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Intervention de Michèle Delaunay

Réunion du 17 novembre 2011 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui aurait dû, en toute logique, nous rassembler.

En effet, en proposant à notre Assemblée de légiférer pour améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, notre collègue Alain Vidalies entend répondre aux carences du régime actuel, largement reconnues, proposer des éléments de réforme attendus et accompagner les dernières évolutions jurisprudentielles.

Notre régime de réparation des AT-MP repose sur des principes édictés en 1898 sur « les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes » : la présomption d'imputabilité pour l'employeur, une réparation forfaitaire, ainsi que l'immunité civile de l'employeur, sauf en cas de faute intentionnelle ou inexcusable, ont créé un régime juridique à part, se substituant à la responsabilité civile. L'intégration de la réparation des AT-MP dans le champ de la sécurité sociale dès 1946 entérine l'approche collective de ce régime.

En considérant que tout accident ou maladie survenant par le fait ou à l'occasion du travail est d'origine professionnelle, notre système permet au salarié d'obtenir une réparation forfaitaire automatique, sans avoir à prouver la faute de l'employeur évitant ainsi une procédure longue, incertaine et coûteuse.

Une exception a été aménagée dans le cas d'une faute inexcusable de l'employeur. Lorsque celle-ci est reconnue par le juge, elle donne droit à une majoration de la réparation forfaitaire, ainsi qu'à la réparation de certains préjudices extrapatrimoniaux, tels que les souffrances physiques, morales ou les préjudices esthétiques.

Cependant la loi ne prévoit pas d'indemnisation intégrale comme c'est le cas lorsque la responsabilité civile est en jeu, et comme le préconise le Conseil de l'Europe. Ne sont notamment pas pris en charge les frais dits de compensation du handicap, tel l'aménagement du domicile ou du véhicule.

Nous sommes donc en présence d'une authentique inégalité : une personne frappée d'invalidité en raison d'un accident de la circulation verra son préjudice entièrement réparé, au contraire d'une personne subissant la même invalidité, dans le cadre d'un accident du travail.

Cette injustice a été soulevée par de nombreux travaux au cours de la dernière décennie : rapports de Roland Masse, de Michel Yahiel, de Michel Laroque, rapport public de 2002 de la Cour des comptes, recommandations du Médiateur de la République. Tous pointent la nécessité de réformer un système devenu obsolète au regard des évolutions de la réparation de droit commun. De la même façon, les partenaires sociaux signataires de l'accord interprofessionnel de mars 2007 affirment la nécessité d'assurer une réparation mieux individualisée, notamment en cas d'incapacité permanente

Les décisions récentes de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel vont dans le même sens. Nous devons donc nous attendre à une augmentation du contentieux de la faute inexcusable et donc de la responsabilité financière des employeurs.

Il devrait être à présent du devoir du législateur d'accompagner les juges dans la correction de cette injustice. C'est pourquoi notre proposition de loi tend à instaurer le principe de la réparation intégrale des préjudices causés par faute inexcusable, sur la ligne de la réparation de droit commun.

Parallèlement, ce texte propose d'aligner le montant des indemnités journalières sur le salaire, de réformer en faveur des victimes le mode de calcul de la rente en cas d'incapacité permanente de plus de 10 % et d'intégrer l'incidence professionnelle dans le calcul du capital versé en cas d'incapacité de moins de 10 %.

Nous nous félicitons que le Gouvernement ait renoncé, il y a quelques jours, à un mode de calcul des indemnités journalières particulièrement défavorable aux assurés. Nous espérions donc qu'il appuierait aujourd'hui ces dispositions, qui s'accordent avec l'engagement qu'il avait pris en 2009 d'améliorer la réparation des victimes d'AT-MP en contrepartie de la fiscalisation des indemnités journalières.

La dénonciation avant-hier, par le Président de la République, de la seule fraude sociale aux prestations, et les récentes mesures prises à l'encontre des assurés sociaux, ne sont pas d'un augure très favorable.

Enfin, cette proposition de loi ouvre le régime des AT-MP à une véritable reconnaissance des risques psychosociaux, en supprimant l'obligation d'atteindre un taux d'incapacité de 25 % pour pouvoir prétendre à une réparation.

Ce texte répond à un souci d'équité. Il prend également en compte les évolutions du monde du travail : l'émergence des risques sociaux, mais surtout l'allongement du temps de travail dû à la réforme des retraites, ce qui provoquera inévitablement une augmentation du nombre des AT-MP.

À cet égard, une véritable prévention de la pénibilité dans le cadre d'une politique de santé publique aboutie est indispensable. Le Gouvernement a manqué ce grand rendez-vous.

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