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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 27 octobre 2011 à 21h30
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

de la culture et de la communication. Monsieur Herbillon, lors de chacune de mes interventions relatives au Grand Paris, j'appelle au respect du principe du « 1 % culturel », obligation légale parfois malmenée, et je répète qu'il n'y aura pas de Grand Paris sans Grand Paris culturel. Cela peut paraître grandiloquent, mais j'observe que le président de la République a repris cette formule dans le discours qu'il a prononcé à la Cité de l'architecture.

Un mot, justement, à propos d'architecture. A mon arrivée au ministère, les architectes qui avaient oeuvré au projet Grand Paris erraient dans un réel désarroi, sans lieu pour travailler et sans que leur travail soit reconnu. Avec Ann-José Arlot, j'ai installé au Palais de Tokyo l'Atelier international du Grand Paris, j'en ai rencontré les membres régulièrement et j'y ai amené le président de la République. Les architectes se sont enfin sentis investis d'une mission et, depuis deux ans, une émulation féconde a permis la réalisation de très beaux projets structurants. J'en donnerai pour exemple la transformation de la tour Médicis, située aux confins de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil et qui était vouée à la démolition, en centre culturel et en résidence pour artistes. Cette opération, qui semblait utopique, sera réalisée, et une station de la future grande boucle du métro sera même installée au pied de la tour. C'est par des projets de ce type que le ministère de la culture s'insère dans le Grand Paris.

Le financement public du Palais de Tokyo n'excédera pas l'enveloppe initialement prévue, soit une vingtaine de millions d'euros. Dès l'origine, de 7 à 8 millions manquaient, mais la forme juridique particulière donnée à l'établissement prévoyait des apports privés, qui se feront. La crise de gouvernance du Palais de Tokyo est maintenant résolue et la nomination à sa présidence de M. Jean de Loisy, personnalité remarquable, a ranimé la confiance.

Beaucoup de critiques ont été exprimées sur le coût de la Philharmonie de Paris, important il est vrai, puisque compris entre 300 et 320 millions d'euros. Mais le financement du projet est pris en charge à 45 % par l'État, à 45 % par la Ville de Paris et à 10 % par la Région Île-de-France. C'est un projet magnifique. Rome, Berlin et Londres ont une philharmonie, et Paris, où Barenboïm ne s'arrête qu'une journée car il n'a aucun lieu où répéter, continuerait de ne pas en avoir ? La Philharmonie de Paris sera un auditorium digne de notre pays mais aussi la clef de voûte de la transmission musicale en France. On constate un formidable engouement pour la musique, mais les petites salles manquent aux artistes pour se produire. La Philharmonie de Paris le leur permettra : outre la grande salle de concert, plusieurs salles de moindre dimension composeront une cité de la musique complémentaire à celle qui existe.

L'installation de ce bâtiment à La Villette ne doit rien au hasard : c'est une ouverture voulue vers la banlieue Nord, dans une optique de désenclavement des grands équipements culturels, une autre composante de la nouvelle géographie définie dans le projet Grand Paris.

Nous avons la chance d'avoir des personnalités de premier plan – ainsi de Brigitte Lefèvre, directrice de la danse, ou d'Henri Loyrette, président du musée du Louvre qui, chacun dans leur domaine, ont fait des merveilles. Il en va de même pour Laurent Bayle, directeur de la salle Pleyel, de la Cité de la musique et de la future Philharmonie de Paris, qui est à l'origine de l'orchestre des jeunes Demos. Le projet Demos a permis dans un premier temps que de jeunes solistes enseignent la musique d'orchestre à 250 jeunes gens de quartiers défavorisés des banlieues ; deux ans plus tard, nous en sommes à mille adolescents et des contrats ont été signé avec quatre régions. Ce projet, qui a provoqué un afflux de bénévoles, deviendra dans les cinq ans un des grands projets français de démocratisation culturelle. Ceux qui ont assisté, salle Pleyel, à la première apparition publique de ces jeunes musiciens, auront constaté l'enthousiasme provoqué par cette adaptation du modèle vénézuélien des orchestres bolivariens. Les jeunes de Demos pourront répéter à la Philharmonie de Paris.

C'est donc bien d'un ensemble qu'il s'agit, ce qui explique pourquoi j'ai répondu à la fois à vos questions portant sur le Grand Paris, la transmission musicale et la démocratisation des pratiques culturelles par l'accès à la musique.

Je comprends que, lorsque nous décidons de financer des équipements importants, on puisse s'émouvoir de nos choix, et considérer que tous ces gens du ministère se donnent bien du mal pour favoriser les grands chantiers plutôt que la transmission des savoirs. En réalité, les paramètres ont changé, non les budgets : on a fait passer les crédits d'un tiroir à un autre.

Dans le même temps, certains grands chantiers sont indispensables, et nous les finançons de la manière la plus judicieuse. Comme je vous l'ai dit, au Palais de Tokyo, nous nous en tenons à l'enveloppe prévue, et nous avons modifié la gouvernance. Quant à la réfection du Musée Picasso, qui demandera 50 millions d'euros, elle devait être faite. Le musée a été ouvert à la hâte il y a 30 ans sans même l'avis conforme de la Commission de sécurité, et avec un tiers seulement de la dation consentie – le reste des oeuvres a été confié en dépôt à d'autres musées, qui ne veulent pas les restituer… En l'état, le musée Picasso ne fonctionne plus. Aussi Anne Baldassari, son héroïque directrice, sachant que la dotation de l'État ne suffirait pas à payer les travaux de la nouvelle aile, a-t-elle cherché, et trouvé de l'argent toute seule, en organisant notamment des expositions à Moscou ou à Saint-Pétersbourg. Les grands chantiers sont donc financés attentivement.

Le poids de Paris serait trop important par rapport à celui des régions ? Mais l'objectif de la Philharmonie est de permettre que s'y exprime tout ce qui ne peut se faire ailleurs en France. De même, le Palais de Tokyo sera le catalyseur de tous les FRAC, qui pourront y exposer leurs oeuvres. Certes, tout cela aura lieu à Paris, mais en coopération avec les régions, ce qui n'était pas le cas auparavant. Il ne s'agit nullement de constituer une forteresse, mais de donner un rayonnement supplémentaire aux régions.

S'agissant du plan d'action pour les arts plastiques et du plan d'action pour la mode, la mesure la plus importante consiste en l'ouverture d'une ligne de soutien supplémentaire, garantie par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles.

L'IFCIC soutiendra donc désormais non plus seulement le cinéma, mais aussi la mode et les arts plastiques, à hauteur d'un million d'euros chacun. Il fournira ainsi aux galeries, notamment émergentes, un relais de trésorerie leur permettant de défendre les artistes et de disposer de plus de place pour installer leurs oeuvres.

Ce plan d'action en faveur des arts plastiques a été très favorablement accueilli, dans un domaine qui suscite pourtant bien des passions. Le plan s'étend notamment à l'enseignement. Pour ce qui relève du ministère de la culture, ce domaine est presque entièrement passé au système LMD au cours des deux dernières années, ce qui peut être porté à notre crédit.

On a raillé les 12 millions d'euros répartis sur trois ans du plan d'action pour le spectacle vivant. Mais si cette somme est bien dépensée, si elle est affectée là où le besoin s'en fait sentir, ce ne sera pas si mal ! Sans vouloir faire de polémique, le montant ne semblerait pas si misérable si l'on n'avait pas avancé des chiffres fantaisistes par ailleurs. Du reste, lorsque j'ai présenté le plan au festival d'Avignon, personne n'a ricané ! Si nous pouvons faire plus, nous le ferons. Pour l'heure, la somme permettra de créer deux scènes nationales supplémentaires et d'aider certains centres chorégraphiques qui en ont terriblement besoin.

L'affaire de l'hôtel de la Marine est en passe d'être résolue. La semaine même de mon entrée en fonctions, j'ai dit au chef de l'État qu'on allait à la catastrophe, que l'hôtel de la Marine avait toujours appartenu à l'État et qu'il représentait un emblème intouchable. Je lui ai suggéré de créer une commission pour y réfléchir, présidée par une personnalité respectée. C'est ce qu'il a fait, en désignant M. Giscard d'Estaing, et je ne peux que m'en réjouir. Il est également heureux que l'administration du monument soit confiée au Louvre, notre établissement public le plus performant, comme tous le souhaitaient.

Cette affaire m'a valu bien des angoisses, de la fatigue, a nourri bien des intrigues et des rumeurs, mais j'ai le sentiment – permettez-moi de le dire – d'avoir bien travaillé. Je note d'ailleurs que la commission est pour l'essentiel constituée des personnes dont nous avions proposé les noms au président Giscard d'Estaing.

Monsieur Herbillon, j'ignore ce qui permet à la Cour des comptes d'affirmer que la gratuité de l'accès aux musées pour les jeunes n'est pas une réussite. Au contraire, elle a permis d'accroître de 50 % la fréquentation régulière des jeunes qui en bénéficient. J'ai du reste étendu la mesure aux jeunes étrangers non européens légalement installés en France pour y faire leurs études. L'effet financier en est minime, les conséquences sociologiques en sont considérables.

Cela étant, je ne suis pas favorable à la gratuité partout et pour tous. Ce qui a une valeur a un prix. Personne n'est choqué de payer au prix fort des places de concert dans le privé. Quand on a plus de vingt-six ans, on devrait pouvoir payer neuf euros pour passer au Louvre une journée qui enrichira le reste de sa vie.

Je suis très fier, monsieur Herbillon, des conventions de développement culturel que nous avons instaurées. La première convention de la nouvelle vague a été conclue il y a deux mois avec trois petites communes d'Auvergne, pour une somme modeste, et la deuxième il y a quinze jours, avec Bordeaux. D'ici à la fin janvier, nous en aurons signé soixante-dix. Il s'agit de véritables programmes triennaux par lesquels l'État, par l'intermédiaire de mon ministère, s'engage, à certaines conditions que la collectivité locale devra respecter, à investir, à construire, à favoriser la démocratisation de la culture, à soutenir les associations, sans que soit oubliée la part d'imprévu contre laquelle on ne peut se prémunir. Soixante-dix conventions : nous retrouvons les chiffres de l'époque de Michel Guy ou de Jack Lang. Je salue le travail de Guillaume Boudy, secrétaire général du ministère, de Philippe Bélaval et de leurs équipes.

Votre évocation du cinéma itinérant, monsieur Verchère, me rappelle le merveilleux film de trois minutes réalisé par Wim Wenders à l'occasion du 60e anniversaire du festival de Cannes, qui montrait combien cette pratique a forgé l'identité cinématographique de bien des pays. Quand j'avais votre âge, j'ai fait venir à Paris, dans un petit square du 14e arrondissement, le premier ciné-camion, qui offrait trois cents places et qui a rencontré un formidable succès. Le festival de Lussas – où ma visite a d'abord suscité quelque émoi, car on n'y partage guère les convictions que l'on a coutume de prêter, à tort, au ministre de la culture – accueillait cette année deux superbes cinémas itinérants. Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre que, trente ans après mon ciné-camion, les choses n'avaient guère changé ! Ces équipements coûtent encore très cher, près d'un million d'euros, soit beaucoup plus que les systèmes allemands. Mais j'imagine que les 131 cinémas itinérants que vous évoquez reposent sur des installations beaucoup plus modestes et sont fortement concurrencés par d'autres formes de transmission des images.

Je ne peux répondre à votre question à l'instant, mais je m'engage à m'occuper de ces cinémas, dans le contexte, rappelé par le président Herbillon, des progrès de la numérisation..

Madame Boulestin, vos questions étaient très justes, comme toujours. Mais il n'y a pas de démantèlement des Archives, au contraire. Je me rends demain à Bar-le-Duc pour y ouvrir les archives de la Meuse. J'ai travaillé toute ma vie sur les archives, je les respecte et je les aime. L'État a décidé, et je l'approuve, de construire à Pierrefitte un centre d'archives enfin moderne, qui s'étendra sur 66 000 mètres carrés en plus des 15 000 mètres carrés restant à Paris. En d'autres termes, la surface dévolue aux archives sera multipliée par plus de trois, passant de 22 000 à 80 000 mètres carrés. Le coût des travaux, décidé avant mon entrée en fonctions mais maintenu sous mon autorité, sera de 273 millions d'euros. Malgré la RGPP – dont tout le monde souffre, mais que j'estime quant à moi nécessaire –, quelque soixante emplois ont été créés aux Archives.

La future Maison de l'histoire de France, dont je ne désespère pas de vous démontrer l'intérêt, doit être installée dans le site parisien libéré par les Archives nationales. Toutes les archives antérieures à 1790 resteront cependant à Paris : la Maison de l'histoire de France n'occupera que 10 000 mètres carrés, dont les Archives n'ont pas besoin – 80 000 mètres carrés sont bien suffisants pour mettre à plat ce qui était disposé en hauteur !

Le problème, c'est que les personnels des Archives, abandonnés pendant vingt-cinq ans, se sentent mal aimés, et sont furieux qu'on leur demande de se déplacer. Pourtant, je n'ai cessé de dialoguer avec eux. Quant aux sanctions « insupportables » dont vous avez parlé, madame Amiable, il ne s'agit que de menaces de sanctions, adressées à trois personnes qui ont mal agi en organisant un véritable meeting politique aux Archives, alors que nous les avions mises en garde. Ces personnes ne seront sanctionnées que si elles récidivent.

Quant à l'ouverture des jardins dans un quartier de Paris dépourvu d'espaces verts, elle est très bien accueillie par les habitants – un peu moins bien, c'est vrai, par des personnels qui n'ont pas l'habitude de voir des enfants et des fleurs gagner un lieu qu'ils ont soigneusement tenu à l'écart de la vie du quartier. Pardonnez-moi d'être quelque peu polémique : parfois, cela ne fait pas de mal de dire ce que l'on pense !

Monsieur Rogemont, le projet de création du Centre national de la musique est le fruit de l'excellent rapport de la mission réunissant notamment Daniel Colling, Alain Chamfort, Didier Selles et Franck Riester, qui ont auditionné 1 000 représentants de la filière musicale. Cette filière est en ruine. Elle a perdu 60 % de son chiffre d'affaires ; du point de vue des emplois, du renouvellement des talents, c'est une catastrophe. Le secteur tout entier appelle de ses voeux le Centre national de la musique.

On soupçonne le ministère de vouloir se défausser sur le Centre ; en créant ce dernier, il veut au contraire réagir plus efficacement à cet effondrement de la filière. D'autre part, nous sommes aussi attentifs aux difficultés du spectacle vivant qu'à la faillite de la filière musicale. Rien ne dit que la mission sur le spectacle vivant formulera les mêmes propositions que la mission sur la musique, mais si la première permet d'apporter des ressources supplémentaires au spectacle vivant, tant mieux : le Centre national de la musique ne privera pas le spectacle vivant d'un sou ni d'une once de notre attention.

Comment financer le Centre national de la musique ? À cette question, je n'ai pas encore de réponse. Elle dépendra de la préfiguration, qui sera menée sous l'égide d'une personnalité choisie parmi les remarquables hauts fonctionnaires de la Cour des comptes ou du Conseil d'État qui ont accompli avec succès des missions analogues depuis que je suis ministre.

Une chose est sûre, même si les fournisseurs d'accès ne doivent pas servir de vache à lait sous prétexte qu'ils gagnent de l'argent, il reste qu'ils diffusent de la musique en permanence, et que les tuyaux sont devenus les maîtres du contenu : il faut donc rétablir l'équilibre. Le travail du préfigurateur devrait confirmer cette orientation et en préciser les modalités et le cadre juridique. Pour ma part, je me bornerai à lui indiquer le coût du projet et à lui demander de tenir compte de l'évolution radicale de l'économie de transmission de la culture au cours des dernières années.

Madame Amiable, je suis d'accord avec vous sur le besoin de culture et sur la nécessité de protéger certains statuts. Mais le statut des intermittents n'est pas menacé : il est préservé jusqu'à fin 2013, jusqu'à une échéance inévitable que nous avons déjà repoussée. Je n'ai jamais été victime de l'accès de prurit libéral que ce statut suscite régulièrement et dont la presse économique se fait l'écho.

En ce qui concerne enfin les relations avec les collectivités locales, nous avons réussi, malgré les inquiétudes, à maintenir le système des compétences croisées. Cela permet de préserver un dialogue avec les collectivités locales et un maillage culturel du territoire bien plus satisfaisants.

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