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Intervention de Alain Gest

Réunion du 9 novembre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Gest, président de Voies navigables de France :

Le texte que vous examinerez prochainement est en outil technique qui permettra de mieux mettre en oeuvre le projet « Voies navigables 2013 – Relance pour la voie d'eau », adopté par le conseil d'administration de VNF le 6 octobre dernier. Il vise essentiellement à transférer à VNF des personnels du ministère du développement durable qui travaillent pour l'établissement public.

Je suis arrivé à la présidence de VNF il y a moins de trois ans. J'ai été surpris de constater que 10 % seulement des effectifs employés au quotidien pour entretenir, développer et aménager les canaux et réseaux de voies d'eau en France – quelque 6 200 kilomètres dont VNF a la charge – étaient salariés de cet établissement public industriel et commercial. Les neuf dixièmes restants, soit 4 500 personnes, relèvent du ministre chargé du développement durable et, sur le territoire, des préfets. Le directeur général, M. Papinutti, n'a donc pas d'autorité directe sur ces agents. Certes, les choses fonctionnent ainsi depuis deux décennies. Mais il est surprenant que le responsable d'un établissement ne puisse transmettre ses instructions à l'ensemble de son personnel.

VNF, qui a donc été créé en 1991, est confronté aujourd'hui à une évolution de son activité. Il faut s'organiser en conséquence. C'est tout l'objet du projet de loi qui vous sera soumis. Je vais brièvement exposer les objectifs de VNF à court, moyen et long terme afin que chacun comprenne l'opportunité d'un changement institutionnel.

Le projet « Relance pour la voie d'eau » a été élaboré en concertation avec les personnels, les organisations professionnelles et les associations. Il est la déclinaison du Grenelle de l'environnement sous trois aspects : le développement du trafic fluvial d'abord, l'offre de services et la structuration du réseau des canaux ensuite, le respect de la logique du développement durable enfin.

Développer le trafic, c'est répondre à l'objectif assigné de 25 % de fret non routier en 2022. Ceci conduit à doubler la part modale du fluvial : si l'on considère l'ensemble du territoire français, il représente aujourd'hui 3,7 % du trafic de marchandises ; si l'on s'attache uniquement à l'espace desservi par des canaux susceptibles d'accueillir du trafic de marchandises, ce chiffre passe à 8 %. Au regard des exemples des pays voisins, qui utilisent les fleuves au quotidien depuis longtemps, l'objectif du doublement me semble tout à fait raisonnable. Du reste, le trafic fluvial de marchandises ne cesse d'augmenter depuis vingt ans. En 2010, il a progressé de 9 % dans un contexte de baisse générale des échanges. L'année 2011 sera moins satisfaisante du fait de la crise, mais nous avons bon espoir d'atteindre nos objectifs.

En matière de trafic, nous souhaitons porter nos efforts sur le réseau à grand gabarit. En effet, nous n'en sommes plus à la péniche de L'homme du Picardie, même si le réseau connexe accueille encore des navires de type Freycinet. Le transport fluvial d'aujourd'hui, ce sont des pousseurs et des convois de marchandises de 180 mètres.

Enfin, nous devons veiller à établir avec les grands ports français une meilleure coordination, ce qui passe par une desserte améliorée et par une stratégie concertée. C'est déjà le cas avec les grands ports maritimes puisque VNF siège au sein de leur conseil de surveillance.

Le deuxième objectif consiste à faire évoluer l'offre de services. Nous devons réadapter notre organisation pour mieux répondre aux enjeux actuels. Sur le grand gabarit, il faudra être en mesure de faire fonctionner les écluses vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je ne donnerai qu'un seul exemple : dans la région parisienne, un grand groupe alimentaire envisage de desservir ses magasins par voie fluviale pour transporter des marchandises de nuit, lorsque la circulation de camions est interdite dans la capitale. Il faut que nous puissions satisfaire cette attente. Nous devons également assurer et sécuriser la gestion hydraulique du réseau et les usages de l'eau. En dépit des efforts de mon prédécesseur, François Bordry, nous subissons les conséquences du manque d'investissements consentis dans le passé. Il faut mettre à niveau les équipements, renforcer les berges et tant d'autres aménagements.

Enfin, nous souhaitons accompagner le développement des territoires et de l'économie touristique. Les fleuves et les canaux, qui irriguent les grandes agglomérations, ont repris totalement leur place dans l'aménagement local. Quant au tourisme fluvial, il a beaucoup évolué : des sociétés françaises particulièrement performantes organisent des croisières sur des paquebots de 110 mètres de long, comme le font depuis longtemps les opérateurs d'Europe de l'est.

Pour construire une offre globale, il faut avoir la capacité de moduler les horaires et les modalités d'accès. Nous allons donc déterminer des catégories de canaux différentes, en fonction du trafic. Si la présence de personnel sera assurée vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur une partie du réseau, elle sera effective à la demande sur les canaux peu fréquentés et à caractère exclusivement touristique.

La qualité du service est directement liée à la qualité des ouvrages. C'est la raison pour laquelle nous procédons à des investissements sur les ouvrages majeurs – barrages, écluses. Il faut améliorer la garantie des mouillages et le service rendu aux usagers. À certains endroits, en effet, les plates-formes d'accueil ne sont pas suffisamment sécurisées et l'information n'est pas assez rapide. Il peut même être difficile de résoudre des problèmes élémentaires de traitement de déchets, d'accès à l'eau et de distribution d'électricité.

Je l'ai dit, le réseau à grand gabarit est notre priorité. Il représente 2 000 kilomètres sur les 6 200 dont nous avons la charge – les 2 000 restant ayant fait l'objet d'une décentralisation. Viennent ensuite les voies connexes, en relation directe avec le grand gabarit, qui ont une activité intéressante. Il y a enfin le réseau à exploitation saisonnière qui concerne le fluvial touristique. Dans ce dernier cas, nous envisagerons de procéder à une décentralisation comme le permet la loi de 2004. À cet égard, l'expérimentation en cours en Bourgogne s'achèvera en 2012. J'espère qu'elle aura donné satisfaction à la région et qu'elle débouchera sur un transfert définitif. Lorsque le caractère touristique prédomine, l'intérêt local surpasse l'intérêt national.

Tous ces objectifs impliquent des investissements. Ils atteindront 840 millions d'euros sur la période 2010-2013, hors les crédits concernant la décentralisation en Bourgogne et les grands projets comme Seine-Nord. Sur cette enveloppe, 645 millions d'euros seront affectés à la remise en état et à la modernisation du réseau existant, et 200 millions d'euros au développement du réseau, notamment à grand gabarit. Je me félicite de la décision de l'État d'investir davantage : alors que sa contribution s'élevait à 50 millions d'euros jusqu'en 2010, nous avons bénéficié de 70 millions supplémentaires en 2011 – une part provenant de l'augmentation de la taxe hydraulique, recette première de VNF, et l'autre de crédits de l'AFITF. À ces capacités nouvelles d'investissement s'ajoutent nos partenariats avec les régions. Nous avons l'ambition de réaliser 2 milliards de travaux à l'horizon 2018, ce qui a été programmé dès cette année. Il convient de mettre nos moyens en adéquation avec l'augmentation du trafic et l'amélioration escomptée de la performance. À cet égard, nous nous félicitons de l'implication des collectivités territoriales, qui interviennent parfois sur le réseau à grand gabarit mais aussi sur des réseaux à exploitation saisonnière. C'est sur ces derniers que nous attendons d'autres développements.

Il nous faudra moderniser l'exploitation, par exemple en automatisant les ouvrages de petit gabarit. C'est prévu à l'horizon 2013-2015. Nous avons encore des équipements anciens, voire vétustes, nécessitant un maniement manuel, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de sécurité. Il faut corriger cette obsolescence. Nous avons précisément mis en oeuvre un programme de reconstruction des barrages à aiguille, qui ont parfois plus de quatre-vingts ans. J'indique, au passage, que l'aspect environnemental n'est pas oublié puisque chaque nouveau barrage s'accompagne d'une passe à poissons, cofinancée avec les Agences de l'eau. Enfin, nous développons la téléconduite sur le réseau à grand gabarit et à proximité des barrages, avec une échéance à horizon 2018.

À côté de l'entretien et du développement du réseau existant, il y a les grands projets. Le canal Seine-Nord Europe est en phase de dialogue compétitif depuis le 6 avril dernier. En ce qui concerne la mise à grand gabarit de l'amont de la Seine, le débat public a commencé ; pour le canal Saône-MoselleSaône-Rhin, fruit du Grenelle de l'environnement, le débat public sera ouvert en 2013. Quant au canal du Rhône à Sète, il fait l'objet d'investissement. Enfin, nous avons changé 42 barrages dans le Nord-Pas-de-Calais pour accompagner l'ouverture du canal Seine-Nord. Les bateaux pourront ainsi passer avec deux niveaux de conteneurs. La conteneurisation a changé la donne : elle a amené de nouveaux clients et elle nous a obligés à procéder à des adaptations techniques pour passer sous des ponts initialement conçus pour des bateaux classiques. Au-delà de tout cela, nous avons pour volonté de préserver l'environnement et la biodiversité. C'est notre troisième objectif. VNF a participé aux trames verte et bleue, ainsi qu'au rétablissement de la continuité écologique sur la Seine, la Meuse, ou encore l'Yonne. Nous avons programmé 100 millions d'euros d'investissements dans ce domaine.

Il nous appartient de protéger le patrimoine. À cet égard, chacun le sait, les platanes du canal du Midi sont actuellement victimes du virus du chancre coloré, et nous allons être conduits à abattre 42 000 arbres. Il faut trouver des essences susceptibles de remplacer le platane pour garder intacte la beauté du site et, surtout, mobiliser des financements pour une opération estimée à 200 millions d'euros. D'autres que VNF devront prendre part au tour de table : les collectivités territoriales concernées par le développement touristique du canal du Midi, mais aussi d'autres contributeurs. Mme Kosciusko-Morizet prévoit une opération de mécénat. Il faut choisir les nouvelles essences pour pouvoir replanter très vite et maintenir le site en état pour les générations futures.

Enfin, en matière d'hydroélectricité renouvelable, des synergies doivent être développées avec les Agences de l'eau et les associations.

Le projet de loi qui vous est présenté a fait l'objet d'une longue concertation. Dans le cadre des manifestations organisées pour les vingt ans de l'établissement, j'ai eu l'occasion, à de très multiples reprises, de m'entretenir avec le personnel de l'État mis à la disposition de VNF. Alors qu'il s'habille VNF, qu'il monte dans une voiture VNF, qu'il occupe des locaux VNF, ce personnel n'est pas VNF sur le plan statutaire. Grâce au projet de loi, l'établissement aurait sous son autorité l'ensemble des 4 500 agents de l'État mis à disposition.

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