La mission « Pouvoirs publics » recouvre six dotations et respecte le principe d'autonomie financière des pouvoirs publics qui découle de la séparation des pouvoirs, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2001 relative à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
J'ai choisi d'axer cette année le contrôle de cette mission sur la question des transports et des déplacements. J'en profite pour remercier les différents acteurs de la mission, qui se prêtent volontiers aux activités de contrôle, à l'occasion d'une rencontre désormais bi-annuelle – dont le principe avait été arrêté dès 2007, lorsque j'ai pris en charge de cette mission.
Avant d'en venir aux questions, je souhaite faire une remarque liminaire, qui, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, ne s'adresse pas à vous, monsieur le ministre, puisqu'elle a trait aux dotations des assemblées parlementaires.
Les dotations de l'Assemblée nationale et du Sénat devaient initialement être stabilisées en euros courants pour la première, et en euros constants pour la seconde. Les deux assemblées ont fait le choix d'une diminution supplémentaire d'environ 3 %, par voie d'amendement, lors de la discussion budgétaire. Par conséquent, les deux dotations seront réduites en euros courants et constants.
En outre, les deux assemblées seront vraisemblablement amenées à utiliser leurs ressources propres ou disponibilités financières pour financer en partie – certes modeste – les dépenses de fonctionnement, en rupture avec la règle de bonne gestion qui avait prévalu jusqu'alors et qui consistait à consacrer ce type de ressources exclusivement au financement des investissements.
Les années précédentes, j'avais déjà eu l'occasion de souligner que la démocratie a un coût, qui doit être assumé, et que la volonté d'affichage ne doit pas prévaloir sur la bonne gestion. Je considère cependant que cette réduction des crédits par les deux assemblées est un signal donné aux Français dans un contexte économique et social extrêmement difficile, et qu'elle était par conséquent nécessaire.
J'en arrive aux questions ; elles ont trait, pour deux d'entre elles, à la dotation de la Présidence de la République, et, pour les deux autres, à la situation de la Cour de justice de la République.
Si je me félicite à nouveau des progrès substantiels obtenus depuis le début de la législature en matière de transparence sur la dotation de la Présidence de la République, je constate que cette démarche rencontre des limites.
Par exemple, alors que j'avais fait la demande d'éléments détaillés concernant les déplacements, je n'ai obtenu que des coûts globalisés et des réponses générales et partielles au questionnaire de contrôle annuel, pourtant très précis.
Autre exemple, l'exécution des comptes pour 2010 montre qu'une provision pour risques et charges a été réalisée à hauteur de 3 138 750 euros, afin, d'une part, d'anticiper les débours éventuels d'aide au retour à l'emploi à verser aux contractuels dont le contrat prend fin à la date d'échéance de fin du mandat présidentiel, et, d'autre part, de budgétiser des travaux lourds urgents. Cette provision, d'un montant non négligeable, altère la lisibilité de l'évolution des dépenses d'une année sur l'autre ; de plus, aucune provision n'est mentionnée dans le projet de loi de finances pour 2012, alors que l'Élysée avait indiqué que la provision correspondait au tiers du risque évalué, et qu'elle serait budgétisée sur trois ans, en 2010, 2011 et 2012.
Vous trouverez dans mon rapport d'autres exemples de ce type. Quand sera-t-il possible, monsieur le ministre, d'obtenir une totale transparence du budget de la Présidence de la République, avec un périmètre constant ?
Par ailleurs, chaque année, des informations ou données chiffrées sont fournies par le rapport de la Cour des comptes sur la gestion élyséenne, dont le rapporteur ne dispose pas. Par exemple, concernant l'exercice 2010, la Cour mentionnait un voyage en Haute-Marne qui a retenu le Président du début de la matinée au début de l'après-midi, et qui aura, en coût complet, représenté une dépense de 284 614, 65 euros. J'essaie chaque année, sans succès, d'obtenir le détail de ce type de déplacements. La Présidence de la République est-elle autant convaincue que moi de la légitimité et la primauté du contrôle parlementaire ?
S'agissant de la Cour de justice de la République, l'État et ses services bloquent depuis deux ans la reconduction de son bail, bien que le bailleur, AZUR-GMF, ait proposé de réduire le loyer de 25 000 euros – ce qui se traduit donc par une perte de 50 000 euros.
Je pense qu'un déménagement immédiat serait coûteux, sachant que la Cour pourrait s'installer dans les locaux laissés vacants par le Palais de justice de Paris quand celui-ci se transportera sur le site des Batignolles, dans le 17e arrondissement, et sachant que le bail en vigueur autorise le preneur à le résilier à tout moment, avec un préavis de six mois, en cas de transfert de service. Monsieur le ministre, laisserez-vous la Cour de justice de la République prolonger son bail en toute sérénité, pour le plus grand bien des deniers publics ?
Cette Cour n'est pas une émanation du ministère de la Justice, ni un démembrement de la Cour de cassation. Appartenant à la mission « Pouvoirs publics », elle dispose d'une autonomie financière et de la possibilité de prendre ses décisions librement, notamment s'agissant du montant du loyer et de son bail. Il n'est pas sain qu'elle reçoive régulièrement des injonctions de la part de l'État. Monsieur le ministre, considérez-vous la Cour de justice de la République comme un pouvoir public à part entière ? Quand cesserez-vous d'affaiblir la portée de l'autonomie de cette juridiction d'exception, conçue comme telle par le législateur ?