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Intervention de Gérard Gaudron

Réunion du 17 novembre 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Gaudron, rapporteur :

Le 7 avril dernier, le Comité d'évaluation et de contrôle nous a confié, à Martine Pinville et à moi-même, la charge d'animer une mission parlementaire d'évaluation sur la médecine scolaire. Cette mission m'était alors apparue comme le prolongement naturel du « bilan de santé » de la médecine scolaire que Marc Bernier et moi-même avions dressé en octobre 2010 dans un avis budgétaire présenté devant la Commission des affaires culturelles. Marc Bernier et moi-même avions pris en effet à cette occasion une première mesure des difficultés graves auxquelles se trouve confrontée la médecine scolaire et de l'inquiétude que ses personnels manifestent face à une telle évolution.

J'ajoute qu'il s'agit là d'un problème au confluent de trois thématiques essentielles pour l'avenir de notre société : l'enfance, la santé et l'école.

Quelques données éclaireront les enjeux du débat : la médecine scolaire représente environ 10 000 personnes, pour la plupart agents de la fonction publique, parmi lesquelles 7 500 infirmières et 1 500 médecins ; le budget correspondant s'élève à environ 450 millions d'euros ; 500 000 visites systématiques sont organisées chaque année pour les enfants qui ont atteint l'âge de 6 ans. On voit donc que, si l'enjeu budgétaire n'est pas absolument majeur pour l'État, il n'est pas pour autant négligeable, loin s'en faut.

Pour compléter ses propres investigations, notre mission parlementaire a bénéficié de l'assistance de la Cour des comptes, que le Comité d'évaluation et de contrôle a sollicitée au titre de l'article 47-2 de la Constitution. Il faut ici saluer le travail remarquable réalisé par la troisième chambre de la Cour des comptes, sous la direction de son président, M. Jean Picq, et les membres du Comité d'évaluation et de contrôle ont en mémoire la présentation faite devant le Comité par le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, le 6 octobre dernier, des conclusions de l'évaluation conduite par la Cour.

Notre mission parlementaire a mené parallèlement aux travaux d'évaluation de la Cour ses propres investigations, qui ont pris la forme de 21 auditions d'experts et d'acteurs de tous horizons de la médecine scolaire, de déplacements sur le terrain, à Lille, Lyon, Montpellier et Villeurbanne, ainsi que de questionnaires écrits. En particulier, la quinzaine de communes ayant conservé un service municipal de santé scolaire ont été interrogées, ce qui a permis de compléter le travail de la Cour des comptes.

Ces investigations de terrain, dont les résultats recoupent pour l'essentiel les conclusions de la Cour des comptes, nous ont permis de constater que la médecine scolaire avait su se mobiliser massivement pour permettre à l'Éducation nationale de relever deux grands défis au cours de la décennie qui vient de s'écouler : la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladies chroniques et la détection des troubles du langage et de l'apprentissage.

Notre mission a aussi constaté que les personnels infirmiers de l'Éducation nationale occupent aujourd'hui un rôle majeur dans le dispositif d'éducation à la santé et la prise en charge des situations de souffrance psychiques dans les établissements du second degré.

Cependant, il ne faut pas cacher que la réussite sur ces points particuliers a nui à l'atteinte des objectifs officiellement assignés à la médecine scolaire, car elle a été obtenue sans l'octroi de moyens supplémentaires. L'écart n'a jamais été aussi grand qu'aujourd'hui entre les missions de plus en plus nombreuses qui sont confiées à la médecine scolaire et les moyens humains et matériels dont celle-ci dispose.

Notre mission parlementaire a pu en outre vérifier que l'action des personnels de santé de l'Éducation nationale s'inscrit dans le cadre de politiques publiques au coeur des préoccupations des pouvoirs publics. Toutefois, cette action est mise en oeuvre dans un cadre réglementaire qui n'est manifestement plus adapté aux enjeux actuels. Le positionnement institutionnel est trop complexe, le pilotage ministériel insuffisamment coordonné avec la politique sanitaire, les textes sont anciens et les objectifs éloignés de la réalité du terrain : la mission parlementaire partage pleinement les éléments du constat dressé par la troisième chambre de la Cour des comptes sur la nécessité de rénover le cadre d'emploi du dispositif de médecine scolaire.

Au premier chef, les personnels de santé, comme d'ailleurs la Cour des comptes, font notamment observer que les objectifs fixés au titre de la politique de santé publique en direction des enfants et adolescents sont aujourd'hui définis de manière trop étroite pour adapter les interventions à la diversité des situations. Ils ont parfaitement raison.

Notre mission parlementaire a relevé par ailleurs que la profession de médecin scolaire était menacée par des perspectives démographiques très défavorables – bien plus défavorables encore que les autres professions médicales. En effet, les trois quarts des médecins scolaires actuellement en activité sont âgés de plus de 50 ans et vont donc rapidement quitter le milieu professionnel. Les chiffres relatifs aux nouveaux médecins scolaires enregistrés font apparaître une véritable crise des vocations : seulement trois nouveaux médecins sont entrés dans la profession en 2010 pour la France entière. La cause en est l'insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l'Éducation nationale, alors que tous soulignent par ailleurs la variété et l'intérêt d'un exercice médical en milieu scolaire. Ces perspectives démographiques nous donnent à craindre un effondrement des effectifs dans les dix années à venir si aucune mesure n'est prise. Ne rien faire, ce serait programmer l'asphyxie et la mort lente d'un dispositif que pourtant – une fois n'est pas coutume – des pays scandinaves eux-mêmes nous envient, comme nous l'a rappelé M. Didier Migaud.

Clarifier les missions assignées à la médecine scolaire, réformer son pilotage et susciter de nouvelles vocations : tels sont les défis majeurs à relever, qui justifient que le Parlement s'en saisisse pour sauver la médecine scolaire – car c'est bien de cela qu'il s'agit.

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