Je souhaite ce matin vous livrer quelques éléments de cadrage macroéconomique sur ce projet de loi de finances rectificative. Valérie Pécresse vous présentera ensuite le détail des mesures qu'il contient. Auparavant, je voudrais dire à la Commission que le Gouvernement a bien conscience des conditions particulières et des délais très contraints dans lesquels le Parlement est amené à se prononcer.
J'ai utilisé pendant l'été une formule imagée pour résumer la situation : « le temps de la démocratie n'est pas celui des « clics » des marchés financiers ». Cette question constitue aujourd'hui un véritable enjeu et il faudra que nous y réfléchissions collectivement.
Ce projet de loi de finances rectificative, vous le savez, s'inscrit dans la continuité de la stratégie mise en oeuvre par le Gouvernement pour ramener nos finances publiques à l'équilibre.
Le Gouvernement s'est engagé dans une démarche de sincérité et de réactivité d'une ampleur historique. Nous nous sommes adaptés avec réalisme à la conjoncture, dès lors que ses évolutions étaient avérées. Et, le plus important, nous avons immédiatement, et en toute transparence, indiqué aux Français quelles étaient les mesures d'économie qu'il nous fallait prendre pour compenser cette dégradation de conjoncture.
Nous l'avons fait le 24 août, dès que le ralentissement observé pour le 2eme trimestre, en Europe et aux États-Unis, était confirmé par les instituts statistiques officiels.
Nous le refaisons aujourd'hui, parce que, depuis le mois d'août, le contexte international a encore évolué : la croissance aux États-Unis peine à repartir ; en Europe, la conjoncture s'est détériorée dans tous les pays. En particulier, la situation des finances publiques grecque et italienne s'est aggravée ; l'activité ralentit notamment, depuis un mois et demi à deux mois, également dans les grands pays émergents.
Ces signes sont désormais sans équivoque : l'économie mondiale est entrée dans une nouvelle phase de ralentissement. La France en subit nécessairement les contrecoups. Pour autant, même si certains préfèrent céder au catastrophisme, les chiffres du PIB au 3ème trimestre, que l'Insee vient de publier, montrent que l'activité en France a bien résisté.
Nous avons enregistré une croissance de + 0,4 %, malgré l'environnement international incertain. La consommation des ménages a nettement rebondi après le fort ralentissement du 2èmetrimestre dont, avant l'été, j'avais précisé à votre Commission la nature temporaire. Au 3ème trimestre, l'investissement a progressé de 0,4 % et le commerce extérieur a apporté une contribution légèrement positive. Ce résultat pour le 3ème trimestre est supérieur aux prévisions de la quasi-totalité des analystes. Pour autant, nul ne saurait ignorer la fragilité de la conjoncture actuelle. Les signaux de détérioration se sont multipliés ces dernières semaines, un peu partout dans le monde.
C'est pour cette raison que dans un souci de prudence et de bonne gestion budgétaire, le Gouvernement a jugé préférable d'abaisser sa prévision de croissance pour 2012 à 1 %.
Une partie des mesures arrêtées le 7 novembre dernier trouvent leur traduction dans ce collectif budgétaire traditionnel de fin d'année. Le reste sera intégré dans les autres textes financiers de fin d'année : PLF 2012, PLFSS 2012.
La diminution de notre prévision de croissance pour 2012 s'explique en premier lieu par le ralentissement mondial qui affectera la demande étrangère adressée à la France, et donc nos exportations. La conjoncture défavorable se répercutera sur notre demande intérieure même si celle-ci continue de progresser par rapport à 2011.
Toujours selon notre hypothèse, le pouvoir d'achat des ménages continuerait de croître, soutenu par la bonne tenue de la masse salariale et la modération des prix. Cette évolution, couplée à une baisse modérée du taux d'épargne, permettrait à la consommation des ménages de progresser en 2012 au même rythme qu'en 2011. La moindre demande intérieure se traduirait par des importations moins dynamiques : la contribution de l'extérieur serait ainsi neutre sur la croissance.
Pour compenser les effets de cette croissance revue à la baisse et rester fidèle à nos engagements, le Premier ministre a proposé un nouveau plan d'économies le 7 novembre dernier.
Je tiens à le souligner, ce plan présente une différence majeure par rapport à celui du 24 août. Les mesures du mois d'août garantissaient le respect de nos objectifs de déficit en 2011 et 2012, avec une croissance de 1,75 %. Les mesures annoncées le 7 novembre vont bien au-delà : elles s'inscrivent dans le moyen terme, elles consolident l'ensemble de la trajectoire de réduction des déficits et elles permettent, pour la première fois en 40 ans, de viser l'équilibre des comptes publics en 2016 et un objectif de 3 % de déficit en 2013.
Le plan du Gouvernement est en parfaite cohérence avec la politique que nous menons depuis plusieurs années. Tout d'abord, ce plan documente de façon précise les mesures nécessaires pour le maintien de notre trajectoire de réduction des déficits et de retour à l'équilibre. Sur la période 2011-2016, le plan repose à hauteur de deux tiers sur un effort en dépenses, et pour un tiers sur un effort en recettes. Grande cohérence ici, le Gouvernement a toujours indiqué qu'il serait irresponsable de proposer un choc fiscal dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires est déjà l'un des plus élevés de l'OCDE. Cohérence de nouveau, parce que le Gouvernement s'attaque aux plus gros postes de dépenses de nos finances publiques : les dépenses de l'État, qui pour la première fois, vont diminuer en valeur absolue ; les dépenses d'assurance maladie, avec un ONDAM ramené à 2,5 % dès 2012 ; les prestations sociales, dont la revalorisation est fixée à 1 %, comme la croissance de l'économie ; les dépenses de retraite, grâce à la réduction d'un an de la période de transition prévue dans la réforme de 2010.
Autre élément de cohérence de notre plan : nous poursuivons la suppression des niches fiscales et sociales les moins efficaces.
Cohérence enfin lorsque le Gouvernement s'engage à préserver l'activité économique, à ne pas casser les moteurs de croissance et à ne pas toucher les ménages les plus fragiles. Une fois encore, les mesures que nous choisissons sont ciblées : pas d'augmentation générale de la TVA, mais une réduction de la niche fiscale sur certains produits taxés à 5,5 % ; pas d'augmentation générale de l'impôt sur les sociétés, mais un effort demandé aux grandes entreprises ; enfin, un plan juste et équitable, parce que tous les minimas sociaux et les retraites seront revalorisés comme les prix, selon la règle habituelle et comme nous nous y sommes engagés.
Grâce à ces nouveaux engagements, en complément des politiques mises en place depuis 2010, le Gouvernement réalisera près de 115 milliards d'euros d'économies sur la période 2011-2016. C'est autant de dette publique en moins. C'est autant de dettes que les générations futures n'auront pas à rembourser.