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Intervention de Claude Guéant

Réunion du 25 octobre 2011 à 21h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission de la défense nationale et des forces armées, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration :

Je classerai mes réponses par thèmes.

Je tiens tout d'abord à signaler que les engagements pris sont scrupuleusement respectés. Vous avez voté une LOPPSI dont les crédits sont bien inscrits dans le projet de loi de finances.

Du reste, monsieur Urvoas, deux LOPPSI ont été successivement adoptées. La première était une loi de rattrapage, la seconde une loi de consolidation, ce qui rend difficiles les comparaisons entre les deux textes. Depuis 2002, l'effort de modernisation de l'équipement des services de police s'est élevé à 3,4 milliards d'euros. D'ailleurs, et je m'en étonne, alors que les crédits prévus dans le cadre de la LOPPSI 1 étaient importants, vous ne les avez jamais votés.

Les accords signés par les ministres de l'intérieur successifs et les organisations représentatives du personnel ont été, eux aussi, respectés de manière scrupuleuse. De plus, par souci de parité et d'équité de traitement, ils sont déclinés également en faveur des militaires de la gendarmerie nationale.

Monsieur Moyne-Bressand, la gendarmerie a la capacité d'acheter trois hélicoptères C135, qui seront livrés en 2012 et 2013.

Par ailleurs, au-delà même des engagements pris par la LOPPSI, deux programmes sont privilégiés cette année.

Il s'agit tout d'abord d'un programme d'acquisition de véhicules, à hauteur de 100 millions d'euros, lesquels résultent des inscriptions de 2012 et de réservations de crédit sur l'exercice 2011. Il est très important pour les forces de police et de gendarmerie de disposer d'un parc satisfaisant de véhicules : 4 400 véhicules seront livrés l'année prochaine, moitié pour la police nationale et moitié pour la gendarmerie.

D'autres éléments forts de modernisation sont également prévus. Outre la police scientifique et technique, sur laquelle je reviendrai, le développement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation : 350 véhicules sont en cours d'équipement. Ce programme donne des résultats remarquables. Deux gendarmes dans l'Ain m'ont confié récemment qu'ils faisaient en deux jours le travail de cent gendarmes en un an. Ce dispositif permet de lire les plaques de tous les véhicules visés et de les confronter au fichier des véhicules volés. La détection est immédiate.

L'évolution des effectifs tient compte de la nécessité de maîtriser les finances publiques. J'ai remarqué que la gauche confirmait sa propension à dépenser de l'argent : tel n'est pas le choix du Gouvernement ni de la majorité. Parler d' « éradication » des effectifs me paraît bien excessif. Nous faisons la démonstration, monsieur Urvoas, qu'en dépit de la diminution des effectifs la délinquance recule tous les ans. La police et la gendarmerie ne sont donc pas si mal administrées que cela ! De plus, les gendarmes et les policiers français sont des militaires et des fonctionnaires compétents et ardents au travail.

La police technique et scientifique est en grande partie à l'origine de l'amélioration du taux d'élucidation des affaires délictuelles et criminelles, qui est passé de 26 % à 37 %, ce qui est considérable. Je pense notamment au fichier des empreintes génétiques, évoqué à l'instant par M. Éric Ciotti, ainsi qu'au développement de nouvelles technologies, comme la préservation des odeurs, qui est appelée à un grand développement, ou à l'augmentation du régime du fichier des empreintes digitales.

Mais l'équipement n'est pas tout. La préparation de la police et de la gendarmerie à l'utilisation des technologies de la police technique et scientifique est tout aussi importante. Monsieur Geoffroy, des gendarmes à l'origine polyvalents sont formés au relevé des traces et équipés de kits qui leur permettent de faire ces relevés. Les équipes sont beaucoup plus nombreuses que par le passé et tous les services sont désormais capables de faire immédiatement des relevés.

Vous avez également évoqué l'équilibre entre les fonctionnaires de police ou les gendarmes affectés à des tâches de police technique et scientifique et les fonctionnaires ou militaires exclusivement spécialisés dans ces tâches : le sens de l'histoire conduit au renforcement des équipes spécialisées.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la réforme de la garde à vue, qui est inéluctable et ne saurait être remise en cause : le Conseil constitutionnel a clairement indiqué que les droits de la défense devaient être renforcés et la loi que vous avez votée va dans ce sens. Le Conseil constitutionnel, sollicité par une question prioritaire de constitutionnalité, rendra un avis d'ici à quelques jours. Il nous faut donc progresser encore dans le passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, ce qui implique de développer la police technique et scientifique.

De nouvelles technologies sont très prometteuses à cet égard. L'un de vous a évoqué la reconnaissance faciale. La semaine dernière se tenait à Paris le salon Milipol – le salon mondial de la sécurité intérieure des États – : les technologies de la reconnaissance faciale, développées notamment par les entreprises françaises, atteindront très vite un degré de fiabilité d'autant plus intéressant que les différents fichiers déjà possédés par la police et la gendarmerie comptent déjà quelque 5 millions de photographies. Assez rapidement, l'acquisition de ces nouvelles technologies aura des effets opérationnels considérables.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué la mutualisation des services de police et de gendarmerie, le président de la commission de la défense, M. Guy Teissier, et M. Moyne-Bressand ayant plus précisément évoqué le cas de la gendarmerie.

Comme ont pu le constater M. Moyne-Bressand et Mme Escoffier, sénatrice, qui ont travaillé ensemble sur l'évaluation du rapprochement de la police et de la gendarmerie, celui-ci est, à mes yeux, un véritable succès. Après avoir longtemps fréquenté le ministère lui-même, je suis devenu ministre de l'intérieur après l'adoption de la loi de 2009 : j'ai été très agréablement surpris du caractère aisé, naturel, voire spontané des coopérations entre policiers et gendarmes. C'est très satisfaisant pour la qualité du service public rendu à nos concitoyens.

Des conventions CORAT sont déjà en vigueur dans soixante-huit départements. Des services sont devenus communs au niveau central, notamment la Direction de la coopération internationale : un seul service fonctionne désormais à la plus grande satisfaction de chacun, ambassadeurs compris.

Le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure du ministère de l'intérieur a, quant à lui, été confié à la gendarmerie, qui avait plus d'expertise et de moyens en ce domaine : ce service fonctionne, lui aussi, à la satisfaction de la gendarmerie comme de la police nationale, qui se consacre par ailleurs à un grand nombre de tâches des services centraux.

Il en est de même sur le terrain : c'est de manière tout à fait naturelle qu'aujourd'hui policiers et gendarmes se prêtent main forte – il y a même des exemples de coopération très poussée dans le département de l'Isère entre les unités d'intervention. Sans plus aucun problème, les policiers peuvent désormais compter, en cas de difficulté, sur un regroupement rapide de gendarmes, rendu possible par les règles d'emploi et de disponibilité de la gendarmerie. À l'inverse, une brigade de gendarmerie en difficulté peut faire appel à la BAC du commissariat le plus proche, qui arrive aussitôt.

Cette coopération se fait bien sûr – j'y veille particulièrement – dans le respect de l'identité de chaque corps. Il n'est pas question de toucher au caractère militaire de la gendarmerie et il faut veiller à ne pas conforter tout ce qui pourrait être interprété de manière contraire.

S'agissant de la disponibilité des services, notamment de leur présence sur la voie publique, elle s'accroît, comme l'a constaté le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité publique, qui a noté une augmentation avoisinant les 10 % – vous vous rappelez que j'étais loin d'être en accord avec l'ensemble de ses conclusions. Je continue d'oeuvrer en ce sens en renforçant les moyens mis sur le terrain : 800 adjoints de sécurité et 200 gendarmes adjoints volontaires ont été recrutés et seront opérationnels avant la fin de l'année 2011. De plus, 3 000 autres équivalents temps plein de fonctionnaires ou de militaires sont rendus actuellement disponibles grâce au recours à des heures supplémentaires ainsi qu'à la réserve, qui est un moyen aussi souple qu'efficace de répondre aux besoins. Pour l'essentiel, la réserve de la police nationale et celle de la gendarmerie reposent sur le recours à des fonctionnaires de police ou des militaires fraîchement retraités, la gendarmerie pouvant, en sus, faire appel à des civils volontaires. Demain, le conseil des ministres adoptera un projet de décret, que je lui présenterai, sur les réserves civiles de la police nationale afin de les aligner sur les modalités de la gendarmerie.

Outre les moyens humains à développer, il convient de renouveler les méthodes. J'ai demandé aux deux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale de développer les patrouilles sur le terrain. Une politique de sécurité doit en effet comporter plusieurs éléments : une politique de prévention, une politique visant à faire reculer la délinquance et la criminalité – elles ont reculé de quelque 17,5 % depuis 2002, ce qui a fait 500 000 victimes en moins en 2010, en dépit d'un accroissement de la population de 3,5 millions d'habitants – et une politique visant à rassurer nos concitoyens. À cette fin, les forces de sécurité doivent être présentes et visibles sur le terrain. C'est pourquoi la quasi-totalité des nouveaux véhicules seront sérigraphiés, et donc identifiables par nos concitoyens. Les véhicules banalisés, qui sont nécessaires dans certaines missions, ne sauraient, en effet, être ressentis comme appartenant aux forces de sécurité. Tel est le sens de la politique de patrouilleurs, que j'ai développée à partir du mois de juillet. Le nombre de patrouilles a d'ores et déjà augmenté de 17 % sur l'ensemble du territoire par rapport au mois de juin, le nombre des patrouilles pédestres ayant connu un accroissement significatif. J'ai pu mesurer sur le terrain combien la formule était appréciée.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le directeur général a décidé de demander à ses effectifs de renouer avec la grande tradition des patrouilles à deux, qui avait été délaissée au profit de l'utilisation de l'automobile. Cette mesure est aussi appréciée de nos concitoyens.

M. le rapporteur spécial m'a demandé d'évaluer la loi sur la garde à vue, notamment en matière de taux d'élucidation. Nous sommes dans les premiers mois d'application du texte : il faut attendre le rapport qui doit être rendu par les ministres de la justice et de l'intérieur, auquel participent, pour l'Assemblée nationale, MM. Sébastien Huyghe et Philippe Gosselin. Une mission de l'inspection générale travaille également sur le sujet.

On a d'ores et déjà pu remarquer que la nouvelle garde à vue impose aux enquêteurs des charges très importantes de procédure : ils doivent rédiger dix procès-verbaux supplémentaires par garde à vue, ce qui, à la fois, est consommateur de temps et tend à transformer la garde à vue, de moment privilégié de l'enquête qu'elle était, en une étape de la procédure.

De plus, selon les enquêteurs, leurs relations avec les avocats n'ont pas encore trouvé leur rythme de croisière. Sans évoquer des esclandres, les enquêteurs ne travaillent plus aussi facilement qu'auparavant, surtout lorsqu'ils ont affaire à des avocats qui, bien qu'ils n'aient pas le droit d'intervenir dans les auditions, se montrent bavards : deux enquêteurs sont alors nécessaires pour faire face, ce qui consomme des effectifs.

Nous avons noté dans les premiers mois d'application de la loi une petite diminution du taux d'élucidation. Peut-être s'agit-il d'un résultat provisoire, les enquêteurs devant, eux aussi, s'adapter au nouveau dispositif. Traditionnellement, on procédait à la garde à vue immédiatement après l'interpellation. Les praticiens estiment aujourd'hui qu'il vaut mieux procéder à une garde à vue après avoir rassemblé quelques éléments de preuve, afin de la rendre plus productive. Les enquêteurs doivent s'adapter à cette nouvelle démarche. Il convient également de recourir davantage à la preuve scientifique et d'apporter quelques corrections de détail aux textes actuellement en application. Il faut toutefois attendre la décision du Conseil constitutionnel pour nous déterminer de manière plus précise.

Monsieur Geoffroy, la médecine légale a fait l'objet d'une modification de son fonctionnement, en début d'année, laquelle ne donne pas satisfaction. Le garde des sceaux et moi-même avons pris la décision de principe de revenir dessus, une fois que nos directions générales, qui travaillent en commun, auront rendu leur rapport.

Cette modification, dois-je le rappeler, a tendu à spécialiser des services dans l'accueil de la médecine légale. J'ai entendu en début d'année à la radio – je n'étais pas encore ministre de l'intérieur – un syndicaliste de la police expliquer que tous les véhicules de patrouille disponibles étaient affectés au transport d'interpellés vers l'hôpital, ce qui prenait beaucoup de temps. Nous avons le même problème pour la thanatologie, qui consomme elle aussi beaucoup du temps des fonctionnaires de police et immobilise trop de véhicules de patrouille. Auparavant, on demandait au médecin de passer.

Un autre inconvénient, très regrettable, concerne les victimes, qui sont désormais priées d'aller dans des services si éloignés qu'elles ne s'y rendent pas, ce qui nuit à l'expression de leurs droits.

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