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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 26 octobre 2011 à 21h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation

Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative :

Je suis heureux de défendre ce budget devant vos deux commissions réunies.

En m'interpellant sur le sens des réformes, M. Censi me permet d'introduire mon propos liminaire. Le défi majeur que doit aujourd'hui relever l'éducation nationale est celui de la personnalisation. En cent vingt ans, l'école de la République aura connu trois grandes révolutions. Il y a eu l'école gratuite, laïque et obligatoire à la fin du XIXesiècle, puis la démocratisation – d'aucuns diraient la massification – à la fin du XXesiècle, entre 1975 et 1995 : en l'espace d'une génération, on est passé de 20 % à 70 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat. Mais nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de cette massification ni suffisamment modifié le fonctionnement interne de notre système éducatif. On ne peut travailler de la même façon avec 70 % d'une classe d'âge dans la classe qu'avec 20 %. C'est ce qui justifie la politique que nous portons depuis quatre ou cinq ans, celle de la personnalisation. Il faut passer de l'école pour tous à la réussite de chaque élève. C'est bien d'aller à l'école ; encore faut-il en sortir avec une qualification. Rappelons qu'un jeune qui quitte le système scolaire sans diplôme a trois fois plus de risques d'être au chômage que son camarade diplômé. Le diplôme est donc la meilleure réponse à la crise. Or entre 150 000 et 180 000 jeunes quittent encore chaque année le système scolaire sans qualification. Le nombre d'étudiants échouant à la fin de la première année d'université, malgré l'engagement et le travail de nos enseignants, est un autre gâchis.

La réponse à ce constat, c'est la personnalisation. Personnalisation des parcours, avec une orientation progressive, choisie, réversible, mais aussi personnalisation des pédagogies. Toutes les réformes que nous avons engagées depuis 2007 vont dans ce sens, qu'il s'agisse de la réforme du primaire, avec la mise en place de l'aide personnalisée, de l'accompagnement éducatif au collège, avec la prise en charge des élèves en difficulté après 16 heures, pour une aide aux devoirs ou des activités culturelles, ou de la réforme du lycée. Je pense aussi aux stages de remise à niveau, qui permettent de remédier aux difficultés au sein même de l'établissement scolaire.

Vous m'avez également interrogé sur le resserrement des liens avec l'enseignement supérieur. Au-delà de l'organisation gouvernementale, il est en effet important d'assurer une bonne coopération entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. J'en donnerai deux exemples récents. Le premier est celui de la mise en place de la réforme de la formation des maîtres. Désormais, les futurs enseignants sont formés à l'université, comme dans la plupart des grands pays développés. Si nous voulons prétendre à l'excellence pour nos universités, c'est là que nos professeurs doivent être formés. Nous avons donc beaucoup oeuvré, Valérie Pécresse et moi-même, à l'harmonisation des relations entre l'institution qui forme – l'université – et celle qui va recruter – le ministère de l'éducation nationale. Nous avons ainsi mis en place à la rentrée, avec le ministère de l'enseignement supérieur, des masters en alternance pour permettre aux étudiants qui suivent un master disciplinaire ou en sciences de l'éducation de passer trois à six heures par semaine dans une classe dès l'année de master 1.

Le deuxième exemple est celui de la réforme du lycée. Nous avons beaucoup travaillé sur le parcours d'orientation. Il s'agit de préparer les élèves à l'entrée à l'université, qui est souvent un saut dans le vide, dans l'idée d'une orientation progressive. Chacun a droit à l'erreur, mais il faut que le système éducatif soit capable de réorienter les jeunes concernés très tôt, sans leur donner un sentiment d'échec.

Vous avez émis quelques doutes sur le fonctionnement du dispositif APB. Il a pourtant mis fin à la « loi de la jungle » qui prévalait en matière d'orientation, et à une certaine méconnaissance des différentes formations possibles. Il fonctionne plutôt bien : 83 % des bacheliers ayant formulé un voeu se sont vu faire une proposition, la proportion montant à 96 % chez les bacheliers du baccalauréat général. Certes, le dispositif est parfois complexe, mais Laurent Wauquiez travaille à des améliorations, notamment pour que les élèves puissent faire machine arrière dans leur parcours d'inscription.

Vous avez par ailleurs évoqué la médecine scolaire. Le rapport que la Cour des comptes a remis au Parlement en octobre reconnaît que la médecine scolaire présente, dans sa forme actuelle, un grand intérêt. Nous avions prévu 112 recrutements l'an dernier, mais nous nous heurtons comme partout au problème de l'attractivité des métiers de la médecine. La difficulté à recruter des médecins – que vous connaissez bien comme élu d'un département rural – vaut aussi pour la médecine scolaire. C'est pourquoi nous avons décidé d'affecter en 2012 une partie du retour catégoriel – c'est-à-dire de l'affectation de la moitié des économies réalisées grâce au non remplacement d'un départ à la retraite sur deux – à la revalorisation de la rémunération des médecins scolaires en début de carrière, pour rendre ces postes plus attractifs. J'ai également signé une convention avec la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). J'ai enfin demandé à ce que les ARS se mobilisent pour établir des coopérations entre médecine de ville et éducation nationale à l'échelle des bassins de vie, afin de pallier les défaillances lorsque nous n'avons pas pu recruter de médecins.

S'agissant du coup de rabot d'un milliard d'euros, il est à ce jour prévu de prélever 19 millions d'euros sur les crédits de mon ministère, soit 0,48 % des crédits hors titre II. Pour les compenser, nous proposons que les opérateurs mobilisent à hauteur de six millions d'euros leurs fonds de roulement – lesquels représentent tout de même quelque 80 millions. Nous proposons également de recaler les crédits prévus en 2012 pour les bourses et, de manière plus marginale, pour les fonds sociaux sur les exécutions constatées en 2010 et 2011.

Pour ce qui est de la loi Censi, nous avons eu de nombreux échanges avec le secrétaire général de l'enseignement catholique, notamment pour évaluer les moyens nécessaires à sa complète entrée en vigueur. Nous convenons de leur ampleur. Nous pensons que la proposition de loi Warsmann qui doit être prochainement examinée au Sénat serait un véhicule législatif idoine pour apporter les améliorations nécessaires. Je suggère de travailler en ce sens avec le rapporteur du Sénat.

M. Gaudron et M. Breton, dont j'ai apprécié le constat équilibré sur le sujet, m'ont interrogé sur les RASED. Ces réseaux tels qu'ils fonctionnaient jusqu'en 2008, contrairement à ce qui est parfois dit de manière caricaturale, ne donnaient pas entière satisfaction. Ils faisaient déjà l'objet de critiques, notamment de la part de certains chercheurs en sciences de l'éducation. La principale de ces critiques portait sur leur manque d'investissement dans les écoles : les RASED intervenaient parallèlement aux équipes pédagogiques, sans assez d'interaction avec les maîtres travaillant au quotidien avec les élèves.

Mon prédécesseur avait entamé des réformes que nous avons poursuivies, notamment la sédentarisation des RASED. Dans la réforme du primaire de 2008, ont aussi été redéfinis les rôles respectifs dans une même classe des maîtres et des éducateurs spécialisés. Chaque maître consacre désormais deux heures de son service hebdomadaire à du soutien personnalisé. Nous avons également organisé des stages de remise à niveau, dont 244 000 élèves de CM1 et de CM2 ont bénéficié cette année, soit 15 % d'une classe d'âge, ce qui est exactement la proportion d'élèves rencontrant des difficultés en lecture et écriture. Nous avons aussi mis en place un accompagnement éducatif dans les écoles d'outre-mer ainsi que dans les ZEP, et lancé le projet personnalisé de réussite scolaire pour les élèves les plus en difficulté.

La politique d'utilisation des RASED aussi a évolué. Une circulaire de juillet 2009 l'a recentrée sur la prise en charge des élèves en grande difficulté. En 2010-2011, on dénombrait 12 304 enseignants, soit 12 047 équivalents temps plein, sur des postes RASED, dont 3 667 psychologues. L'action de ces derniers doit être confortée et leur nombre sanctuarisé. J'ai proposé aux syndicats, qui le réclamaient depuis longtemps, que les psychologues soient désormais recrutés au niveau du mastère. Cela se justifie au vu de l'utilité de leur mission. La réévaluation du dimensionnement et de l'efficacité de l'action des maîtres E et des maîtres G se poursuivra : la distinction entre les deux n'a pas vocation à disparaître tant que nous ne disposerons pas d'une évaluation plus fine.

En conclusion sur le sujet, le maillage de l'aide spécialisée sur l'ensemble du territoire doit être optimisé et cette aide doit être recentrée sur les élèves en grande difficulté afin que moins d'enfants quittent le premier degré sans maîtriser les savoirs fondamentaux.

M. Le Menèr m'a interrogé sur l'enseignement professionnel. La voie professionnelle n'est pas assez connue au collège. Nous entendons y remédier grâce à la généralisation du parcours de découverte des métiers et des formations : en classe de cinquième, cela passe par la découverte d'une large palette de métiers de tous niveaux, des visites sur site, des contacts avec les professionnels ; en classe de quatrième, par la présentation des différentes voies de formation et une journée entière passée dans un autre établissement de formation ; enfin, en classe de troisième, par une séquence obligatoire pour tous d'observation en milieu professionnel.

Tous les élèves de collège et leurs enseignants seront ainsi mieux sensibilisés à l'enseignement professionnel. Nous pourrons, si vous le souhaitez, discuter du collège unique. Ce n'était pas l'appellation initialement retenue par René Haby : la loi qui porte son nom prévoyait la mise en place d'un « collège pour tous ». L'important est en effet que tous les élèves d'une classe d'âge aillent au collège, pas qu'ils y fassent tous la même chose. Il faut être cohérent : on ne peut pas à la fois défendre la personnalisation des parcours et soutenir que tous les collégiens devraient suivre exactement le même. Il faut une différenciation, sans que celle-ci ne devienne une pré-orientation qui, dès l'âge de 12 ou 13 ans, affecte dans certaines filières sans retour possible. Les expérimentations engagées doivent être élargies et approfondies. Ce sera le cas à la rentrée 2012 avec les classes de 3ème « prépa pro », dont les premières ont été ouvertes cette année. Elles remplaceront définitivement les 3ème DPG qui accueillent aujourd'hui 31 000 élèves. Nous devons également développer l'alternance, aujourd'hui proposée dès la 4ème, entre le collège et les entreprises, les lycées professionnels ou les CFA. Le Président de la République m'a demandé de réfléchir à une alternance renforcée dans le cadre de la préparation à la voie professionnelle.

M. Diefenbacher m'a interrogé sur la scolarisation des enfants handicapés, notamment sur les personnels leur venant en aide. Il est vrai que ceux-ci ont longtemps été recrutés sous contrat précaire, qu'il s'agisse de contrats aidés ou parfois d'assistants d'éducation, ce qui a pu s'en ressentir en matière de formation. Il y aujourd'hui 60 % de plus d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire que lors du vote de la loi de 2005. Nous y avons mis les moyens : en 2011, les crédits consacrés à cet effet ont progressé de 13 % et ils augmenteront encore de 30 % en 2012. Nous avons ouvert des classes ULIS et CLIS supplémentaires et recruté davantage de personnels d'accompagnement.

Nous rencontrions jusqu'alors plusieurs difficultés : manque de formation, précarité des contrats et difficulté à changer d'intervenant auprès de l'enfant une fois qu'un lien très fort s'était créé avec lui et sa famille. Nous avons signé des conventions avec les associations de parents d'enfants handicapés de façon qu'elles puissent, à la fin d'un contrat, reprendre l'intervenant, même si les personnels restent rémunérés par l'État.

Le Président de la République avait annoncé lors de la conférence nationale sur le handicap le recrutement de 2 000 assistants de scolarisation – c'est là une nouvelle dénomination. Ces professionnels, qui ne seront pas en contrat aidé, bénéficieront d'une formation et d'un accompagnement spécifiques. Mille six cent cinquante ont déjà été recrutés. Nous disposons aujourd'hui du nombre d'auxiliaires de vie scolaire prescrits par les MDPH. Pour autant, il se peut que dans certains départements, on observe un décalage entre les besoins recensés au niveau local et les affectations de crédits de la part des services de l'État. Nous travaillons à une meilleure coordination pour que les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) soient bien présents là où on en a besoin.

S'agissant de la crise du recrutement des enseignants, j'ai lu beaucoup d'articles relevant soit d'une mauvaise information soit d'une désinformation. Nous avons allongé d'un an la formation initiale des enseignants, désormais recrutés au niveau du mastère et non plus de la licence. Or, il y a dans notre pays deux fois moins d'étudiants en mastère qu'en licence. Une sélection est donc déjà opérée en amont par l'université, dont il faut d'ailleurs se féliciter, mais qu'il convient de prendre en compte.

Beaucoup d'analyses s'appuient sur les chiffres de l'an dernier, qui était une année de transition avec une cohorte qui a pu passer deux fois le concours, ce qui biaise les données. Pour les concours externes du second degré, il y avait 69 351 candidats inscrits pour 8 600 places. Le nombre d'inscriptions a augmenté de 11,3 % à l'agrégation, de 5,3 % au CAPES et, pour la première fois depuis très longtemps, de 20% aux concours de professeur de mathématiques, où on rencontrait des difficultés chroniques. Pour le premier degré, le nombre d'inscrits n'a pas varié, restant comme l'an passé de 42 000.

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