rapporteur spécial pour les crédits de la stratégie des finances publiques et de la modernisation de l'État, ainsi que pour la conduite et le pilotage des politiques économique et financière. Le projet de loi de finances prévoit de porter les autorisations d'engagement du programme « Conduite et pilotage des politiques économique et financière » – qui sert notamment à financer la communication gouvernementale – à hauteur de 877,6 millions d'euros en 2012, ce qui correspond à une diminution de 5,2 %. Les crédits de paiement baissent quant à eux de 1,8 %.
Une partie des crédits de ce programme a pour finalité la communication du Gouvernement, en vue d'assurer l'information du grand public sur les politiques ministérielles et d'améliorer, selon lui, la connaissance des actions conduites par les ministères.
Pour 2012, le budget global de fonctionnement du SIRCOM est fixé à 8,5 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2011. Cela dit, cette diminution n'est qu'apparente : elle tient compte en effet du transfert au ministère du travail des crédits de communication concernant l'emploi. L'état de nos finances publiques aurait dû conduire à un effort de maîtrise plus conséquent des dépenses de communication des ministères économiques et financiers. Pour moi, ces campagnes de communication relèvent moins de l'information des citoyens que de la publicité pour la politique gouvernementale.
J'en viens au programme« Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ».
L'année 2011 marque la fin du déploiement de CHORUS, le nouveau système d'information financière de l'État.
Ce projet de plus de 1 milliard d'euros est destiné à assurer l'application pleine et entière de la LOLF. Mais il justifie encore la première des réserves substantielles de la Cour des comptes pour la certification des comptes de l'État en 2010.
À ce titre, j'ai souhaité, cette année, étudier les conditions de mise enoeuvre des centres de services partagés de CHORUS, qu'on appelle communément les « plateformes CHORUS ». J'ai donc rencontré à Lyon plusieurs responsables de ces plateformes, ainsi qu'un certain nombre d'agents, opérateurs de saisie sur ce système.
Le bilan global de ce contrôle opéré sur place n'est guère satisfaisant : au-delà des difficultés rencontrées lors des premières vagues de déploiement du logiciel, notamment en matière de formation – dont l'accompagnement a été qualifiée devant moi d'« abattage » –, il apparaît que nombre de difficultés perdurent : mauvaise gestion des marchés publics, absence de contrôles bloquants autorisant, par exemple, la saisie en double des factures, lenteur du système, pertes de données entre l'application « formulaire » et « CHORUS » – pour n'évoquer que les principales. Ces remarques ont été formulées dans d'autres rapports.
Les conditions de travail sur CHORUS ne sont pas non plus satisfaisantes : les tâches sont segmentées, répétitives et déresponsabilisantes pour les agents.
Madame la ministre, au-delà de mes observations sur le terrain, qui tranchent avec la communication de vos services, je m'interroge quant à la réalité du retour sur investissement de ce projet considérable. Là encore, les informations que j'ai pu recueillir sur place en termes d'agents nécessaires au fonctionnement de CHORUS sont assez éloignées des indications contenues dans le projet annuel de performances. Pouvez-vous détailler les actions mises enoeuvre par vos services pour remédier aux difficultés nombreuses et persistantes de CHORUS ? Peut-on vraiment, dans ces conditions, espérer pour l'année prochaine, une levée de la réserve substantielle de la Cour des comptes ? Confirmez-vous les hypothèses de retour sur investissement de CHORUS contenues dans le projet de loi de finances ?
J'ai par ailleurs examiné, cette année encore, les conséquences des mesures développées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), notamment au ministère de la justice.
Je persiste à considérer que la mesure emblématique de la RGPP, le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, est absurde. Sa mise en oeuvre concrète illustre tout à fait les craintes exprimées par Philippe Séguin en 2009 : « L'État se révélant incapable d'analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence, sa politique du personnel est dictée principalement par des considérations budgétaires de court terme. Cette démarche ne profite qu'aux administrations pléthoriques et sous-productives. ». De fait, elle s'apparente peu à un effort de productivité. Beaucoup d'observations sur la RGPP illustrent malheureusement cette vision prémonitoire.
En 2009, j'avais rencontré plusieurs organisations syndicales. Elles regrettaient alors « le rythme rapide, voire précipité, avec lequel les réorganisations étaient effectuées, ainsi que le caractère brutal de leur mise enoeuvre ». Les risques de désorganisation avaient été mentionnés, avec une baisse de la qualité et une rupture dans la continuité du service.
Les propos de ces organisations syndicales, aux termes desquels la concertation sur la révision générale des politiques publiques n'avaient jamais réellement eu lieu sont confirmées par la réalité.
La Mission d'évaluation et de contrôle sur la soutenabilité de l'évolution de la masse salariale de la fonction publique a organisé en mai 2011, dans le cadre de ses travaux, une table ronde avec des représentants syndicaux. On y retrouve les mêmes expressions et les mêmes termes. Lors de cette réunion, tous ont dénoncé l'absence de véritable concertation sur la RGPP. Ainsi, M. Jean-Marc Canon, secrétaire général fonction publique de l'UGFF-CGT, a déclaré : « La RGPP n'a donné lieu à aucune concertation à quelque niveau que ce soit, central, territorial ou déconcentré. Au mieux, les organisations syndicales représentatives et les représentants des personnels sont tenus informés de sa mise enoeuvre. Toutes les enquêtes menées depuis deux ou trois ans montrent que, quelles que soient les catégories socioprofessionnelles, les agents publics se sentent spectateurs de la RGPP, voire étrangers à celle-ci, et qu'elle suscite chez eux de grandes inquiétudes. »
C'était déjà mon sentiment lorsque j'avais entendu les organisations syndicales.
J'ai aussi voulu étudier la situation dans un département ministériel particulier, celui de la justice.
Lors d'un déplacement, j'ai pu vérifier que la réforme de la carte judiciaire, menée au pas de charge et, d'après les syndicats, sans concertation ni préparation suffisantes, a conduit à de fortes désorganisations. On déplore souvent une inadéquation entre les ressources disponibles et la charge de travail dans les tribunaux ainsi réorganisés. L'exemple du tribunal de grande instance de Saint-Étienne est à ce titre édifiant : tandis que les affaires y ont augmenté de 30 %, aucun personnel supplémentaire n'y a été affecté, alors même que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne s'applique pas dans le secteur de la justice !
Par ailleurs, la restructuration des emplois, avec souvent une diminution du nombre d'agents de catégorie C, a pour effet une surcharge de tâches matérielles pour les magistrats et greffiers.
Paraphrasant la devise olympique, l'un de mes interlocuteurs a qualifié cette réforme de la justice par la maxime suivante : « Poursuivre plus, plus vite, moins cher. »
La RGPP aurait pu être une politique intelligente, je l'ai souvent dit. Elle est nécessaire. Cependant, quand la politique d'amélioration des services publics est conduite sur la base de la règle absurde du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et avec aussi peu de concertation, elle arrive à désorganiser une fonction publique française pourtant remarquable et que de nombreux pays nous envient : il suffit de voir le nombre d'institutions internationales qui font appel à de hauts fonctionnaires français.
Ma question est donc simple, madame la ministre : quand allez-vous procéder à une évaluation objective de la RGPP, de ses méthodes et de son coût ?