Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Sauvadet

Réunion du 4 novembre 2011 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

François Sauvadet, ministre de la fonction publique :

Comme vous l'avez relevé, monsieur Francina, avec 230 millions d'euros, le budget dont j'ai la responsabilité est en augmentation. Vous avez souligné également que cette augmentation étaie due à des postes très spécifiques. Ainsi, l'accompagnement des personnes âgées en difficulté, qui était une demande des organisations syndicales, avec lesquelles nous avons beaucoup travaillé, bénéficie d'une enveloppe de 10 millions d'euros. Nous sommes en train d'examiner les conditions dans lesquelles nous allons concentrer cet effort sur les personnes les plus en difficulté.

La semaine dernière, et pour la première fois dans l'histoire, le Comité interministériel d'action sociale, qui est présidé par la CFDT, a adopté à l'unanimité le budget de l'action sociale. Cela témoigne que le dialogue social peut survivre en dépit des contraintes budgétaires que nous connaissons. Nous avons fait le choix d'une méthode à la française, « gagnant-gagnant », de gestion de la modernisation du service au public.

Je renvoie ceux qui parlent d'une paupérisation de la fonction publique au rapport de la Cour des comptes. On ne peut pas, dans le même temps, reconnaître que le niveau de retour aux fonctionnaires des économies induites a dépassé ce qui avait été prévu, et prétendre qu'il n'y a pas eu d'amélioration. Il y a eu un dialogue social extrêmement nourri, qui se traduit par une concertation permanente.

J'ai noté avec une grande satisfaction, monsieur le rapporteur spécial, ce que vous avez dit des grandes écoles de la République. Je sais que vous avez vous-même rencontré le directeur et les élèves de l'ENA. Vous avez mesuré la qualité des classes préparatoires intégrées, aussi bien dans les cinq instituts régionaux d'administration (IRA) qu'à Paris. J'invite ceux qui les présentaient comme des gadgets à rencontrer ces élèves issus de la diversité. En dépit de parcours parfois difficiles, ils manifestent un engagement fort au service de la République, une volonté de parvenir et de réussir qui mérite d'être accompagnés, comme j'ai pu le constater encore hier à Bastia.

Le sujet du classement de sortie de l'ENA n'est pas nouveau. La représentation nationale s'en est elle-même saisie en adoptant la suppression de ce classement via un amendement contestable, non pas sur le fond, mais sur la forme : il s'agissait en effet d'un cavalier législatif.

Sur ce dossier, j'ai beaucoup consulté. Le directeur de l'ENA m'a fait part de sa volonté de moderniser ce système de recrutement de la plus haute fonction publique, qui fait que les mieux classés choisissent leur destin, alors que ceux qui se trouvent en bas du classement se retrouvent dans les tribunaux administratifs ou les chambres régionales des comptes même s'ils souhaitent travailler dans d'autres secteurs. Tout cela mérite d'être modernisé !

Si les anciens élèves ont formulé des réserves, par nostalgie peut-être, j'ai constaté chez les élèves actuels une attente de modernisation. J'ai également entendu le vice-président du conseil d'État, qui est également le président du conseil d'administration de l'ENA, ainsi que M. Jean-Pierre Jouyet, président du comité de mise en oeuvre de la réforme de l'État. À l'issue de ces consultations, j'ai acquis la conviction, en plein accord avec le Premier ministre et le président, qu'il fallait réformer les modalités de recrutement, en s'assurant qu'elles continuent de satisfaire l'exigence d'impartialité et de préserver de toute tentation de népotisme.

Nous avons mis en place un dispositif, dont certains pointent d'ores et déjà du doigt la complexité avant d'en avoir mesuré tous les contours et alors même qu'il a été validé par le Conseil d'État.

À l'issue de sa scolarité, chaque énarque adressera un dossier anonyme au corps ou au ministère qu'il souhaite intégrer. Il sera convié à un entretien par son employeur potentiel, qui décidera de retenir ou non sa candidature, une commission composée de trois personnes étant chargée de valider les affectations. Cette nouvelle procédure permettra de moderniser le recrutement dans la haute administration, autorisant la rencontre entre les aspirations de l'impétrant et celles de l'employeur.

S'agissant d'une école aussi prestigieuse, je comprends que cette réforme fasse débat, mais il faut raison garder : il ne s'agit pas d'une révolution ! En outre, cette réforme touche quatre-vingts personnes, à l'issue d'un parcours solide. Dans ces conditions, l'évocation des risques d'une telle réforme me paraît plutôt exprimer une nostalgie plutôt que traduire une projection dans l'avenir, dans lequel, avec le Gouvernement, je m'inscris clairement. Quoi qu'il en soit, c'est via un amendement au projet de loi relatif à la lutte contre la précarité dans la fonction publique que je proposerai cette réforme au Sénat, où je sais que Jean-Pierre Sueur fourbit ses armes avec un soin tout particulier.

Nous avons beaucoup travaillé avec les organisations syndicales sur l'aide au maintien à domicile (AMD), afin de faire porter l'essentiel de l'effort sur les publics les plus en difficulté. Une enveloppe de 10 millions supplémentaires a été accordée. J'ai souhaité qu'on prenne le temps de poursuivre le dialogue avec les organisations syndicales. Notre volonté est qu'elle soit opérationnelle au 1er mars 2012. Je vous propose de tenir les rapporteurs spéciaux informés de l'avancement de ce dossier.

On estime que cette aide concernera 5 000 personnes. Nous avons convenu, à l'issue de deux réunions de travail avec le Comité interministériel d'action sociale, de confier la gestion de l'AMD à la Caisse nationale de l'assurance vieillesse. Pour les cinq premières tranches de revenus, cette aide s'élèvera de 1 147 euros à 1 198 euros pour une personne seule. J'envisage de présenter l'ensemble du dispositif le 13 décembre, lors de la prochaine réunion du Comité interministériel d'action sociale.

La règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a été beaucoup décriée, certains jugeant même la méthode brutale. J'invite ces derniers à regarder ce qui se passe chez nos voisins européens, qui sont confrontés aux mêmes contraintes budgétaires. En Angleterre, où le périmètre de la fonction publique est similaire au nôtre, 300 000 emplois seront supprimés au cours des trois prochaines années. Alors qu'ailleurs, on diminue les traitements et les pensions de retraite, la Cour des comptes a considéré que le Gouvernement avait même été au-delà de l'engagement du Président de la République de jouer « gagnant-gagnant » dans la réforme de la fonction publique.

La règle du « 1 sur 2 » est à mettre en parallèle avec les réformes engagées, telles que le plan de modernisation de la défense, la fusion de l'administration des impôts et du Trésor, ou la dématérialisation des procédures. Je ne me satisferai jamais de l'idée que c'est en ne changeant rien qu'on assurerait le meilleur service au public : la fonction publique doit évoluer pour s'adapter à une société en mutation !

Cette règle permettra en effet la suppression de 30 400 ETP en 2012, dont 14 000 dans l'éducation nationale. Dans cette administration, une meilleure organisation de la carte scolaire permettrait de réaliser des économies. Dans certaines des 343 communes que compte ma circonscription, il arrive qu'on maintienne des classes uniques de neuf élèves, alors qu'il suffirait de constituer un pôle garantissant une offre scolaire de proximité. J'invite chacun à faire preuve de responsabilité. Est-il normal que la Corse compte 40 % de fonctionnaires ?

Je conviens que la réforme provoque des changements importants. Ainsi, la réforme de l'administration territoriale (RéAT), et la création de directions départementales interministérielles ont pu provoquer des pertes de repères. J'ai d'ailleurs placé au coeur du dialogue social la question des risques psychosociaux, qui sera débattue notamment dans le cadre des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le management et l'accompagnement des agents vont devenir un élément majeur de la réussite de la réforme dans un monde en mutation. La formation participera aussi de cet effort de modernisation de notre fonction publique – je vous rappelle que l'ensemble des ministères y consacre 2,2 milliards d'euros au total.

Par ailleurs, je tiens tout particulièrement, comme l'ensemble du Gouvernement, à ce que le projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire, qui doit être soumis au Sénat à la mi-décembre, soit voté avant la fin de la législature, l'État devant se montrer exemplaire en la matière.

Les trois fonctions publiques comptent environ 891 000 agents en contrats à durée déterminée. Si le recours à ces contrats est parfois indispensable, trop souvent il sert à assurer des emplois permanents. On voit ainsi des contrats de trois ou six mois être renouvelés pendant une dizaine d'années. C'est un problème récurrent, quelle que soit la majorité : il y a eu seize plans de titularisation depuis 1946.

La nouveauté, c'est que nous proposons qu'au bout de six ans les CDD soient transformés automatiquement en CDI. Pour les personnes concernées, cela représenterait une avancée considérable. Par ailleurs, chaque ministère ouvrira l'accès à la titularisation à ceux qui ont occupé le même emploi pendant quatre ans, et pour les quatre ans à venir. La valorisation des acquis de l'expérience ne devra pas se faire au détriment de ceux qui ont fait l'effort de suivre des formations et de passer des concours. Par parenthèses, je me félicite qu'on s'apprête à supprimer la notation pour privilégier l'entretien dans l'évaluation du parcours professionnel des agents des collectivités.

Je suis très engagé en faveur de la parité hommes-femmes. Aux quotas, je préfère l'idée de promouvoir, à compétences égales, un égal accès des hommes et des femmes à tous les postes hiérarchiques. Plutôt que de réserver certains postes à des femmes, il convient de faire en sorte que le parcours professionnel, et en particulier le temps de travail, soient compatibles avec l'exercice d'une vie personnelle et familiale. J'ai donc rencontré Mme Guégot, et engagé, dans le cadre de l'agenda social, une négociation avec les organisations syndicales. Par ailleurs, une disposition du projet de loi qui doit être présenté au Sénat rend obligatoire la remise au Conseil commun de la fonction publique – qui devrait être installé à la fin de l'année – d'un rapport annuel sur l'état d'avancement de la politique visant l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions de direction.

Il est anormal que les femmes, qui représentent 60 % des effectifs de la fonction publique française, n'aient accès qu'à 8 ou 9 % des postes de haute responsabilité. Notre administration a le devoir de se montrer exemplaire dans ce domaine.

Mme la ministre ayant parfaitement répondu à la question de M. Vergnier sur les retraites, je n'y reviendrai pas.

Je partage la préoccupation exprimée par M. Derosier sur le logement social, et je confirme qu'une mission de l'inspection générale de l'administration est en cours. Elle doit permettre d'optimiser l'offre de logements sociaux – en particulier s'agissant du contingent préfectoral de 5 % – et d'améliorer leur gestion. Cette mission, lancée en lien avec les organisations syndicales, est le prélude à une remise à plat du système.

J'ai proposé une nouvelle gouvernance du suivi de l'action sociale, que le Comité interministériel d'action sociale a validée. Désormais, le pilotage sera effectué à un rythme trimestriel. Je n'exclus pas d'examiner la situation territoire par territoire, dans la mesure où la question du logement – notamment s'agissant des agents occupant un premier emploi – ne se pose pas de la même manière en Île-de-France et dans d'autres régions. Il nous faut donc une gestion adaptée.

J'en viens aux résultats des élections professionnelles, un sujet évoqué ce matin au sein du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État. Pour la première fois, 3 millions d'agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'État étaient appelés à voter pour élire leurs représentants. Lors d'un nouveau rendez-vous, en 2014, l'ensemble de la fonction publique sera concerné. Ces élections doivent permettre de renouveler la composition d'un certain nombre d'instances, comme les commissions administratives paritaires ou les comités techniques. Elles permettront également aux agents – c'est la nouveauté – d'élire leurs représentants au sein du Conseil commun de la fonction publique.

Bien entendu, nous avons tout fait pour que les agents participent à ce grand rendez-vous de la démocratie sociale. Le Gouvernement a fait un effort considérable pour sensibiliser les publics concernés par ces élections, notamment ceux qui étaient appelés aux urnes pour la première fois, comme les contractuels et les ouvriers spécialisés. Non seulement nous nous sommes adressés directement à 3 millions de personnes, mais nous avons appelé l'attention des DRH de tous les ministères sur l'importance de l'enjeu. À Bercy, ce travail a été d'une particulière qualité puisque ce ministère a connu un taux de participation parmi les plus élevés : 83 %. En moyenne, et si l'on ne compte pas le ministère de l'éducation nationale, le taux de participation a été supérieur à ce qui avait été enregistré dans le passé : 76 % contre 75. Les électeurs étaient un peu plus nombreux : 434 000.

Il est vrai que deux problèmes se sont posés. Tout d'abord, un dysfonctionnement est survenu au ministère de la justice, qui a empêché l'arrivée des bulletins dans les délais. Afin de ne pas priver certaines personnes de leur droit de vote, notamment par correspondance, nous avons, avec le garde des sceaux, pris la décision de reporter les élections au 22 novembre, date des élections à France Télécom.

Pour ce qui concerne les personnels de l'éducation nationale, le taux de participation est passé de 64 % à 38,5 %, ce qui a été pour moi une surprise. Mais il est trop commode de faire porter la responsabilité de cette chute sur le mode de votation, comme l'ont fait certains représentants syndicaux. Je rappelle que le vote électronique a été également employé à La Poste, où le taux de participation a été de 80 %. De plus, les agents disposaient de sept jours pour voter : un tel délai donnait à une personne jugeant la procédure trop complexe le temps de se renseigner. Enfin, j'observe que, l'année précédente, dans l'enseignement supérieur et la recherche, nous avions connu, avec un mode de votation traditionnel, un taux de participation de 30 %. C'est donc bien rapidement que l'on a accusé le vote électronique, un mode de votation moderne auquel je crois beaucoup.

Dans ces conditions, je n'ai aucunement l'intention de lancer une enquête administrative. En revanche, j'ai décidé de réunir d'ici à la fin du mois de décembre les organisations syndicales et les responsables des votes de l'ensemble des ministères afin de tirer les leçons du scrutin et de développer les bonnes pratiques.

J'ai déjà indiqué à quel point la prise en compte des risques psychosociaux était une de mes préoccupations. J'apprécie, dans ce domaine, la responsabilité dont font preuve les organisations syndicales. Lorsque l'on est déjà en situation de fragilité pour des raisons personnelles, le fait de connaître d'importants changements professionnels peut prendre une tout autre dimension. Une bonne pratique managériale doit donc nous inciter à prendre très au sérieux les risques psychosociaux. Les plateformes RH sont d'ailleurs alertées à ce sujet.

Je comprends la préoccupation de M. Derosier à l'égard de la fonction publique territoriale, mais l'initiative d'une évolution peut également venir des employeurs. Je suis déterminé à travailler sur les convergences, car elles sont déterminantes pour favoriser la mobilité, laquelle est elle-même la clé d'un épanouissement dans la carrière. Cela implique notamment de pouvoir effectuer une partie de son parcours dans le privé. Or j'ai entendu un très haut fonctionnaire dissuader de jeunes agents de le faire parce que cela pourrait nuire à leur carrière et que le retour dans le corps d'origine serait trop difficile.

Il est temps de faire bouger les choses !

Quoi qu'il en soit, je suis prêt à faire évoluer la fonction publique territoriale. Ainsi, si l'intéressement collectif doit être effectif dans la fonction publique de l'État dès le 1er janvier 2012, je souhaite qu'il puisse en être de même dans les collectivités territoriales.

J'ajoute que la création d'un nouveau corps interministériel à gestion ministérielle (CIGEM) est une avancée importante en faveur de la mobilité.

S'agissant du pouvoir d'achat, nous avons déjà répondu.

Le gel du point d'indice, dont on parle souvent, n'empêche pas la poursuite du déroulement de la carrière. Dans la mesure où le point d'indice n'est qu'un des aspects du traitement des fonctionnaires, il ne faut rien dramatiser. Le recours catégoriel a permis, entre 2009 et 2011, d'allouer 1,4 milliard d'euros supplémentaires à la fonction publique d'État. En euros courants, la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) continue de progresser dans ce versant de la fonction publique, ce qui a représenté une hausse du pouvoir d'achat de 3,5 % en 2009 et de 2 % en 2010. Depuis 2007, cette hausse atteint presque 10 %. Je vous renvoie à cette occasion aux remarques de la Cour des comptes, qui nous reproche presque d'en avoir trop fait dans ce domaine.

La question des sapeurs-pompiers est assez compliquée. En outre, elle relève de la compétence du ministre de l'intérieur. Je vous suggère donc de vous adresser à lui.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion