Dans la période d'austérité budgétaire que nous traversons, les dotations de la mission « Immigration, asile, intégration » devraient progresser de plus de 12 % par rapport aux prévisions pour 2011. Les crédits atteindraient ainsi 632 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, auxquels s'ajoutent environ 160 millions d'euros mobilisés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au-delà des financements qu'il reçoit du budget de l'État. L'ensemble des moyens consacrés par plusieurs ministères à la politique de l'immigration représente au total un peu plus de 4,3 milliards d'euros en 2012
Quant à la mission, l'augmentation de ses moyens correspond pour près de 120 % à un rebasage nécessaire des crédits d'asile, régulièrement dépassés par la croissance forte et continue de la demande.
Le budget pour 2012 prolonge le renfort accordé à l'OFPRA, qui instruit les demandes d'asile, en maintenant l'emploi de 30 officiers de protection supplémentaires jusqu'au 15 décembre au lieu du 30 juin pour déstocker les dossiers en instance prolongée – on en compte encore 14 000 en septembre 2011. Il prévoit également le recrutement de nouveaux rapporteurs pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont le nombre aura déjà presque doublé depuis la fin 2010. Ces dispositions ont été prises afin de réduire les délais de traitement des demandes d'asile, qui ont dérivé, sous les afflux massifs de ces dernières années, pour atteindre en moyenne plus de 20 mois. Cela retarde la reconnaissance de situations qui justifient une protection et pèse lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Au rythme actuel des demandes d'asile, le renfort accordé à l'OFPRA ne lui permettra cependant de commencer à résorber son stock qu'à compter du milieu de l'année prochaine – à condition que la demande ne s'accélère pas encore. En attendant, les délais de traitement continuent à s'allonger.
Par ailleurs, l'activité de la CNDA ayant fortement augmenté grâce au doublement de ses équipes, mais aussi du fait de la hausse du nombre des décisions prises par l'OFPRA, cela nécessite une plus grande mobilisation des moyens de défense de l'Office devant la Cour. Or, celui-ci dit avoir atteint ses limites.
Ne serait-il pas dès lors envisageable d'accroître un peu plus ses moyens pour accélérer la reconquête du stock des dossiers en instance et maintenir sa capacité à accompagner les contentieux ? Ne faudrait-il pas pérenniser une partie an moins de ces renforts pour tenir compte d'une demande d'asile qui apparaît durablement soutenue ?
En second lieu, on assiste à une augmentation non négligeable du nombre des dossiers enregistrés dans les DOM-COM, qui étaient 2 541 en 2010 et atteignaient déjà le nombre de 1 680 à la fin du premier semestre de 2011. La pression serait particulièrement sensible à Mayotte et en Guyane. Quels moyens mettez-vous en oeuvre pour que l'éloignement géographique n'aggrave pas les délais d'instruction de ces demandes ? Accessoirement, pouvez-vous préciser les délais moyens constatés à ce jour et le nombre des dossiers en instance ?
Ma troisième question concerne les dotations allouées aux dispositifs d'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente (ATA) dont peuvent bénéficier les demandeurs d'asile qui n'ont pu avoir accès aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). Elles sont substantiellement rebasées par le projet de loi de finances pour 2012, avec une augmentation de 127 %, soit près de 91 millions d'euros, pour l'hébergement d'urgence, et de 66 %, soit presque 90 millions, pour l'ATA. Malgré cet effort budgétaire, les prévisions s'inscrivent très en deçà des consommations constatées en 2011 : les dépenses d'hébergement d'urgence financées par le programme 303 de la mission pourraient atteindre 135 millions et celles relevant de l'ATA, 137 millions, hors report de charges de 2010 sur 2011. Le différentiel est conséquent, malgré les économies attendues à tous les niveaux du dispositif.
Comment espérez-vous contenir ces dépenses au niveau proposé pour 2012, notamment pour ce qui concerne les nuitées hôtelières ? Comment sera financé le reliquat de 130 millions de prestations de l'ATA avancées par Pôle emploi ?
Quatrième question. Pour simplifier et accélérer cette étape, la compétence du traitement de l'admission au séjour des demandeurs d'asile a été donnée aux préfets du département chef-lieu de la région, ce qui en fait l'unique porte d'entrée de la région. Les modalités du premier accueil et de l'accompagnement des demandeurs d'asile ont été réformées en conséquence en adossant des plates-formes uniques à ces départements « points d'entrée ». Cette réorganisation a cependant favorisé une concentration des populations concernées sur lesdits départements, dont certains se sont trouvés débordés par les besoins de prise en charge sur leur territoire. Une circulaire du 24 mai 2011 a donc engagé les préfets de ces points d'entrée à « impulser des mécanismes de mutualisation de l'ensemble des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile (...) afin de les répartir de manière équilibrée entre les départements d'une même région ».
J'ai personnellement constaté, à l'occasion de diverses rencontres, que cette régionalisation de la prise en charge est loin d'être aboutie – voire concrètement engagée. Je relève par ailleurs que le pourcentage des orientations vers les CADA effectuées au niveau national pour soulager les territoires les plus chargés est en diminution entre 2010 et 2011, alors que c'est le seul mécanisme permettant une péréquation interrégionale.
Quelles mesures prendrez-vous pour réaliser une véritable mutualisation de l'ensemble des capacités d'accueil des demandeurs d'asile, tant pour les places de CADA que pour les dispositifs d'hébergement d'urgence dédiés ? Comment pourrait-on mobiliser l'ensemble du territoire national en vue d'une répartition plus équilibrée de la prise en charge, quels que soient les points d'entrée ?
En cinquième lieu, le dispositif d'aide au retour volontaire tel qu'il est conçu, a été accepté comme une alternative par un tiers environ des personnes faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire. Il apparaît cependant que les deux tiers des bénéficiaires en 2010 et plus de la moitié encore au premier semestre 2011 sont des ressortissants communautaires, qui pourront de plein droit revenir en France. On peut donc s'interroger sur l'efficacité d'une aide qui ne favorise en rien le retour durable dans le pays d'origine.
Comment l'utilisation de ces fonds pourrait-elle être optimisée ? Ne devrait-on pas les employer plutôt à des actions d'insertion, ou les réorienter vers les actions développées dans le cadre des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ?
Où en est, par ailleurs, la mise en place d'un régime européen commun du droit d'asile ?
Enfin, à quel niveau se situe la France en matière de prise en charge des demandeurs d'asile ?