Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 17 novembre 2011 à 15h00
Allongement des congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un proche — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter vise à allonger la durée des congés accordés aux salariés en cas de décès d'un de leurs enfants, de leur conjoint ou de leur partenaire de PACS. Elle se situe au coeur des réflexions sur les parts relatives à donner au temps professionnel et au temps personnel.

Ce texte se résume à un seul article. Il n'engendrera aucune dépense supplémentaire pour les finances publiques et sociales, car les congés pour décès demeurent à la charge des employeurs.

Aujourd'hui, la durée légale des congés pour décès varie selon le membre de la famille concerné mais, dans tous les cas, elle ne peut excéder deux jours, ce qui est manifestement insuffisant.

En effet, en pratique, il s'avère difficile de mener à bien, en deux jours au plus, l'ensemble des démarches à accomplir lors du décès de son enfant, de son conjoint ou de l'un de ses parents, surtout lorsque la personne décédée ne résidait pas dans la même région, qu'il s'agisse de l'organisation des obsèques, des formalités administratives, ou de l'organisation du retour à l'école des frères et des soeurs. La perte d'un parent et en particulier d'un enfant constitue pour les familles une terrible et sidérante épreuve.

Les salariés sont donc parfois contraints d'utiliser leurs quotas de congés annuels, quand ils le peuvent encore, par exemple pour accompagner la maladie de leur enfant. Lorsqu'ils ne réussissent pas à s'entendre avec leur employeur ou avec leurs collègues, ils peuvent être conduits à solliciter de leur médecin un arrêt de travail ; le médecin le leur propose parfois de lui-même. De telles situations ne sont pas satisfaisantes et coûtent cher à la sécurité sociale.

Il faut rappeler, de plus, que les salariés bénéficient de quatre jours de congé pour leur mariage, soit le double de ce qui est accordé en cas de décès d'un enfant ou du conjoint. Cette hiérarchie des événements de la vie est à l'évidence inacceptable, et ce d'autant plus que le mariage est un événement à la fois prévisible et préparé, ce qui n'est jamais totalement le cas d'un décès, et quelques fois pas du tout, car il peut s'agir d'un accident.

Pour ces raisons, certaines conventions collectives octroient aux salariés des journées supplémentaires de congé au titre du décès d'un proche parent. D'après la direction générale du travail, environ 9,5 millions de salariés bénéficieraient ainsi de l'application de conventions collectives plus généreuses en matière de congés pour décès, accordant, en général, trois à cinq jours pour le décès d'un conjoint ou d'un enfant.

Ces dispositions conventionnelles plus favorables ne concernent pas, cependant, l'ensemble des salariés et, en particulier, ceux travaillant dans de petites entreprises, ce qui laisse la charge de l'adaptation soit aux liens personnels entre salariés et employeurs, soit à l'intervention du médecin, toutes choses dont je peux témoigner pour les avoir sollicitées ou pratiquées. Pour autant, tous les salariés devraient bénéficier des mêmes droits dans le moment difficile que constitue la perte d'un proche parent.

Le législateur se doit donc d'intervenir pour améliorer les droits légaux à congé applicables à l'ensemble des salariés et pour rééquilibrer les dispositifs de congés prévus pour les événements heureux et malheureux de la vie. Il doit exister un minimum identique pour tous. Je vous rappelle qu'il existe aujourd'hui une cotation du stress lié aux différents événements de la vie, dans laquelle la perte d'un enfant correspond à la cote la plus lourde.

Telle qu'issue des travaux de la commission des affaires sociales, cette proposition de loi tend donc à porter à cinq jours la durée du congé accordé pour le décès d'un enfant, contre deux jours aujourd'hui, et à trois jours, contre deux jours actuellement, la durée du congé accordé pour le décès du conjoint ou du partenaire de PACS.

Notre proposition de loi initiale était plus ambitieuse et plus globale, puisqu'elle traitait de l'ensemble des congés pour décès. Je tiens à rappeler que nous proposions de porter la durée du congé pour décès d'un enfant à dix jours pour le décès d'un enfant mineur ou d'un enfant majeur à charge, et à cinq jours pour les autres enfants. Nous proposions également d'allonger à cinq jours le congé pour décès d'un conjoint ou d'un partenaire de PACS, et nous souhaitions en ouvrir le bénéfice aux concubins déclarés. En effet, aujourd'hui, légalement, les salariés ne disposent pas d'un congé pour décès en cas de perte de leur concubin. Certaines conventions collectives y remédient cependant.

Nous proposions enfin de porter à cinq jours la durée du congé pour décès du père, de la mère, d'un frère ou d'une soeur mineurs, et à trois jours celle du congé pour décès du beau-père ou de la belle-mère, au sens légal de parent du conjoint, d'un frère ou d'une soeur majeurs.

Au-delà de leur allongement, notre proposition de loi visait donc à moduler plus précisément la durée des congés, en introduisant des distinctions entre enfants mineurs ou majeurs encore à charge, et enfants majeurs autonomes, et entre frères ou soeurs mineurs et majeurs.

Le texte issu des travaux de la commission n'a donc pas repris toutes les améliorations que nous proposions, mais il constitue une avancée pour les salariés. Je présenterai néanmoins tout à l'heure deux amendements visant à allonger le congé en cas de décès d'un enfant mineur ou majeur à charge et en cas de décès du père ou de la mère. Nul n'a le monopole du coeur, et je souhaite vivement que nous nous rejoignions sur ce texte.

Il faut rappeler ici que l'octroi de jours de congé supplémentaires n'a pas pour objet d'atténuer la douleur des familles, ce qui n'est ni dans le rôle ni dans le pouvoir du législateur, mais d'alléger leurs contraintes matérielles et de leur permettre de faire face aux conséquences de la disparition autrement que dans la hâte, voire dans la panique.

Je tiens à souligner que toutes les personnes que nous avons auditionnées, qu'il s'agisse des représentants syndicaux ou des représentants d'associations familiales, ainsi que la majorité de celles qui m'ont transmis une contribution écrite, se sont prononcées en faveur de notre texte.

Je vous invite donc à adopter les amendements que j'ai déposés ainsi que la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion