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Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Réunion du 17 novembre 2011 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y avait pas eu suffisamment de concertation.

La mise à l'écart des partenaires sociaux dans un domaine où leur intervention est entièrement légitime pose à la fois un problème de procédure et de déficit du dialogue social. Vous savez que notre assemblée est soucieuse de garantir l'effectivité du dialogue social et a donc mis en place, depuis le 16 février 2010, une procédure de concertation avec les partenaires sociaux avant l'inscription à son ordre du jour de toute proposition de loi entrant dans le champ social. Les rencontres informelles ne sont pas la garantie d'une véritable association des syndicats.

En fixant le niveau de réparation des sinistres professionnels, le Parlement interviendrait dans le dernier domaine de la sécurité sociale où les partenaires sociaux restent impliqués. Rappelons que la réforme de la tarification concernant la réparation, de même que le contenu de la convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP ont été définis dans l'accord interprofessionnel du 12 mars 2007, qui fut adopté à l'unanimité. Dans cet accord qu'il est important de ne pas remettre en cause arbitrairement, les partenaires sociaux se sont de surcroît prononcés pour le maintien d'une réparation forfaitaire.

Toujours dans un souci de concertation et de débat démocratique fondé sur une expertise fiable, nous estimons que ce texte pourrait court-circuiter la réflexion déjà en cours à ce sujet et dont M. le ministre a parlé. En effet, la convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP prévoit la mise en place d'un groupe de travail chargé de réfléchir à la rénovation de la réparation des sinistres professionnels sous la direction d'une personnalité qualifiée, Mme Ruellan. Sa mission consiste notamment à formuler des propositions pouvant faire l'objet d'une traduction législative. Restons un Parlement moderne qui respecte les étapes du dialogue public au lieu de légiférer dans l'urgence et sans visibilité. Ce groupe se réunit le 21 novembre 2011 pour la première fois. Il serait vraiment dommage, à quelques jours près, de préjuger de ses conclusions.

Malheureusement, il nous faut bien aussi parler des coûts, puisque l'article 40 s'applique à la quasi-totalité des articles de cette proposition de loi. Vous l'aurez certainement deviné, mes chers collègues, les coûts générés par ces mesures ne sont pas anodins, loin s'en faut. On ne peut encore une fois légiférer à la va-vite sur des sujets qui engagent des milliards d'euros. Il serait déraisonnable de voter ce texte sans avoir procédé à une évaluation des coûts qu'il génère, tant pour les entreprises que pour les caisses de l'État.

Je pense au coût de mise en oeuvre du principe de réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur et au coût pour les employeurs de l'assurance obligatoire que propose le texte. Je pense aux coûts résultant pour la branche AT-MP de la suppression des délais de prescription et de l'absence de récupération de sommes dont les caisses d'assurance maladie auront fait l'avance. Je pense enfin au coût de la suppression de la règle du « taux utile » : la suppression de la méthode de calcul des rentes pour les incapacités inférieures à 50 % pourrait coûter, vous l'avez dit, monsieur le ministre, 2,2 milliards d'euros par an, selon une étude statistique de janvier 2010.

Ce texte pose enfin le problème de la conception qui est la nôtre, et que nous voulons préserver ou non, en matière d'indemnisation des victimes. Il remet en cause – au moins dans son exposé des motifs – la frontière entre faute inexcusable et faute intentionnelle. C'est là un changement radical dans l'indemnisation des accidentés du travail. Aujourd'hui, c'est la réparation forfaitaire par l'assurance maladie qui reste prépondérante. En empruntant le chemin proposé par cette proposition de loi, nous risquons d'assister à un transfert de cette réparation à l'assurantiel, et donc d'abandonner un pan de la sécurité sociale.

Plus inquiétant encore, ce changement de schéma pourrait être à double tranchant pour le salarié : il ouvrirait le droit à réparation intégrale en cas de faute inexcusable de l'employeur, mais quid en cas de faute du salarié ? L'absence de réparation est un risque que nous ne voulons pas prendre.

J'aurais souhaité, quant à moi, que nous nous mettions plutôt d'accord à l'avenir sur un texte coproduit pour sensibiliser encore davantage les entreprises à la prévention de l'accident du travail, à condition qu'il soit simple et facile à appliquer. Je ne citerai à ce propos qu'un exemple, à une époque où l'on parle beaucoup de simplification : le protocole de sécurité que doivent conclure toutes les entreprises qui travaillent entre elles est loin d'être facile à faire signer par le transporteur qui ne mettra qu'une fois dans sa vie son camion dans une entreprise. Il n'est donc pas toujours facile d'être en accord avec le code du travail en termes de sécurité.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.

(M. Jean-Christophe Lagarde succède à M. Jean Mallot au fauteuil de la présidence.)

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