Chers collègues, nos projets de recommandations vous ont été transmis lundi dernier, et sont distribués sur table. Ils figurent au début du projet de rapport qui vous a également été distribué, immédiatement après la synthèse du rapport. Ces recommandations sont peu nombreuses, mais ont fait l'objet d'une discussion approfondie au sein de notre petit groupe de travail, que nous remercions de son apport très constructif. Nous avons envisagé diverses orientations de court et de plus long terme, traduisant selon les cas des ambitions modestes ou plus élevées.
La discussion budgétaire, et en particulier la commission élargie qui a examiné le budget de l'enseignement scolaire, a donné lieu à un premier échange avec le ministre de l'Éducation nationale. Celui-ci a indiqué qu'un effort allait être fait à court terme notamment pour améliorer les niveaux de rémunération des jeunes médecins scolaires en début de grille. C'est un effort louable, que nous soutenons et qui doit aboutir rapidement. Cependant, cela ne suffira manifestement pas à régler l'ensemble des problèmes actuels de la médecine scolaire, notamment celui du défi démographique. C'est pourquoi nous avons envisagé des orientations plus ambitieuses et de plus long terme.
Avant d'en venir aux recommandations que nous formulons en tant que rapporteurs, Gérard Gaudron et moi-même tenons à souligner qu'un sujet recouvre tous les autres : la place de la santé à l'école.
Plus que jamais, la santé a sa place à l'école. La disparition des maladies transmissibles qui furent à l'origine de la médecine scolaire n'a pas privé celle-ci de raisons d'être. La santé est certes un élément déterminant de la réussite scolaire pour les élèves : l'école a aujourd'hui la mission de dépister les problèmes de santé susceptibles d'entraver la scolarité des élèves et de faciliter l'insertion en son sein des enfants qui souffrent d'une maladie ou d'un handicap. Mais ce n'est pas tout : la mission de l'école à l'égard des élèves intègre dans son volet éducatif l'objectif de développer le sens des responsabilités et les compétences des enfants au travers de l'éducation à la santé. Enfin, en tant qu'institution publique, l'école est devenue un acteur à part entière des politiques de santé menées par l'État en direction des enfants scolarisés. Elle ne peut cependant aujourd'hui assumer ce rôle qu'en développant des liens avec les autres acteurs de prévention et en trouvant sa place au sein d'une prévention organisée autour de l'enfant.
Les personnels de santé scolaire sont des acteurs indispensables à la réalisation de ces missions, et nous avons la conviction que c'est au sein des services de l'État que la médecine scolaire sera le plus à même de relever de tels défis.
La médecine scolaire doit cependant mieux se positionner au sein du système de la prévention sanitaire et avoir la capacité de se faire reconnaître parmi les acteurs de prévention comme un partenaire actif, disposant d'une capacité à mobiliser des moyens propres autour d'objectifs communs clairement identifiés.
Pour cela, il faut que la médecine scolaire soit pourvue d'une certaine autonomie dans la gestion des moyens dont elle dispose, ce qui n'est actuellement pas le cas. Il convient également que ses structures de direction soient dotées des instruments nécessaires à un vrai pilotage, c'est-à-dire de véritables capacités d'analyse des besoins sanitaires et d'évaluation des actions engagées, et pas seulement des instruments de gestion administrative.
Cette réflexion sur le système sanitaire français et le positionnement de la médecine scolaire nous apparaît comme préalable à une redéfinition des missions de la santé scolaire, que nombre de ses personnels appellent de leurs voeux face à l'empilement des tâches qui les submergent. Si nous considérons au terme de cette mission que nous n'avons pas forcément les compétences médicales nécessaires pour savoir s'il convient d'abandonner une mission plutôt qu'une autre, nous sommes convaincus qu'une solution satisfaisante ne pourra apparaître que dans un cadre plus large intégrant l'action coordonnée de l'ensemble des acteurs de la prévention sanitaire, et pas seulement la médecine scolaire.
Les solutions à la crise actuelle sont donc à rechercher dans le cadre d'une politique globale de renforcement de la prévention autour de l'enfant, qui se développerait selon plusieurs axes complémentaires. Il faut tout d'abord créer une instance nationale interministérielle chargée de définir les axes d'une politique de santé et de prévention des risques sanitaires en faveur des enfants. Nos investigations et celles de la Cour des comptes font clairement apparaître que notre système de santé souffre de l'absence d'un organe d'expertise capable d'organiser une vision globale de cette politique de santé et qui soit chargé de conseiller le Parlement et le Gouvernement sur la situation sanitaire des enfants et des adolescents, ainsi que sur la répartition des rôles entre les acteurs de cette politique. Nous préconisons de confier ce rôle à une instance spécifique au sein du Haut conseil de la santé publique, dont c'est la vocation.
Il est en second lieu nécessaire de réaffirmer la place essentielle que la santé des élèves doit avoir pour l'institution scolaire, mais aussi de clarifier le contenu de la mission de promotion de la santé confiée à l'école. L'appui que la médecine scolaire apporte à la politique éducative conduite par l'Éducation nationale ne doit pas occulter la permanence d'enjeux sanitaires au sein de la population scolaire, ni les enjeux spécifiques de l'éducation à la santé. Cela implique non seulement une adaptation des modalités du suivi budgétaire actuellement réalisé par le Parlement, mais aussi que le législateur indique plus précisément qu'il ne l'a fait jusqu'à présent les missions de l'école dans ce domaine.
Il convient par ailleurs de revoir en profondeur le pilotage ministériel de la médecine scolaire en créant des organes de pilotage disposant d'une certaine autonomie de gestion au niveau tant national que rectoral, afin que les objectifs nationaux ou régionaux de santé publique soient mieux pris en compte par le ministère de l'Éducation nationale et que la médecine scolaire puisse devenir un acteur à part entière d'un système de prévention sanitaire coordonné autour de l'enfant.
Il va cependant de soi que ce but ne pourra véritablement être atteint que si les agences régionales de santé (ARS) intègrent dans les politiques régionales de santé l'objectif d'installer un système de prévention coordonné autour de l'enfant et de l'adolescent, articulé autour de financements spécifiques et d'une capacité opérationnelle pour l'élaboration de diagnostics territoriaux et l'évaluation des actions sanitaires, ce qui n'existe pas actuellement. Pour clarifier nos propositions, et même si l'organisation de l'administration est une question de nature réglementaire, nous avons souhaité qu'un projet d'organigramme cible figure en annexe au projet de rapport.
Enfin, face aux défis que représente l'évolution de la démographie médicale pour le recrutement de médecins de prévention dans la fonction publique, et en particulier pour la médecine scolaire, nous préconisons une approche commune à tous les corps médicaux concernés, dans le but d'améliorer l'attractivité de ces métiers par un statut rénové dans un cadre interministériel commun, de faciliter la mobilité et les perspectives professionnelles de ces médecins de prévention et de permettre la délivrance d'une formation initiale et continue, organisée autour d'un socle commun.
En conclusion, idée généreuse autant que républicaine, la médecine scolaire a traversé plusieurs crises depuis sa fondation en 1945, conduisant à s'interroger sur le sens de ses nombreuses missions et sur les attentes de la société à son égard. Les temps ont changé depuis l'immédiat après-guerre et l'état sanitaire de la population, et en particulier celui des jeunes, s'est bien amélioré. La médecine scolaire – notre médecine scolaire, faudrait-il dire – est aujourd'hui à nouveau à la croisée des chemins. Instrument indispensable à la réalisation de plusieurs politiques publiques majeures en milieu scolaire, mais néanmoins soumise à une très forte pression démographique, elle ne pourra continuer d'accomplir ses missions sans une action énergique des pouvoirs publics pour assurer sa pérennité et lui donner une nouvelle capacité d'adaptation face aux enjeux actuels de la santé publique.
Pour conclure, le titre que nous proposons pour le rapport est le suivant : « Une médecine scolaire renforcée et rénovée au service de l'enfant ».