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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 17 novembre 2011 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Non, monsieur le ministre, les actions de groupe, c'est votre majorité qui les a rejetées hier en commission des affaires sociales. J'y étais, vous n'y étiez pas !

Bien sûr, des avancées ont été réalisées, avancées qui, pour la plupart, sont l'oeuvre de la gauche au pouvoir, celle-là même que l'actuelle majorité tente en permanence de discréditer. Retenons, par exemple, la loi de financement de la sécurité sociale de 2000 qui instaura l'indemnisation complète de tous les préjudices subis par les victimes d'une exposition aux poussières d'amiante. Mais même au regard de ces avancées, l'inégalité criante qui existe entre l'indemnisation des victimes d'AT-MP et celle des victimes d'autres préjudices est inacceptable dans un pays qui, comme le nôtre, revendique un contrat social de haut niveau – c'est du moins ce que dit M. Méhaignerie alors que nous sommes juste dans la moyenne européenne –, même si, il faut l'avouer, ce contrat revêt un caractère particulièrement théorique tant l'action de l'actuelle majorité a pour conséquence de l'affaiblir.

Pour en revenir aux indemnisations des victimes du travail, force est de constater qu'elles sont actuellement toutes incomplètes, qu'il s'agisse de l'incapacité temporaire, de l'incapacité permanente ou des maladies professionnelles : l'indemnisation de l'incapacité temporaire met de côté les préjudices personnels endurés par la victime durant sa période d'incapacité ; l'indemnisation de l'incapacité permanente fait de même, à l'exception de la faute inexcusable de l'employeur, mais au terme d'une procédure longue et coûteuse, dont la victime devra de plus avancer les frais ; enfin, l'indemnisation des maladies professionnelles doit répondre à la grille des maladies professionnelles, ce qui exclut donc les victimes dont la maladie n'est pas encore inscrite ou dont toutes les conditions de reconnaissance ne sont pas réunies. Cela exige là encore beaucoup d'énergie et d'argent pour faire valoir un droit à indemnisation.

Mes chers collègues, je vous le répète : une telle souffrance ne peut perdurer ! De nombreux rapports ont d'ailleurs mis en évidence cette situation indigne.

Le rapport Masse de 2001, pour l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, indique que « le caractère forfaitaire de la réparation semble en décalage complet avec les évolutions sociales et juridiques à l'oeuvre depuis la loi de 1898 ». Ce que confirme le rapport Yahiel de 2002, commandé par Mme Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, qui constate que « la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles souffre d'obsolescence », concluant que « le passage à la réparation intégrale est probablement inéluctable, avec un périmètre large, au sens du droit commun ». Enfin, la Cour des comptes, qui n'est pas réputée pour sa partialité, qualifiait dans son rapport de septembre 2001 « le dispositif juridique actuel de couverture des victimes d'obsolète, discriminatoire, inéquitable et juridiquement fragile ».

Mes chers collègues, depuis dix ans maintenant, nombreuses ont été les initiatives indépendantes pour que cesse cette aberration. Des propositions de loi ont même été rédigées à ce sujet. Notons celle de notre collègue Roland Muzeau, qui n'a malheureusement jamais été inscrite à l'ordre du jour. Nous pourrions faire du mauvais esprit et soutenir que c'est l'appartenance de M. Muzeau à un groupe minoritaire qui a motivé ce refus. Eh bien non, puisqu'une proposition de loi de notre collègue Cousin allant dans le même sens a été déposée en juin 2011, et qu'elle a connu le même sort bien qu'elle émane de l'UMP. Est-ce une situation satisfaisante pour un parlementaire soucieux de défendre les citoyens dont il est le représentant ?

La proposition que nous examinons aujourd'hui répond aux besoins, elle répare ces injustices, elle met en cohérence la réalité juridique avec les attentes morales, et même un peu plus puisqu'elle répond ainsi aux injonctions de l'Europe qui, dès 1975, consacrait le principe de la réparation intégrale, sans parler des décisions du Conseil Constitutionnel.

Cette proposition est complète. Elle pose le principe d'une assurance obligatoire pour les employeurs, qui se doivent d'assumer la responsabilité des AT-MP dont ils sont la cause, et assure ainsi l'évolution du fameux compromis de 1898. Elle instaure également un système de prise en compte des risques psychosociaux, ce qui est une grande avancée. Tout en vous renvoyant au rapport de notre collègue Alain Vidalies, je tiens à m'arrêter quelques instants sur la réalité de la situation en ce domaine.

L'absence d'un tableau de maladies professionnelles pour les maladies psychiques pose un véritable problème de reconnaissance et de suivi. Ainsi, la différence entre les statistiques publiées en 2012 par la branche AT-MP – 136 demandes d'indemnisation en 2010, stables par rapport à 2009 – et les données du Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles – 14 733 cas de troubles mentaux et du comportement identifiés entre 2001 et 2009 – est d'autant plus éclairante que cette dernière statistique comprend un nombre important de dépressions dues au vécu au travail. En prévoyant une réelle prise en compte des maladies psychiques et leur réparation, notre proposition de loi réalise une avancée majeure et nécessaire.

Mes chers collègues, à l'heure où la pression sur les salariés ne cesse de s'accroître, où de nouvelles menaces – troubles musculo-squelettiques, affections articulaires, maladies psychiques de tous ordres –…

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