour restaurer la confiance : nous n'avons pas pris de demi-mesure, nous avons vraiment réformé le système, et nous avons osé bousculer les habitudes.

Au final, le nouveau dispositif sur la visite médicale ne me satisfait pas et je ne pourrai pas rendre un avis favorable. Je le répète, je ne veux pas stigmatiser une profession, mais exclure les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière du champ d'application, c'est-à-dire des médicaments complexes et coûteux qui représentent la très grande majorité si ce n'est la quasi-totalité des visites médicales réalisées à l'hôpital, revient à vider de son sens l'expérimentation de la visite médicale collective, pour des produits qui nécessitent en général une prescription dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaires.

Je sais que ce changement sera difficile à organiser, surtout au sein des hôpitaux locaux de petite taille où, en présence d'un médecin et d'un pharmacien, on peut parler de visite collective.

On peut faire preuve de souplesse sur le terrain mais ne transigeons pas avec ce principe : la visite médicale doit évoluer en profondeur. 30 à 40 % des visites médicales à l'hôpital sont des visites collectives – on peut d'ailleurs employer l'adjectif « collectif » à partir de deux professionnels de santé.

Vous le voyez, c'est une réforme d'ampleur. J'ai défendu ce texte avec conviction, vous aussi, et je remercie celles et ceux qui se sont engagés sur ce sujet. Ce texte porte aussi une valeur : la confiance. Nous en avons besoin dans le domaine du médicament.

Nous sommes, avec Nora Berra, particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre effective, voilà pourquoi, je le répète à nouveau devant vous, je souhaite que l'on puisse évaluer précisément, d'ici trois ans au plus tard, cette réforme, l'application des textes règlementaires et législatifs, pour vérifier que l'esprit de cette loi, qui a dépassé les clivages partisans, se retrouve dans la société française et dans les nouvelles habitudes des acteurs de santé que sont les prescripteurs, ainsi que dans les usages.

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