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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 17 novembre 2011 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, depuis la loi fondatrice de 1898, l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles est organisée sur la base d'une responsabilité sans faute. Dès lors, la seule constatation du dommage et de son lien avec l'activité professionnelle suffit pour déclencher une réparation, à l'exclusion de toute recherche de la faute de l'employeur ou du salarié sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. La réparation est elle-même forfaitisée sous la forme d'une rente ou d'un capital pour les petites incapacités.

Entre cette responsabilité sans faute et la faute intentionnelle de l'employeur, qui obéit naturellement au droit commun, il existe un cadre juridique intermédiaire, celui de la faute inexcusable, qui s'inspire de la responsabilité civile pour faute, avec pour conséquence une majoration de la rente et l'indemnisation de certains préjudices personnels aujourd'hui limitativement énumérés par la loi. Mais, dans tous les cas, le contentieux demeure de la compétence des tribunaux du contentieux de la sécurité sociale.

Le groupe socialiste, radical et citoyen reste fermement attaché au maintien de l'autonomie et de la spécificité d'un système de réparation qui s'inscrit fortement dans notre histoire sociale. Mais, si ces principes doivent être rappelés, les modalités d'indemnisation doivent être améliorées. Tel est l'objectif de notre proposition de loi, qui porte principalement sur trois sujets : la faute inexcusable, l'indemnisation de droit commun des accidents du travail et des maladies professionnelles et, enfin, la prise en compte des maladies psychiques.

Le champ d'application de la faute inexcusable a été largement étendu à partir de l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 24 juin 2005, qui a précisé que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat et qu'ainsi la faute inexcusable est constituée lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La sanction de la faute inexcusable permet à la victime de percevoir une majoration de la rente et la réparation de certains préjudices personnels aujourd'hui limitativement énumérés par la loi à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Dans sa décision du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, par une réserve d'interprétation, a remis en cause le caractère limitatif de cette liste. Certes, la décision du Conseil constitutionnel est d'application immédiate, mais l'intervention du législateur reste indispensable. En effet, aujourd'hui, c'est la sécurité sociale qui fait l'avance de l'indemnisation de la victime, à charge pour elle d'engager une action récursoire contre l'employeur. Mais la Cour de cassation a estimé, postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel, que cette avance des caisses de sécurité sociale ne concernait que les préjudices visés par la loi et que, pour le surplus, ouvert par la décision du Conseil constitutionnel, la victime devait s'adresser directement à l'employeur, avec le risque d'être confronté à l'insolvabilité de ce dernier.

L'intervention du législateur est donc nécessaire. L'article 2 de notre proposition tire ainsi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et prévoit une indemnisation du préjudice conformément aux règles du droit commun pour la victime et pour ses ayants droit.

L'article 1er rend obligatoire l'assurance des employeurs contre les conséquences de la faute inexcusable. Cette assurance garantit, en fait, le remboursement à la sécurité sociale, qui fait l'avance.

L'article 3 ouvre la possibilité d'une action en faute inexcusable après une rechute, ce qui est actuellement parfois impossible en raison du délai de prescription de deux ans.

Les articles 4, 5 et 6 visent à améliorer l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles en l'absence de faute inexcusable.

L'article 4 propose, comme pour la responsabilité de droit commun, de fixer l'indemnisation exactement au montant du préjudice pendant la période d'incapacité, c'est-à-dire la perte de salaire. Je rappelle qu'aujourd'hui, cette indemnisation est fixée par la loi à 60 % du salaire brut pour les 28 premiers jours et à 80 % au delà. Faut-il également rappeler que ces indemnités journalières particulières ont été récemment fiscalisées par la majorité de droite ?

L'article 5 propose l'amélioration des rentes pour les taux d'incapacité inférieurs à 50 %. Actuellement, en effet, l'application de la règle dite du taux utile aboutit à diviser par deux le niveau d'indemnisation. Nous proposons qu'un salarié ayant 40 % d'incapacité permanente perçoive une rente égale à 40 % du salaire de référence et non seulement 20 %, comme dans le droit positif.

L'article 6 propose la prise en compte de l'incidence professionnelle pour la réparation des incapacités inférieures à 10 %, qui ne sont aujourd'hui indemnisées que par un capital forfaitaire.

Le troisième objectif de notre proposition de loi vise à favoriser la réparation des maladies psychiques d'origine professionnelle. Il existe aujourd'hui, à l'évidence, une contradiction majeure entre, d'une part, l'intensité des études, du travail parlementaire, du travail du Gouvernement, du débat de société sur les risques psycho-sociaux et la santé au travail et, d'autre part, la faiblesse des modalités de réparation pour les salariés.

Les tableaux des maladies psychiques d'origine professionnelle sont quasi inexistants et pour la voie complémentaire, je rappelle que la recevabilité de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle suppose que soit préalablement établie une incapacité psychique au moins égale à 25 %. Notre proposition est de permettre la saisine du comité régional en supprimant le filtre préalable de 25 % qui parait, en l'état, totalement inadapté pour les maladies psychiques d'origine professionnelle.

J'observe d'ailleurs que cette évaluation rejoint, pour partie, les conclusions du rapport triennal sur la sous-évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui appelle à une révision des tableaux pour éviter le pis-aller du constat institutionnalisé de ces sous-déclarations, justifiant, pour 2012, un versement de 790 millions d'euros de la branche accidents du travail à la branche maladie. Cette solution comptable ignore que des salariés pourtant victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas indemnisés dans les conditions prévues par la loi.

En rédigeant cette proposition de loi, votre rapporteur était plein d'espoir sur son adoption, puisqu'elle semblait faire consensus et qu'une proposition de loi, signée par de très nombreux députés de l'UMP, visait exactement les mêmes objectifs, mais aussi le même dispositif. Pourtant, aucun soutien n'est venu des rangs de l'UMP lors du débat en commission, et la majorité a même rejeté le texte dans son ensemble.

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